Thierry Fiorilli

À la guerre des images, c’est Michel qui gagne

Thierry Fiorilli Journaliste

Il y aurait donc un nouveau clivage dans la société belge. Il y aurait ainsi, d’un côté, ceux qui font grève et, de l’autre, ceux qui veulent travailler. Les premiers empêchant les seconds.

Qui unissent du coup leurs voix au choeur des employeurs, par définition quasiment unanimes pour condamner toute action syndicale, depuis toujours, mais, depuis quelques années, de plus en plus virulents aussi à dénoncer ce qui serait une violation du droit au travail. C’est la tournure qu’ont pris désormais les débats autour de l’ample contestation sociale (depuis quatre semaines déjà) des différentes mesures annoncées par le nouveau gouvernement, en place depuis un peu plus de deux mois seulement. Plus question donc de s’interroger sur les raisons qui poussent aux grèves mais cap plutôt sur l’exercice même des débrayages. Sur leur légalité, sur leur nature (téléguidés ou non par le PS et le PTB ?), sur leur calendrier, sur l’irritation qu’ils suscitent.

Au bout, c’est une fameuse victoire pour l’équipe Michel. En termes de communication, en tout cas : les syndicats apparaissent pour une grande partie de la population comme irresponsables économiques, symboles de sclérose, fauteurs de troubles, terroristes sociaux, nervis des partis d’opposition de gauche.

Il y aurait donc un nouveau clivage dans la société belge. Il y aurait ainsi, d’un côté, ceux qui font grève et, de l’autre, ceux qui veulent travailler. Les premiers empêchant les seconds.

Mais derrière ce qui s’avère être une jolie capacité du gouvernement fédéral à riposter, le conflit, important, demeure. Totalement irrésolu. Plus problématique : trois des quatre partis de la coalition (la N-VA, le MR et l’Open-VLD) ont démontré, par la voix de différents de leurs représentants, que, à réclamer un droit au travail, c’est en réalité le droit à la grève qu’ils remettent carrément en cause. Le week-end précédent la grève générale de ce 15 décembre, Jan Buelens, membre de Progress Lawyers Network, association d’avocats très marquée idéologiquement – à gauche toute ¬-, le relevait brillamment sur levif.be : « La grève a pour but de causer des dommages économiques de sorte que les rapports de pouvoir entre les employés et les employeurs ou l’Etat soient modifiés et qu’il y ait donc une possibilité de se concerter. Si le droit au travail doit être garanti à tout prix pendant une grève et que la grève n’est donc plus efficace, il n’y a plus de droit de grève. Si les activités de l’entreprise continuent, la grève sera inoffensive et l’employeur viendra même jouer aux cartes au piquet de grève ou manger une petite saucisse au barbecue. »

Ceci clairement rappelé, l’analyse de la situation peut reprendre, plus froidement. Elle débouche sur quatre grands constats :

1) L’annonce même de la formation d’un gouvernement de droite, cet été, pouvait difficilement constituer une bonne nouvelle aux yeux des syndicats. Sous cape, certains membres de l’équipe Michel rappellent d’ailleurs que, sous le gouvernement Martens-Gol, « on avait au moins la CSC avec nous ». Personne, donc, ne peut décemment se dire surpris par le branle-bas de combat syndical actuel.

2) La contestation est organisée en front commun. Ce qui signifie que le syndicat libéral y participe aussi, et donc que la colère sociale n’est pas l’oeuvre des seuls « suppôts de la gauche ».

3) Les syndicats auraient un urgent besoin de conseillers en communication et en nouveaux types d’actions, même dans le cadre du droit de grève. La paralysie récurrente d’une partie ou de la totalité du pays et les images de palettes brûlées, de zonings barrés, d’un petit verre autour du brasero, d’intimidation dans les magasinsen fin de compte et de débordements réguliers nuisent gravement à la légitimité de leurs combats.

4) Si l’on a reproché au PS de jouer les pyromanes depuis l’opposition, on est en droit de considérer les fréquentes déclarations de Bart De Wever tout aussi incendiaires. Jusque pour son propre camp.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, « Charles Michel : les confidences d’un jusqu’au-boutiste »

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