Thierry Denoël

CETA-Wallonie: l’Europe dérape…

Thierry Denoël Journaliste au Vif

En barrant le CETA, la Wallonie se la joue Astérix le Gaulois. Au-delà de l’image sympathique, cette opposition francophone, très critiquée par l’UE et le gouvernement canadien, constitue un révélateur de l’état de santé démocratique de l’Europe. Diagnostic : pas brillant.

Forcément, l’histoire aurait plu à René Goscinny, car elle a un parfum d’irréductible village gaulois résistant à l’envahisseur romain. En refusant d’avaliser en l’état l’accord de libre échange entre l’UE et le Canada (CETA), la Wallonie – son ministre-président en tête – fait de la résistance face au bulldozer européen. Paul Magnette est-il sincère dans son rôle d’Abraracourcix ? Ou bien court-il après le PTB et son discours anticapitaliste qui fait mouche dans les sondages, comme le laissent entendre certains commentateurs ? Profite-t-il de l’occasion pour se forger une aura internationale, au-delà même de l’Atlantique ? Aujourd’hui, la question n’est pas là (quel politique peut-il d’ailleurs lui jeter la première pierre ?).

L’enjeu est bien davantage celui de la démocratie européenne. Car, quelles que soient les raisons réelles du parlement et du gouvernement wallons de s’opposer à la mouture actuelle du CETA, cette contestation fait partie des règles démocratiques de base. D’autant que la Région wallonne n’oppose pas un non catégorique au CETA, mais demande qu’on négocie davantage un texte qui a été préparé dans la plus grande discrétion pendant des années, comme l’est son jumeau, le TTIP, avec les Etats-Unis. Est-ce choquant de refuser d’avaliser un accord au moment de le signer ? Pourquoi alors demander aux Etats (et aux régions qui les composent) de parapher un tel accord si la possibilité de dire « non, il faut continuer à discuter » semble si choquant ? Cela revient à dire que l’exercice démocratique lui-même est choquant…

Ce sont donc plutôt les pressions, les ultimatums et les menaces à peine voilées, de la Commission européenne sur Paul Magnette qui s’avèrent indignes. Et surtout aveugles. Car les institutions européennes n’ont jamais semblé aussi éloignées des citoyens qu’aujourd’hui, le Brexit l’ayant démontré de manière remarquable. Des citoyens dont une partie grossissante rêve de voir la démocratie s’exercer autrement, non plus seulement par et pour les élites. Des citoyens qui ne semblent pas convaincus du tout par l’accord de libre échange tel qu’on s’apprêtait à le signer avec le Canada. Des citoyens qui se sentent méprisés par ces politiques qui, comme l’ancien commissaire Karel De Gucht, exhortent de quand même avaliser le CETA malgré le refus wallon. Au Québec et dans d’autres pays européens, il y a aussi des opposants, nombreux, à cet accord. Ils n’ont pas réussi à se faire entendre par les politiques. En Wallonie, ils y sont parvenus. En tentant de discréditer cette manifestation de la démocratie, l’Europe dérape dangereusement. Et se tire une balle dans le pied.

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