Jonathan Dehoust

25 ans, étudiant : la galère

Jonathan Dehoust Etudiant en sciences politiques à l'UCL

À 25 ans, vous n’avez plus droit aux allocations familiales, aux allocations d’insertion, aux avantages dans les transports en commun. Même si vous êtes encore aux études, en master ? Oui, première année d’un bachelier comme dernière année d’un master, que vous fassiez kinésithérapeute ou juriste, Haute École ou université. C’est la loi.

C’est comme ça : 25 ans est « l’âge limite » où vous perdez plusieurs avantages qui vous permettaient de participer pleinement à la collectivité malgré vos maigres moyens.

Les autorités publiques vous punissent – sans dérogation possible – pour vos erreurs de parcours scolaire, votre envie de réaliser un doctorat après vos cinq années universitaires ou encore vos années à l’étranger pour parfaire une langue – oui, ce multilinguisme qu’on nous vend sans cesse comme primordial pour se démarquer sur le marché de l’emploi. Si vous n’avez pas la chance d’avoir des parents aux revenus généreux derrière vous, mieux vaut terminer définitivement votre cycle à 24 ans.

Pour les 19,8% d’élèves en échec scolaire à la fin de leur troisième année secondaire (chiffres 2013-2014 disponibles sur Enseignement.be), ceci est un appel à la plus grande vigilance. De même, pour celles et ceux qui partent faire une deuxième rhéto aux États-Unis, en Australie ou tout autre pays rêvé, soyez certain(e)s de votre choix d’étude une fois de retour au pays, car si vous n’aimez pas et préférez changer d’option, il ne faut pas oublier que le sablier continue d’écouler ses grains.

À 25 ans, exit les allocations familiales, donc. Une perte mensuelle considérable. Exit l’abonnement à bas prix à la STIB – du très démocratique 50€ (!), vous devez désormais débourser quelques centaines d’euros pour emprunter métro/bus/tram dans la capitale durant une année. La différence est gigantesque. Exit aussi les allocations d’insertion, autrefois accordées aux jeunes sans-emploi jusqu’à l’âge de trente ans, elles ont été rabotées de cinq ans par le gouvernement Di Rupo. Concrètement, cela signifie que si vous terminez vos études à 25 ans, votre stage d’insertion professionnelle, période durant laquelle vous devez chercher activement du travail avant de pouvoir, le cas échéant, bénéficier d’allocations pour subvenir à vos besoins, est illimité. Conseil de notre Premier ministre : « sautez sur le premier job venu, qu’il vous plaise ou non, même s’il ne correspond pas à votre diplôme, ce n’est pas grave ». On ne vous laisse pas vraiment le choix de faire le difficile : vous avez désormais 25 ans.

Exit bientôt – il reste encore quelques grains de sable coincés, mais préparez-vous – les réductions pour jeunes à la SNCB. Plus de Go Pass One, ce ticket qui vous permettait d’aller n’importe où pour 6€. Plus de Carte Campus, cet avantage qui offrait la possibilité de vous rendre dans la ville de votre Haute École ou université pour trois fois rien. À peine croyable, et pourtant vous restez jeune sans avoir les avantages d’être jeune. Il faut s’y faire aux 25 piges.

Le problème des allocations d’études

Reste la fameuse « bourse d’études », bouteille d’oxygène dans votre année académique, dernier socle sur lequel l’étudiant peut s’appuyer jusqu’à ses… 35 ans ! Du moins, si vous remplissez les conditions strictes d’octroi. Sauf que cette allocation d’étude, vous pouvez parfois attendre longtemps avant de la voir s’afficher sur votre compte en banque. À titre personnel, l’année dernière, après une demande en septembre 2015, j’ai reçu la mienne en mai 2016.

Cette année 2016-2017, avec la nouvelle réforme de Jean-Claude Marcourt, c’est l’imbroglio administratif. Des milliers d’étudiants ne savent toujours pas, fin du premier quadrimestre, s’ils bénéficieront oui ou non d’une aide financière alors même que certains engagements peuvent avoir été pris – je pense, par exemple, à la signature d’un contrat de bail locatif.

Et il faut rajouter à cette attente stressante la facture du minerval 751,50€ (le coût universitaire complet moins les droits d’inscriptions de 83,50€) qu’il faut payer pour le 4 janvier 2017 au plus tard. Si les établissements peuvent se montrer compréhensifs et continuer à geler ce montant jusqu’à ce que vous receviez une réponse, il est tout de même illogique de subir une telle embrouille administrative.

C’est comme ça : 25 ans est u0022l’âge limiteu0022 où vous perdez plusieurs avantages qui vous permettaient de participer pleinement à la collectivité malgré vos maigres moyens.

Se plaindre, ne rien proposer ?

Si cette opinion est en filigrane un plaidoyer pour l’allocation universelle, cette allocation répartie à tous, sur une base individuelle, sans condition qui respecterait la dignité humaine de tout un chacun et réduirait drastiquement la bureaucratie, je conclurais par deux propositions moins radicales et certainement plus concrètes qui rendront ce texte moins plaintif et plus constructif :

1. Il est nécessaire de revoir la gestion administrative des allocations d’études, quitte à avancer la date limite des demandes pour gérer correctement les dossiers, dans le but que chaque étudiant ait droit à une réponse maximum à la fin du premier quadrimestre académique et puisse s’organiser en conséquence le reste de l’année si le résultat est négatif. Plus largement, il faut étudier le système d’octroi de ces allocations. Actuellement, des étudiants ne reçoivent aucune aide financière parce que leurs parents touchent des revenus légèrement au-dessus de la limite imposée. Parfois, 50€ suffisent à vous discriminer. Différentes tranches doivent être créées pour permettre à un panel plus large d’étudiants de bénéficier d’allocations d’études et ainsi pallier les injustices actuelles.

2. En complément avec la première proposition, un statut « étudiant » doit être créé pour les transports en commun. Il ne doit pas y avoir de différence entre un étudiant de 24 ans et un étudiant de 25 ans, cette frontière existante est ridicule. En ce sens, je salue le combat mené en front commun par Navetteurs.be et l’Unécof qui, le 25 novembre dans plusieurs gares du pays, ont mené une action qui va en ce sens : prolonger le statut étudiant au-delà de 26 ans. Seulement, cela ne doit pas se cantonner aux rails de train : le réseau STIB doit également être concerné par cette extension.

Allez, si ce n’est pas pour nous, espérons que ça soit pour les futurs étudiants, actuellement sur les bancs de l’école primaire ou secondaire. Quand ils seront à notre place, ce sera à notre tour de financer – à raison parfois d’un tiers de notre salaire brut – la sécurité sociale de ce pays et quand nous serons pensionnés, ils financeront, en plus de la retraite, nos quelques avantages Senior…

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