Nicolas Baygert

Bellens, Laruelle, Thielemans, la meilleure façon de partir

Nicolas Baygert Chargé de cours à l'IHECS et maître de conférences à l'ULB

Une année 2013 propice aux départs. Les pages se tournent de manière plus ou moins délicate selon les cas. Soigner sa sortie de scène demeure pourtant chose essentielle. Une question de panache, certes, mais avant tout de rebonds.

En Italie, on relèvera la crépusculaire débandade berlusconienne et le « burn-out » papal, débouchant sur une situation inédite en droit canon. En France, après le retrait forcé de l’ex-ministre Jérôme Cahuzac, le slogan « Hollande démission » est en passe de devenir le gimmick de cette fin d’année. Les têtes couronnées n’échappent pas à la règle. Après l’abdication de Béatrix fin avril, inutile de revenir sur celle d’Albert II qui sustenta les rédactions cet été. Retraite vaticane, consentie ou forcée, l’heure est à l’éviction sous toutes ses formes. A noter que depuis peu, le dégagisme – « la politique de la chaise vidée » – dispose même de son manifeste (1).

Aussi, l’histoire immédiate nous offre trois nouveaux cas de passage de témoin fort différents.

Le cas Bellens se présente d’emblée comme le plus rugueux des trois. Précipité des tours Belgacom sans parachute (doré), sacrifié sur l’autel du gouvernement fédéral, reste à savoir de quoi Didier Bellens fut la victime expiatoire. L’économie d’un salaire mirobolant ? Alors que l’ex-patron pourrait gagner son procès s’il intente une action en justice, l’exception salariale est déjà évoquée pour son futur successeur. Or, sans couleur politique, les multiples saillies vis-à-vis de l’Etat (principal et « pire » actionnaire) et d’un Premier ministre attendant sa Saint-Nicolas en fin d’année (les dividendes) semblent avoir davantage motivé la révocation punitive.

En effet, les Pères Fouettard aussi compétents qu’ils soient n’ont pas bonne presse. Convoqué, « inquiété », mais systématiquement blanchi, c’est finalement l’arrogance, vocable maintes fois associé à un autre Didier et crime de « lèse-égalité » par excellence (doublé d’un crime de lèse-majesté) qui sonna l’hallali. Un renvoi non pas mu par un sens de la justice, mais par un ressentiment savamment distillé.

Sommes-nous là dans l’instrumentalisation par l’Etat de l’affect anti-méritocratique dont parle le philosophe allemand Norbert Bolz (2) ? Celui-ci rappelle que comme acteur monopolistique sur le marché de l’opinion, l’Etat demeure avant tout un designer d’émotions à succès. Exit donc le patron-trublion. Bellens dégagé, place à un successeur plus docile.

A Bruxelles, le départ de Freddy Thielemans (PS) paraît plus classique. Désireux de « laisser sa place aux jeunes » (Yvan Mayeur, né en 1960, appréciera) et doté du « courage de passer la main », le désintéressement de ce pilier du folklore brusseleir viendrait presque à concurrencer l’abnégation d’un Benoît XVI. Question de timing, car la bravoure du bourgmestre survient plus d’un an après le scrutin communal. Pour les bancs de l’opposition, les électeurs bruxellois peuvent « légitimement se sentir dupés ». Aussi, au sujet de sa propre succession, les mots du zwanzeur interpellent : « Nous sommes une structure démocratique et par conséquent il y a des stades qu’il faut suivre… à l’intérieur de la structure partisane. » Freddy Thielemans devrait lui bénéficier d’un atterrissage en douceur, le projet Neo devant amortir sa descente du côté du Heysel.

Reste le cas de Sabine Laruelle (MR), pour qui « la politique n’était pas un objectif en soi », qui tranche de manière quasi exotique avec les exemples précédents. Voulant éviter la « législature de trop », la ministre désire partir « avant de devenir aigrie, stratège, alimentaire ». « Ma motivation s’érode », avoue-t-elle. De quoi rester pantois.

Machiavélisme d’Etat, mystification particratique ou humilité véritable, les départs se suivent mais ne se ressemblent pas.

(1) Manifeste du dégagisme, révolutionnaires d’hier et d’aujourd’hui : dégageons !, Collectif Manifestement, maelstrÖm reEvolution, 2011.

Retrouvez la chronique de Thierry Fiorilli le lundi à 7 h 20 sur Bel-RTL Matin.

par Nicolas Baygert Chercheur au Lasco (UCL), enseigne les sciences politiques et sociales à l’Ihecs.

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