Ce dimanche 26 mars avait lieu la 8e "Marche pour la vie" à Bruxelles. 1500 personnes se sont rassemblées. © BELGA

Avortement: ce que dit vraiment la législation

Le Vif

Ce dimanche 26 mars avait lieu la 8e « Marche pour la vie » à Bruxelles. 1500 personnes se sont rassemblées pour manifester contre l’avortement, l’euthanasie et pour le droit des femmes à disposer de leur propre corps. A cette occasion, la porte-parole du mouvement a déclaré qu’en « Belgique, on peut avorter jusqu’à la veille de l’accouchement sous prétexte que l’enfant est sourd ou qu’il lui manque un doigt ». Des propos qui ont choqué. Mise au point sur la législation en vigueur.

Constance Du Bus, la porte-parole de la « Marche pour la Vie » organisée ce dimanche dans les rues de Bruxelles, a prétendu au micro de la RTBF qu’« en Belgique, on peut avorter jusqu’à la veille de l’accouchement sous prétexte que l’enfant est sourd ou qu’il lui manque un doigt« . Constance Du Bus trouve, par ailleurs, « grave que la loi soit interprétée de manière ultralarge« . Elle affirme : « L’état de détresse qui est requis pour procéder à un avortement, le simple fait de ne pas vouloir son enfant est interprété comme un état de détresse. On est donc dans une réalité qui ne correspond plus aux mots ». Ces propos ont choqué. Pour y voir un peu plus clair, voici un rappel de la législation en vigueur dans notre pays et en Europe.

Que dit la loi ?

L’avortement est autorisé par la loi belge depuis le 3 avril 1990. Toute femme enceinte, que son état place en situation de détresse, a le droit de demander une interruption de grossesse, quel que soit son âge. L’avortement doit se dérouler dans un établissement de soins : centre hospitalier ou extrahospitalier, c’est-à-dire un centre de planning familial pratiquant des avortements.

L’état de détresse est donc bien un prérequis pour pouvoir procéder à une interruption volontaire de grossesse sur décision de la mère, mais l’acte est strictement encadré. Selon la loi belge, une IVG lors d’une grossesse non désirée est légale, mais seulement avant la douzième semaine de grossesse à partir de la conception, en d’autres termes, 14 semaines après le début des dernières règles (aussi appelées semaines d’aménorrhée). Avorter sur simple décision de la mère « à sept mois même à neuf mois moins un jour » est donc impossible. Ces pratiques décrites par la porte-parole du mouvement « pro-life » seraient donc totalement proscrites en Belgique s’il s’avérait un jour qu’elles avaient lieu.

Autre cas de figure : les avortements plus tardifs qui sont, eux, pratiqués lorsque la grossesse met la santé de la mère gravement en danger ou lorsque le foetus est atteint d’une maladie grave et incurable. Cette gravité restant toujours à l’appréciation de deux médecins. Le cas le plus courant est lors de la détection d’une trisomie 21 chez le foetus à naître. La liste des maladies qualifiées de graves et incurables est longue et variée comme l’atteste le rapport bisannuel de la commission nationale d’évaluation interruption de grossesse (voir ANNEXE 2. Les interruptions de grossesse au-delà du délais de douze semaines, pages 48-49-50).

L’interruption médicale de grossesse (IMG), également appelée avortement thérapeutique, est un accouchement provoqué et prématuré. L’IMG peut être pratiquée au-delà de la 12e semaine de grossesse. Dans ce cas, aucun délai n’est prédéfini, ce qui permet aux parents de prendre le temps dont ils ont besoin pour réfléchir. Précision : le texte de loi parle bien d’IVG dans les deux cas, la distinction entre IVG et IMG étant une distinction d’ordre médicale.

Selon les données sur l’année 2011 communiquées à la Commission, le nombre total des interruptions volontaires de grossesse, pratiquées au-delà de 12 semaines, en raison d’une affection grave du foetus s’élevait à 121 en 2010 et 97 en 2011, « ce qui paraît extrêmement faible vis-à-vis des interruptions de grossesse réalisées avant la fin du délai de 12 semaines après la fécondation« . Le rapport ajoute qu’une analyse des données scientifiques tendrait à montrer qu’il est largement sous-estimé.

