Bruxelles © iStock

Bruxelles fait les yeux doux à la classe moyenne

Le Vif

Pendant des années, elle a déserté la capitale. Mais à droite comme à gauche, en français comme en flamand, tout le monde est d’accord pour dire que la capitale doit réattirer la classe moyenne. Histoire, surtout, de faire rentrer des sous dans les caisses. Et d’avoir les moyens de ses grandes ambitions.

Opération séduction. Chaque année, plus de 30 000 Bruxellois quittent la capitale et mettent le cap sur la Flandre ou la Wallonie. Deux Régions qui répondent davantage à leurs aspirations en termes de mobilité et de qualité de vie. La grande majorité de ces habitants fait partie de la classe moyenne. Avec des revenus individuels estimés entre 20 000 et 50 000 euros brut annuels. Voire plus.

Le constat n’est pas neuf. Mais cette évasion de la classe moyenne prend de l’ampleur. Et pose problème, car elle plombe les caisses communales et régionale. Les rentrées fiscales diminuent alors que les écarts s’accentuent : les faibles revenus restent coincés en bas de l’échelle alors que les riches continuent de s’enrichir. Il ne faut pas avoir fait de grandes études d’économie pour comprendre que le scénario ne peut durer, sous peine d’entraver sérieusement le développement bruxellois et de ne pouvoir réaliser aucun projet d’envergure. La chasse à la classe moyenne est lancée.

« L’objectif n’est pas de rapatrier la classe moyenne qui a quitté Bruxelles », réplique le député régional FDF Emmanuel De Bock, qui a calculé que cette « fuite » faisait perdre 261 millions par an aux communes et à la Région par le biais de l’IPP. « Elle ne reviendra plus. Ce qu’il faut, c’est pouvoir garder les habitants qui s’élèvent économiquement et en âge. » Yves Goldstein, chef de cabinet du ministre-président Rudi Vervoort (PS), ajoute : « Bruxelles est un des plus importants producteurs de classe moyenne d’Europe. De par son cadre culturel, universitaire et scolaire. Le seul souci, c’est que quand ces gens commencent à travailler et à s’enrichir, le fossé reste trop important pour pouvoir les retenir. »

Quels sont les freins ? Le coût du logement, la mobilité, la qualité de vie, etc. « Les gens qui quittent Bruxelles le font définitivement, même s’ils travaillent toujours dans la capitale. C’est le paradoxe. Il faut maintenant agir de manière globale sur le cadre de vie, la création de nouveaux quartiers ou encore l’amélioration de la mobilité. Nous voulons que ceux qui grandissent dans la capitale continuent à vivre à Bruxelles. »

C’est l’objectif de la « Stratégie 2025 » arrêtée par le gouvernement bruxellois. Elle se développe en trois axes : le développement territorial (cadre de vie et mobilité), l’emploi et la fiscalité.

Lutter contre le chômage des jeunes

L’amélioration du cadre de vie passe par une hausse du parc de logements. Dix quartiers prioritaires ont été définis. Il s’agira également de pôles d’emplois (16 000 seront créés), qui devraient aider à faire grimper les bas revenus vers une classe sociale supérieure. Car, si la Région bruxelloise continue d’être une région riche (elle produit environ 20 % du PIB national et offre quelque 700 000 emplois), elle souffre du fait que la moitié des emplois existants sont occupés par des non-Bruxellois. Ce qui fait de Bruxelles la Région la plus durement touchée par le chômage : 20 % de sans-emploi, 35 % chez les moins de 25 ans. Même si, il faut le préciser, les chiffres sont à la baisse depuis trois ans.

Le troisième axe concerne la fiscalité immobilière. Depuis la sixième réforme de l’Etat, les Régions sont compétentes pour certains pans de la fiscalité. Une réforme fiscale bruxelloise était attendue, elle a été annoncée mi-octobre. En gros, en faisant glisser une partie de la fiscalité sur le travail vers la fiscalité immobilière, cette réforme est censée pousser la classe moyenne à résider, travailler et payer ses impôts en Région bruxelloise. Elle est en effet conçue pour sanctionner les multipropriétaires non Bruxellois et encourager les résidents qui ont un (bon) salaire. Entrée en vigueur : le 1er janvier 2017.

Le gouvernement a notamment décidé de faire passer de 60 000 à 175 000 euros le montant d’exonération des droits d’enregistrement (12,5 %), si le prix d’achat du bien n’excède pas 500 000 euros. « Ce choix va clairement dans le bon sens : l’avantage fiscal n’est plus étalé dans le temps, mais concentré au moment où on en a le plus besoin, c’est à dire au moment de l’achat », estime Eric Verlinden, patron du groupe Trevi. De son côté, le bonus logement passe à la trappe. « Cette suppression devrait déclencher une nette hausse des achats jusqu’en décembre 2016, de même qu’une augmentation des prix, prédit Julien Manceaux, économiste chez ING. Sur un emprunt de vingt ans, les mesures prises vont faire perdre 33 000 euros aux Bruxellois. »

Si ces choix politiques suscitent des réactions diverses, ils ont un objectif clair. « Ils ne visent pas à chasser les pauvres et à gentrifier Bruxelles, note Yves Goldstein. Mais il n’y a pas de salut dans une ville monosociale. Le défi principal est donc de capter les catégories sociales qui sont plus contributives à la société. Nous avons besoin, à Bruxelles, de mener de grandes politiques et nous n’en avons pas les moyens. Exemple : on a un budget annuel de 3,8 milliards, qui a été augmenté de 800 millions après la réforme de l’Etat. Or, rien que le métro Nord – Albert coûte 1,8 milliard. Cela complique évidemment les choses… »

Xavier Attout

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