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A la croisée des chemins

Si certains aiment évoquer une séduisante et surprenante success-story, sa réussite s’explique surtout par une évolution étudiée et contrôlée qui arrive, aujourd’hui, à maturité. Alors, comment le hockey belge a-t-il réussi sa mutation ? Et quelles sont les clés de son succès ? Est-il dû uniquement aux exploits de ses équipes nationales ? Immersion dans l’univers des sticks et de la petite balle blanche.

Les derniers résultats des Red Lions et leur qualification pour la Coupe du monde 2014 ont, une nouvelle fois, placé le hockey belge au coeur du paysage médiatique belge. Les journaux et les télévisions se sont intéressés avec passion aux prestations de l’équipe nationale messieurs lors des demi-finales de la World League, à Rotterdam. Et même si, habituellement, les hockeyeurs sont habitués à plus de discrétion, ils ont profité d’une énième magnifique exposition pour démocratiser une discipline que certains considèrent toujours comme réservée à des happy few. Pourtant, cela a bien changé. Non, le hockey n’est pas élitiste. Non il n’est pas réservé aux riches. Et non, il n’est pas uniquement une discipline de francophones.

Avec sa croissance record au cours de ces dix dernières années, le sport s’est positionné comme l’un des plus populaires de notre pays. Ils sont ainsi plus de 31.000 à manier le stick aux quatre coins du pays (le nombre de membres a plus que doublé en dix ans !). Et même s’il se situe encore loin derrière la Fédération de football et ses 450.000 membres, il peut s’enorgueillir d’un boom dans le monde du sport belge, avec plus de 8 % de pratiquants supplémentaires, chaque année, comme le souligne avec beaucoup de fierté, Marc Coudron, le président de la Fédération belge de hockey. « Je rappelle tout de même que nous étions seulement 25.000 en 2010. Et nous devrions être proches des 35.000 lors de la saison 2014-2015 et des 40.000, deux ans plus tard. Mais soyons clair et précis, l’évolution en matière de membres n’est pas une fin en soi. Le hockey belge ne doit pas perdre son âme au profit d’une explosion de ses membres. »

La régionalisation, le choix de la raison

Pas question, en effet, de vendre son âme au diable pour attirer le chaland. Les respects des valeurs restent le coeur même de la discipline. « Il existe différents facteurs qui peuvent expliquer cette réussite », poursuit le Président, reparti pour un troisième mandat de quatre ans à la tête de la Fédé. « C’est tout d’abord le sport familial par excellence. Tout le monde peut pratiquer le hockey, sans distinction de sexe ou d’âge. Il y a ensuite la bonne organisation des clubs et le travail qu’ils effectuent au quotidien en termes d’accueil, d’encadrement et de formation. Enfin, et surtout, il y a les valeurs véhiculées qui sont notre véritable ADN, à savoir le fair-play, le respect, la convivialité et l’esprit collectif. »

Mais, en juin dernier, celle qui était encore la dernière fédération unitaire du pays, a finalement dû se résoudre à la régionalisation afin de garantir la pérennité du développement de la discipline. « Je me permets de rappeler que cette scission n’était, en aucun cas, liée à un quelconque désaccord. C’était un choix pragmatique. Les clubs flamands avaient besoin de cette scission, sinon ils ne pouvaient plus espérer obtenir de subsides de la Région flamande. Cette nouvelle organisation nous permet également de financer de la même manière les équipes nationales dames et messieurs. C’était une question de respect par rapport aux joueuses qui représentent un tiers des membres en Belgique et, très bientôt, la moitié des pratiquants de la discipline dans notre pays. »

Et les nouvelles Ligue Francophone (LFH) et néerlandophone (VHL) ont donc du pain sur la planche durant les années à venir pour accompagner cette mutation et cette croissance. Il faudra investir dans l’encadrement, la formation et les infrastructures pour que le hockey loisirs et le top hockey puissent poursuivre leur belle cohabitation. La discipline est à la croisée des chemins et doit surmonter de nombreux défis : « Il ne faut pas se voiler la face, conclut encore Coudron. La plupart des clubs du pays sont arrivés à saturation. Il faut impérativement disposer de plus de terrains et permettre l’éclosion de nouveaux clubs à travers le pays. Il existe des parties de la Belgique où tout reste encore à construire. C’est par exemple le cas dans les provinces de Namur, de Luxembourg et du Limbourg. Mais cela doit s’accompagner de la mise en place de structures pour offrir une formation adéquate. »

Les deux équipes nationales comme porte-drapeau

Et la grande chance du hockey belge, c’est qu’il dispose de deux magnifiques étendards pour poursuivre sa conquête du grand public. Les équipes nationales messieurs (Red Lions) et dames (Red Panthers) ont porté haut les couleurs de notre pays lors des derniers Jeux olympiques. Seul sport collectif représenté à Londres, la discipline a profité d’une remarquable vitrine pour faire sa publicité dans l’ensemble du pays. Et ce n’est pas encore près de s’arrêter. Depuis plusieurs années, les résultats suivent et les deux équipes poursuivent leur ascension vers les sommets mondiaux. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de très nombreuses nations mondiales prennent, aujourd’hui, notre pays en exemple. Beaucoup souhaitent suivre une courbe similaire dans leur progression et leur évolution future. C’est le cas, par exemple, de nos voisins français qui s’inspirent des Lions pour construire un projet à long terme pour les Bleus.

