Automobilistes, la fin de votre monde

Vous l’avez ressenti hier, pendant la journée sans auto : une utopie est en marche. Pas un bruit, si ce n’est celui d’un vieux braquet rouillé. Pas une odeur, si ce n’est celle de l’effort. Et partout des familles heureuses, des gamins épris de libertés et des adultes délassés.

Ce consensus apaise, encourage même, et vous savez quoi ? Ce n’est qu’un début. Préparez-vous frères automobilistes, une révolution est en route. Vérifiez bien vos rétros, une horde de cyclo-citoyens vous rattrape.

Que les avides de la grosse carlingue allemande et du pot d’échappement de l’Est en soient conscients, bientôt ils seront inquiétés. Autour d’eux, des individus, maîtres de leurs trajets. Ceux-ci arriveront en sueur au travail, la mine réjouie, le casque encore fumant sur le cervelet. Ils viendront polluer leurs open space de leurs émanations organiques. Ils vont être de plus en plus tenaces à la machine à café, quitte à vous faire toucher leurs mollets pour vous convaincre que vous aussi vous pouvez le faire. Vous devez le faire. Pas pour notre mère la Terre, mais pour vous. Pour vos défis, votre dynamisme, votre santé. Pour vous désaliéner de ces kilomètres et ces heures foutues en l’air de file à écouter des chroniqueurs potaches, sur une des mauvaises stations locales.

Plus loin encore

Mais cette fameuse vélo-révolution, dont parlaient déjà quelques tontons écolos dans les années 70, ne va pas se faire dans la mièvrerie d’une toute petite journée par an qui sent la gaufre. Elle se déroulera dans la réappropriation de la route, dans la créativité et la violence. Nous cyclistes ne devons pas nous contenter d’un simple petit « Hé fais gaffe la prochaine fois, quand-même » quand une grosse cylindrée à dix ans de salaire manque de nous tuer. Nous allons occuper l’espace, comme le font les « masses critiques » qui pullulent à travers l’Europe. Le principe ? La force collective du cycliste terrasse la voiture et l’oblige à rouler à son allure. Voilà ce que nous devons continuer à faire, même en dehors de ces manifestations : nous imposer. Nous fournissons l’effort, nous ne prenons pas de place, nous laissons les parkings vides, nous ne polluons pas, nous n’enrichissons pas d’infâmes milliardaires aux lunettes de soleil clinquantes, nous pensons collectifs et vivre ensemble. Laissez-nous donc occuper le devant de la scène. Donnez-nous la priorité, permettez-nous de griller des feux rouges. Contentez-vous de rouler doucement derrière nous et savourez votre air en boîte. Ce que vous ne nous donnez pas, nous allons le prendre de force.

Long est le chemin

Il reste beaucoup à faire. La mode et les déclinaisons urbaines galopantes du vélo ont fait énormément pour son émancipation. Mais la côte qu’il reste à gravir pour un univers tout cyclo est encore ardue. On va partout dans le monde en tout terrain, on roule de plus en plus vite en pignon fixe, on s’allège sur la route, on pense carbone, on pense alu, on pense acier, on pense titane parfois. On se motorise, on s’équipe, on se pimp, on s’upgrade. Très bien, mais la grande bataille reste de rendre nos villes praticables. Un pré carré piétonnier et quelques lignes blanches ici où là à travers le pays ne nous feront pas rattraper le retard que nous avons sur les Pays-Bas, sur l’Allemagne ou tout simplement sur la Flandre.

Un individu en deux roues, est un être affranchi. Frère automobiliste, fuis ta caisse et viens rouler avec nous

Le réflexe vélo doit être encore plus franc. Les enjeux sont de taille et protéiformes. Des propriétaires et voisins d’immeubles plus conciliants, des espaces urbains plus sécurisés, une politique inclusive à l’égard des cyclistes en situation de handicap, des aménagements routiers en milieu rural, des plateformes de secours, des bornes de réparations, etc. Ceci dit, on sent les prémices. En effet, les cyclotaffeurs (ceux qui vont au travail en pédale, donc) se multiplient, les coursiers (dites messenger) ont de plus en plus de clients, les vélocistes sont débordés. L’argument économique est énorme. Le marché cyclo explose. Faites le constat dans les spots de pub, un vélo fera bientôt vendre plus que des nénés en plastique. Et si cette tant attendue révolution doit passer par les affres de la mode, ou pire la poudre artificielle de la hype, tant pis. Quoi qu’il en soit, le seul résultat qui compte, c’est que chaque citoyen soit bien sur sa monture et devienne sa propre source d’énergie et de transport. Un individu en deux roues, est un être affranchi. Frère automobiliste, fuis ta caisse et viens rouler avec nous.

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