Thierry Denoël

Budget : touche pas à mon salaire !

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le dernier round budgétaire est sans doute le plus symbolique. Si le gouvernement Di Rupo a trouvé les moyens d’équilibrer ses comptes pour 2013, cela coince encore sur le débat de la relance. On le sait, la position concurrentielle des entreprises belges n’est pas folichonne : les salaires des travailleurs dérapent souvent par rapport à nos trois principaux partenaires commerciaux, à savoir la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Pour redresser la barre, l’Open-VLD veut toucher au sacro-saint index des salaires. Justification : cette particularité belge, qui, aux yeux des salariés des autres pays, fait du nôtre un paradis social, constitue un handicap sur le plan de la compétitivité. Il est vrai que si l’indexation permet de maintenir le pouvoir d’achat de manière égalitaire (argument des socialistes), elle avantage ceux qui ont un travail mais pas ceux qui en cherchent car elle a un impact sur le coût salarial et donc sur l’emploi (argument des libéraux).

Mais les particularismes ont généralement la vie dure. Ils se cultivent comme un tabou. Le PS ne voulait pas entendre parler d’un saut d’index (qui priverait les salariés du bond de 2 % prévu en 2013) ni même d’une révision de la composition de l’indice, ce panier ménager qui mesure la hausse du coût de la vie. On ne touchera donc pas à l’index. Le symbole est sauf. Les libéraux n’ont pas baissé les armes pour autant. Epaulés par le CD&V (qui soutenait le saut d’index), ils sont revenus à la charge avec la loi de juillet 1996 sur la compétitivité.

Née dans le contexte européen de l’union monétaire, cette loi permet de limiter l’évolution du coût salarial de la Belgique par rapport à l’évolution moyenne de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas. Le hic : la comparaison a toujours été opérée en fonction des prévisions de hausse dans ces pays et non en fonction des hausses réelles. La forte modération salariale allemande a, en outre, creusé l’écart depuis 2005. Certains souhaitent donc modifier la loi pour qu’il n’y ait plus d’augmentation salariale en dehors de l’index.

Les syndicats pourront-ils avaler la couleuvre ? Enjeu : les travailleurs sont de plus en plus mis en concurrence entre pays voisins. Les plus compétitifs sont ceux qui se résignent aux salaires les plus bas. Dans cette course, les Allemands se montrent très performants. Mais où cela s’arrêtera-t-il ? N’assiste-t-on pas à une régression sociale ? Si, au nom de la compétitivité, il faut limiter l’évolution des salaires, ne pourrait-on également réfréner les exigences de rentabilité à court terme des actionnaires d’entreprises, en fixant un plafond de rentabilité actionnarial (comme le propose l’économiste français Frédéric Lordon)? Est-ce plus saugrenu que de toucher aux salaires ?

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