Actuellement neuvièmes dans la hiérarchie internationale, les messieurs peuvent, aujourd’hui, revendiquer une place dans le Top 5 mondial. Et leurs ambitions sont limpides pour l’avenir puisqu’ils visent une place sur le podium lors des prochains Jeux de Rio, en 2016. Excusez du peu ! La première victoire historique contre l’Australie, lors du premier match des demi-finales de la World League, à Rotterdam, n’est qu’une nouvelle confirmation de cette ambition clairement mesurée. Ce groupe possède une moyenne d’âge de 22,6 ans, et vient encore de franchir un palier supplémentaire, ces derniers mois, sous l’impulsion de Marc Lammers, qui a pris la direction des opérations, en novembre dernier.

Loïck Luypaert, le défenseur du Dragons propose d’ailleurs une théorie très simple pour expliquer cette alchimie parfaite qui règne, aujourd’hui, en équipe nationale. « Nous n’avons plus peur de personne. Nous savons que nous sommes parfaitement à notre place avec les meilleures équipes du monde. Nous avons appris à nous focaliser uniquement sur notre jeu sans nous préoccuper de l’adversaire. Il n’y a pas de stress dans le vestiaire. Contrairement à des pays comme l’Allemagne, l’Australie et les Pays-Bas, nous n’avons pas de star dans notre groupe. On joue à 18. On gagne à 18 ! Nous sommes réellement une équipe. C’est notre grande force. Mais nous sommes conscients qu’il reste du travail et que tout est encore loin d’être parfait. »

Pas mal tout de même pour des sportifs qui, rappelons-le, sont toujours, pour la plupart, « non-professionnels ». Ils cumulent donc, avec brio, sport de haut niveau et études supérieures souvent poussées ou débuts de carrière professionnelle.

Et chez les filles également, les Panthères tentent de suivre cette courbe ascendante. Mais pour Pascal Kina, le coach belge, il faut cependant se montrer encore un peu patient avec ses protégées. « Le grand public a trop souvent tendance à attendre énormément de ce groupe mais il ne faut pas oublier que cela a pris près de dix ans chez les messieurs pour construire cette équipe. Il faut nous laisser du temps. Seul le travail et l’implication totale paient. Les mentalités ont encore évolué. Nous avons beaucoup appris lors de notre parcours olympique. Notre équipe était forte mais pas encore suffisamment. Aujourd’hui, nous avons gagné en explosivité et en expérience mais nous pouvons encore aller beaucoup plus loin. »

Le futur chouchou des télévisions ?

Une popularité et une image extrêmement positive qui suscitent tout naturellement l’intérêt des médias. Si la presse écrite suit déjà depuis de très nombreuses années les exploits des équipes nationales, les télévisions ont toujours été un peu plus frileuses pour diffuser des rencontres, vu sa complexité pour la captation des rencontres et sa compréhension parfois peu aisée lorsque l’on ne connaît pas la discipline. Pourtant, la demande existe. C’est ainsi qu’en août 2011, le match pour la médaille de bronze de l’Euro entre l’Angleterre et la Belgique, à Mönchengladbach, avait été suivi, sur Canvas (VRT), par plus de 240.000 téléspectateurs. Une audience record pour du hockey en télévision.

Pas étonnant dès lors que les deux chaînes nationales se soient montrées intéressées par une diffusion conjointe du prochain Championnat d’Europe qui sera organisé au Braxgata, du 17 au 25 août, qui devrait atteindre de nouveaux records vu les ambitions affichées par la Belgique. « Ce sera, à ce niveau, une première pour les télévisions belges », reconnaît Denis Van Damme, le responsable Marketing et Communication à la Fédération. « La RTBF et Sporza retransmettront toutes les rencontres des Lions et des Panthères ainsi que les deux finales. Aujourd’hui, il faut bien avouer que tout est plus facile. Les résultats engrangés ces derniers mois, et lors des JO, nous facilitent la vie. A l’Euro, il y aura un véritable enjeu. Les chaînes veulent des images de nos deux équipes nationales. C’est une bonne évolution. Mais il faut que les résultats suivent pour conserver cette attention médiatique télévisée. »

Et cet intérêt n’est pas près de s’arrêter. La relève frappe déjà aux portes de l’équipe nationale. Chez les garçons, les jeunes sont champions d’Europe en U18 et en U21 et vice-champions en U16. Si beaucoup parlent déjà de génération dorée chez les Red Lions actuellement, la relève est clairement assurée… Bref, le hockey belge peut voir résolument venir.

Laurent Toussaint

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