A la Sudbury School Valley. © Capture d'écran YouTube

A Genval, une école sans professeurs, ni programme

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Ce 5 septembre, une école d’un nouveau genre, baptisée l’Ecole Autonome, va ouvrir ses portes en Belgique francophone. Il s’agit d’une école dite  » démocratique « , basée sur le modèle de la  » Sudbury Valley School  » aux États-Unis. Rencontre avec les deux initiateurs du projet, Antoine Guenet et Susan Clynes.

Imaginez une école où il n’y a pas de programme, pas de cours, pas d’examens, pas d’interrogations, pas de professeurs et même pas d’horaire. Une école où dans le processus décisionnel, la voix d’un enfant compte autant que celle d’un adulte. Une école où on ne sépare plus par tranche d’âge ou par compétence. Une école où tous les espoirs sont permis.

Impossible ? Pourtant ce type d’école existe déjà depuis plus de 50 ans aux États-Unis. La pionnière s’appelle la « Sudbury Valley School ». En Flandre, il en existe une à Gand depuis 2010. Un nouvel établissement baptisé L’Ecole Autonome ouvrira à Genval ce lundi 5 septembre.

La Sudbury Valley School.
La Sudbury Valley School.© Capture d’écran YouTube

Rendre les enfants responsables de leurs apprentissages

La « Sudbury Valley School » a été inaugurée en 1968 dans le Massachusetts, aux États-Unis. Depuis, une cinquantaine d’écoles similaires ont ouvert leurs portes partout dans le monde. Le modèle Sudbury part du principe que l’enfant est une personne et qu’il est responsable de son éducation. Les enfants sont donc libres de faire ce qui leur plaît.

Les adultes deviennent alors des accompagnateurs et non plus des juges. « Nous prenons la fonction que l’on nous demande de prendre », explique Susan Clynes. « Nous sommes là pour faire confiance aux enfants, leur laisser faire leurs propres expériences, à leur rythme, tout en respectant leurs choix et leurs envies. »

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Apprendre à lire, écrire, calculer

Depuis 50 ans, la « Sudbury Valley School » a fait un suivi sérieux de tous ses élèves. Il s’avère qu’à la sortie du cursus (de 4 à 19 ans), tous les enfants sont capables de lire, écrire et calculer. « Ils n’étaient pas forcément capables de faire des intégrales », explique Antoine Guenet, « mais moi non plus. Pourtant je l’ai appris à l’école ».

Dans ces écoles, on laisse de l’espace et du temps aux enfants pour découvrir ce qui les passionne, ce qui les intéresse et on leur permet de se spécialiser dans ces branches. L’un va décider de faire la guitare, l’autre va vouloir organiser un voyage, un autre encore va commencer un potager. « Le plus important, c’est qu’ils apprennent à apprendre », nous dit Antoine Guenet, « ils développent cette confiance qui leur permettra de toujours combler leurs lacunes quand elles se présenteront ».

Statistiquement à la sortie de ces écoles on n’observe pas des profils très différents de ceux qui sortent des filières plus classiques. « Simplement, ils deviennent des adultes conscients des choix qu’ils posent, conscients aussi qu’ils sont en mesure de faire évoluer les choses si la situation ne leur convient pas. Ce sont des personnes profondément conscientes de l’utilité démocratique qui acceptent la hiérarchie et l’autorité dans le milieu du travail, car elles l’ont choisi de plein gré ».

Difficile à croire ? « C’est vrai que c’est difficile de s’imaginer comment une telle école peut fonctionner quand on ne l’a pas vu de ses propres yeux. Et pourtant, cela fonctionne vraiment. Les enfants se spécialisent dans les domaines qui les intéressent, ils font leurs propres expériences et s’épanouissent pour devenir des adultes matures et responsables« , affirme Susan Clynes.

La motivation au service de notre cerveau

Non seulement l’apprentissage autonome fonctionne, mais il est plus efficace. Nous en avons tous fait l’expérience un jour. Lorsque nous nous intéressons vraiment à un sujet, nous sommes capables de retenir une quantité impressionnante d’informations ou de savoir-faire en très peu de temps. L’inverse est d’ailleurs tout aussi vrai…

« La motivation permet d’apprendre plus vite et mieux. Il faut faire confiance aux enfants et à leur curiosité naturelle. Nous avons tous appris à parler et à marcher de manière autonome. En tant qu’accompagnant au sein de notre école, notre rôle est de construire un environnement sécurisant et propice à leur développement. Pour cela, la vie en communauté est indispensable. L’apprentissage autonome n’est pas quelque chose qui se fait tout seul dans son coin », expliquent Antoine Guenet et Susan Clynes.