Après vérification auprès de la Commission Nationale d’évaluation des Interruptions de Grossesse, on denombre deux cas depuis 1998 qui correspondent aux propos tenus par la porte-parole de la Marche pour la Vie précise la RTBF. En 2008, une interruption de grossesse a été répertoriée suite à un diagnostic de surdité congénitale, et en 2012, suite à un cas de polydactylie. Ce handicap, qui consiste en la présence d’un ou plusieurs doigts supplémentaires, est une caractéristique de plusieurs maladies chromosomiques ou génétiques. La période de la grossesse à laquelle ces interruptions ont été pratiquées n’a toutefois pas été communiquée.

La loi sur l’avortement en Europe

Plus de 85 % des Etats membres autorisent l’avortement. Les justifications nécessaires – dont médicales – peuvent cependant varier, de même que la facilité d’accès à l’IVG, comme le détaille Les Décodeurs du Monde.

Cinq pays n’autorisent pas l’IVG, sauf circonstances exceptionnelles :

– Sur l’île ultra-catholique de Malte, l’avortement est strictement interdit quelle que soit la situation. Il s’agit du dernier pays européen à criminaliser de la sorte cet acte. De 2002 à 2015, 816 Maltaises ont subi un avortement en Grande-Bretagne, d’autres ont rejoint la Sicile, plus proche.

– En Pologne, le pays a autorisé l’avortement jusqu’en 1997 mais l’IVG est actuellement uniquement autorisée dans les cas de viol, d’inceste et de malformations foetales graves. La fin de l’année 2016 a été marquée par de fortes mobilisations citoyennes pour défendre le droit à l’avortement, que le gouvernement souhaitait interdire totalement.

– A Chypre, l’IVG n’est autorisée qu’en cas de problèmes médicaux, de viol ou de malformations du foetus.

– En Andorre, l’avortement est interdit, sauf s’il y a un vrai risque pour la santé de la femme.

– L’Irlande a la loi la plus stricte d’Europe en la matière. Depuis 2013, l’avortement est permis uniquement si la poursuite de la grossesse fait courir à la femme un « risque réel et substantiel », autrement dit, uniquement si elle est en danger de mort. Le Parlement irlandais a rejeté l’été dernier le projet de loi pour légaliser l’avortement en cas de malformation grave du foetus. Selon Amnesty international, dans un rapport datant de février 2015, près de 60.000 jeunes filles et femmes irlandaises se sont rendues en Angleterre ou au Pays de Galles pour se faire avorter depuis 1970.

Dans tous ces pays, les peines encourues peuvent aller jusqu’à trois ans de prison pour la femme et le médecin qui a pratiqué l’IVG, en Pologne ou à Malte par exemple.

Outre la loi, les pratiques peuvent aussi être très différentes. Certains pays présentent une plus grande tolérance, c’est le cas des Pays-Bas où l’IVG est légale jusqu’à 24 semaines de grossesse. D’autres pays mettent plus d’obstacles sur la route des femmes désirant avorter.

– En Finlande, l’IVG n’est, en théorie, légale qu’avant 17 ans, après 40 ans, après quatre enfants ou si la femme justifie de réelles difficultés économiques, sociales, ou de soucis de santé. Mais en pratique elle est assez aisée à obtenir.

– En Italie, l’IVG est légale, mais près de 70 % des médecins se disent « objecteurs de conscience » et refusent de la pratiquer, ce qui en rend l’accès parfois difficile, surtout dans le sud du pays, très catholique. Les autorités papales condamnent d’ailleurs toujours cet acte qu’ils considèrent comme un crime.

A l’échelle de l’UE, le délai pendant lequel l’IVG est autorisé varie de dix semaines (dans 24,3 % des pays européens), à douze semaines (56 %), quatorze semaines (10 %), voire seize semaines en Suède et même jusqu’à vingt-quatre au Royaume-Uni (hors Irlande du Nord) et aux Pays-Bas.

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