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Bart De Wever relégué aux oubliettes en 2012 ?

La N-VA règne, mais ne gouverne pas. Le paradoxe est tout, sauf banal : le parti le plus puissant de Flandre ne participe pas à la gestion du pays. Le pire pour De Wever et son parti serait de devenir affreusement banal dans l’opposition. De rabâcher, seul dans son coin avec le Vlaams Belang, la complainte nationaliste. Au point d’en devenir lassant.

Les couplets sont basiques, les refrains répétitifs, mais les « tubes » sont calibrés pour cartonner dans les chaumières de Flandre. Autour du ténor Bart De Wever, les ch£urs de la N-VA invitent le public à se repasser en boucle la ritournelle. « La Belgique a droit à un gouvernement francophone taxateur », « au pays PS, le fraudeur est roi », « la population flamande ne fait pas confiance à ce gouvernement. C’est logique, puisqu’il s’agit d’un gouvernement sans majorité flamande », « cet accord de gouvernement ne sauve pas l’Etat providence mais bien l’Etat PS, où les travailleurs sont pénalisés et la majorité peut continuer à vivre sur un grand pied. »

Le PS restera la valeur sûre du répertoire N-VA. L’épouvantail agité en permanence sous les yeux du Flamand bosseur et nanti. La vedette, Bart De Wever, précise sa pensée à longueur d’interviews : « Di Rupo sans majorité flamande, jamais je ne l’appellerai Premier ministre. Je resterai poli et m’adresserai à lui en tant que Monsieur. Mais sans majorité dans ma démocratie, il n’est pas mon Premier ministre. »

La N-VA, forte de sa toute puissance électorale, a choisi son camp. L’opposition, rebelle au pouvoir fédéral, réfractaire à l’establishment belge auquel se sont ralliés tous ces « traîtres » à la cause flamande : le SP.A, les libéraux flamands, plus encore l’ancien partenaire de cartel, le CD&V. Tous ces « idiots utiles du PS », dixit De Wever, qui ont accepté de pactiser avec les francophones, pour le meilleur en Wallonie et à Bruxelles, et le pire en Flandre…

Les nationalistes flamands se persuadent de tenir le bon bout. Un £il sur ces 25 000 supporters qui ont rejoint leurs rangs. Un regard sur ces quelque 40 % de sondés flamands qui déclarent toujours leur flamme pour De Wever et son parti. La N-VA ne connaît pas la crise.

La coqueluche du jour veut pourtant garder la tête froide. « Ce sera un contre tous. Tous les partis traditionnels vont essayer, ensemble, de nous rendre la vie impossible. Et leur mégaphone est naturellement toujours bien plus puissant que le nôtre. Ils ont un ancrage nettement plus profond dans les médias et la société civile. On ne sait jamais la manière dont la population flamande réagira, si de concert ils peuvent se faire entendre durant une bonne année. »

Vingt-sept députés fédéraux, deux ministres régionaux : la N-VA a les moyens de se rendre audible. Elle a compris l’intérêt de rester à la manoeuvre au gouvernement régional flamand : garder un levier sur ses partenaires CD&V et SP.A de la majorité flamande, pour mieux leur pourrir la vie au fédéral.

Mais il ne suffit pas de jouer fort pour entretenir le feu sacré. Il faut aussi jouer juste. A la longue, le vieux disque nationaliste flamand pourrait finir rayé. Déjà, certains ont cru déceler un début de la fin, lorsque la N-VA s’est exclue des négociations fédérales, en juillet dernier. En lâchant prise, Bart De Wever et ses troupes perdraient leur part de fascination et leur pouvoir d’attraction.

« Les réactions de la N-VA depuis son refus de négocier sont devenues tout à coup prévisibles. Exit la magie. Nous allons avoir droit, durant les prochains mois, à des dizaines de communiqués de presse semblables. Avec toujours le même message : c’est trop lent, les autres partis trahissent les Flamands… A ce train-là, la N-VA pourrait rapidement en revenir à son rayonnement de 2003 : lorsqu’elle jouait à peine un rôle dans la politique flamande », pronostiquait dès août dernier, l’ex-député Groen ! Luc Barbé.

Le maintien dans l’opposition peut autant user que l’exercice du pouvoir. Surtout si le combat s’avère stérile. Bart Maddens, politologue à la KUL, ne l’exclut pas : « Dans le nouveau contexte, il ne sera pas facile pour la N-VA d’attirer l’électeur par un message communautaire crédible. D’un côté, personne ne croit qu’il soit encore possible de parvenir, via des négociations normales, à une réforme de l’Etat acceptable d’un point de vue flamingant. D’un autre côté, il est douteux que les électeurs plus modérés de la N-VA soient prêts à entendre cette dure vérité : la Flandre ne pourra jamais se libérer de l’étau mortel du régime belge, tant que le bloc nationaliste flamand (N-VA, Vlaams Belang, LDD) ne décroche pas la majorité absolue. » (1)

Voilà qui pourrait réduire la N-VA aux abois. On n’en est pas encore là. Mais… « Ce sera la guerre sur tous les fronts possibles » : De Wever risque de devoir enfiler d’autres habits que le costume de Calimero, s’il veut entretenir l’intérêt en évitant de radoter.

Il lui reste la provocation : elle lui va si bien. Mais le jeu peut devenir dangereux, quand on a pour voisin dans l’opposition un autre spécialiste du genre, d’un goût douteux : le Vlaams Belang, Déjà, « le camp d’en face », l’union sacrée des partis traditionnels flamands, guette l’escalade. La chercherait presque. Impatiente de pouvoir verser dans le même panier la droite radicale tendance N-VA, et l’extrême droite façon Belang en chute libre.

L’avenir radieux de la N-VA n’est donc pas inscrit dans les astres flamands. Premier « stress test » décisif : le scrutin communal d’octobre 2012. Les nationalistes flamands vont devoir souvent l’aborder seuls, lâchés par les autres partis qui multiplient, dans leurs coins, cartels et alliances préélectorales. SP.A et CD&V se donnent la main pour le maïorat d’Anvers, convoité par De Wever.

Pour peu que d’ici là, Di Rupo et son équipe engrangent des avancées communautaires (scission de BHV), voire quelques bons points budgétaires : la N-VA devra se trouver d’autres terrains pour ses exploits.

(1) Mensuel Doorbraak, décembre 2011

PIERRE HAVAUX

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