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Lâcher prise

Les deux instigateurs du projet à Genval admettent que, même pour eux, cette approche a été effrayante dans un premier temps. Pourtant, « nous, humains, ne serions jamais devenus les êtres intelligents et évolués que nous sommes si nous n’avions pas eu la capacité d’apprendre de manière autonome depuis la nuit des temps. L’école n’a pas toujours existé, mais nous avons toujours inventé, appris, développé », affirment-ils. « Il suffit de lâcher prise ! 80 % des élèves qui sont sortis de Sudbury ont fait des études universitaires par la suite. » Dans la région où est implantée la Sudbury Valley, les employeurs savent qu’ils auront à faire à des personnes de confiance et capables d’initiative.

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« La société est prête »

En cette rentrée scolaire, ce type d’école va donc voir le jour en Belgique francophone. Elle accueillera dans un premier temps entre 15 et 25 élèves. Susan Clynes et Antoine Guenet ont eux-mêmes été surpris du succès rencontré par leur projet. « Au départ, on pensait ouvrir l’école en 2017, mais on a eu une telle demande qu’on a décidé de se lancer plus tôt », affirment-ils. « Il y a un vrai engouement pour ce type d’enseignement. Nous sentons qu’aujourd’hui les gens sont vraiment prêts ».

En France, une école de ce type a ouvert à Dijon en 2014. Une autre, baptisée « École dynamique », a été inaugurée en septembre 2015 à Paris. Aujourd’hui, une trentaine de projets sont en développement partout en France, selon Slate. En Belgique également, « certaines personnes osent se lancer parce qu’elles voient que notre projet est en train d’aboutir », annonce le couple.

École privée, école d’élite ?

Antoine et Susan n’acceptent aucun financement public : « parce que nous voulons garder notre indépendance et que nous ne voulons pas avoir de contrôle de l’État. Simplement parce que ça ne correspond pas aux valeurs démocratiques que nous défendons. Chez nous, il n’y a pas de directeur, pas de hiérarchie. Quand une décision est prise, c’est parce qu’elle a été votée. C’est pourquoi nous ne voulons pas de mainmise extérieure », explique Susan« Mais nous sommes cependant ouverts au mécénat et aux investissements. »

L’école sera donc principalement financée par les familles elles-mêmes à hauteur de 5000 euros par an et par enfant. « Ça peut paraître beaucoup, mais c’est bien moins que la plupart des écoles privées. Nous encourageons les familles à chercher des bourses et des financements extérieurs. À l’heure de l’économie de partage et du financement participatif, tout est possible. »

Ils affirment qu’ils ont vu des familles modestes inscrire leur enfant dans ce type d’école (en France), simplement parce qu’ils croyaient en ce projet éducatif. « C’est une question de choix », expliquent-ils, « l’école subventionnée n’est de toute façon pas vraiment gratuite (elle coûte 8000 euros par an et par enfant aux contribuables). C’est vrai que c’est beaucoup d’argent et on aimerait que ce soit moins, mais c’est tout de même un prix accessible ».

Pas de reconnaissance officielle

Un bémol s’impose toutefois, l’établissement ne sera pas reconnu comme école par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il imputera donc aux parents d’inscrire leur enfant en « Instruction en Famille » (IEF) pour satisfaire l’obligation scolaire. « Bien qu’il soit visiblement remis en question par le Pacte d’Excellence, le CEB est pour le moment obligatoire, tout comme le CE1D et le CE2D et relève de la responsabilité des familles en IEF », précise Antoine Guenet.

Quant à l’accès à l’Université, les élèves pourront faire le choix de passer le « Jury central » pour obtenir un « Diplôme d’Aptitude à accéder à l’Enseignement Supérieur » (DAES) ou un « Certificat d’enseignement secondaire supérieur » (CESS). Ils peuvent également passer un examen d’entrée pour accéder à certaines écoles supérieures. « L’avantage à ce niveau d’une école Sudbury est qu’ils y ont tout le temps d’apprendre à se connaître, donc d’apprendre à apprendre », conclut Antoine Guenet.

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