Nicolas De Decker

Charles Michel, une certaine idée de la nuance

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Deux personnes travaillent au 16, rue de la Loi, à 1000 Bruxelles. Elles ont le même bureau, et puis elles se ressemblent un peu. Les deux ont le crâne lisse et le costume bleu, la lunette ronde et le poil dru, alors parfois les gens qui ne les connaissent pas bien les confondent. Mais les vrais savent que ces messieurs ne sont pas les mêmes. Il suffit de les écouter un peu pour s’en rendre compte.

L’un a le verbe émollient et la didactique oblative, l’autre la mauvaise foi rageuse et le mépris fumeux, le premier dit qu’il veut de la nuance, le second dégobille de véhémence.

Et toujours le second contredit très exactement le premier.

Quand le premier, à la tribune de la Chambre, pose au champion de  » la démocratie des résultats contre la démocratie des slogans « , le second, à la même tribune de la même Chambre, hurle contre  » la gauche qui défend le chômage « .

Quand le premier, dans les journaux populaires, joue au garant d’une si noble tradition libérale que prolongerait en Belgique sa seule tête chauve sur ses épaulettes bleu nuit, le second, dans les mêmes journaux populaires le même jour, invente une  » dictature de l’opposition  » qui effraierait même une touffe blonde sur un visage d’Amérique tout orange.

Quand le premier, sur Facebook,  » veut rétablir quelques vérités très éloignées que d’aucuns veulent créer  » sur sa politique migratoire, le second veut faire croire, à la radio, que ceux que chiffonne l’expulsion au Soudan de neuf Soudanais réclament l’arrivée en Belgique de dizaines de milliers de Soudanais.

Quand le premier, dans ses voeux solennels aux autorités du pays, proclame que  » respecter les concitoyens c’est veiller à mener le débat sur le terrain des faits et de l’argumentation afin de permettre à chacun de se forger une opinion en connaissance de cause « , le second, dans ses interventions pas solennelles à la tribune de la Chambre ou à la télévision, crie sur ceux qui expliquent que son pays crée moins d’emplois que ceux d’à côté ou qui remarquent que le pouvoir d’achat progresse moins dans son pays que dans ceux d’à côté.

Quand le premier déclare  » n’avoir pas l’habitude de commenter les positionnements des présidents de partis  » à chaque grognement de celui de la N-VA, dont tout le monde a peur, le second passe sa vie à ricaner du moindre jappement de celui du Parti socialiste, dont tout le monde se moque.

Quand le premier dit, jeudi 18 janvier à la Chambre, que la politique de son prédécesseur c’était la misère parce que c’était de gauche, le second disait, en mai 2013 à Jodoigne, que la politique de ce prédécesseur c’était vraiment bien parce que c’était de centre-droit.

Le premier, Charles Michel et le second, Michel, Charles sont donc deux personnes différentes.

Seulement, elles se partagent la même bouche, dont sortent un moment des bouquets de fleurs et le moment d’après des tas de purin. Le mélange des deux n’est au fond ni très joli, mais ça chacun ses goûts, ni très clair, et ça c’est beaucoup plus triste. Un des deux colocataires de ce crâne, de ce costume, de ces lunettes, de ces poils et de cette bouche avait, en 2014, promis de ne pas s’allier à la N-VA, de ne pas imposer de saut d’index, de ne pas relever l’âge de la retraite, et même de ne pas fermer les centrales nucléaires. Etaient-ce des bouquets de fleurs ou des tas de purin ?

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