« La Belgique est devenue un cancre de la classe verte »

Aux commandes de Greenpeace Belgique depuis près de sept ans, Michel Genet, 49 ans, prendra, à la mi-septembre, la succession de Christophe Derenne à la tête d’Etopia, le centre d’animation et de recherches lié à Ecolo. A six mois du sommet mondial sur le climat, qui se tiendra à Paris, il confie ses espoirs et déceptions.

Réchauffement climatique, déforestation, pollution des terres et des océans… N’êtes-vous pas découragé par l’ampleur des défis environnementaux ?

Michel Genet : Un jour, l’une de mes filles m’a demandé pourquoi, malgré tous nos combats menés pour sauver la planète, « rien ne bouge », et pourquoi les menaces s’aggravent. Mis ainsi en accusation, j’ai reconnu que la situation n’était pas brillante, mais que j’essayais de faire oeuvre utile. Comme Antonio Gramsci, j’ai le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté.

Etopia développe des activités propres, mais est lié à Ecolo. Prendre la succession de Christophe Derenne, cofondateur de ce think tank en 2004, c’est pour vous un premier pas vers un engagement en politique ?

Je n’ai pas la carte et je ne briguerai pas de mandat politique. La tentation d’entrer en politique est forte, mais j’ai un deal avec mon épouse. Fille d’un échevin de Namur, elle sait ce que signifie pour la famille un engagement en politique et elle ne tient pas du tout à ce que je suive cette voie-là. On mesure mal à quel point la politique est un monde éprouvant, avec ses pressions et rapports de force.

Votre décision de quitter Greenpeace pour Etopia tiendrait-elle à une prise de conscience des limites de l’activisme environnemental ?

Après quinze ans passés dans les mouvements alternatifs, je ne sais toujours pas quelle est la stratégie la plus efficace pour réussir à changer le monde : développer une petite structure à la Credal, qui peut servir de modèle ? Organiser des campagnes internationales et des coups d’éclat hypercentrés, comme on le fait à Greenpeace ? Ou réfléchir sur le long terme et diffuser des idées, objectifs d’Etopia ?

En Belgique comme dans d’autres pays, l’environnement n’est plus une priorité politique, alors que l’influence de l’homme sur la nature se fait de plus en plus sentir. Comment expliquer ce paradoxe ?

Nous avons mangé notre pain blanc dans les années 2006-2009. A l’époque, l’ancien vice-président américain Al Gore réveillait les consciences et Nicolas Hulot lançait des appels médiatisés. Sur ses affiches électorales de 2007, Didier Reynders posait devant des champs d’éoliennes et proclamait que « préserver la planète bleue » était aussi l’objectif des libéraux. Après la crise bancaire, les Nations unies et d’autres voix ont vanté la croissance verte comme une solution pour relancer l’économie. Le sommet sur le climat de Copenhague en 2009 a vu s’ébaucher une grande mobilisation. Mais après l’échec du sommet, priorité absolue a été donnée à la crise socio-économique. En 2008, dans son discours de mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement, Nicolas Sarkozy parlait encore d’ « urgence écologique ». Fin 2011, au Salon de l’agriculture, le président français déclarait : « L’environnement, ça commence à bien faire. » Aucun des objectifs fixés pour réduire les pesticides ou aider les cultures bio n’a été atteint. Pas simple de poursuivre la lutte dans une époque à ce point environmentally unfriendly.

Avec quelle ambition la Belgique va-t-elle se rendre au sommet sur le climat ?

Certaines sources à la Commission européenne nous confient que notre pays fait désormais partie, avec la Pologne, des mauvais élèves de la classe européenne quant aux objectifs à atteindre pour la réduction du CO2 et le virage vers l’énergie renouvelable. La Belgique n’a jamais été un pays meneur, mais elle suivait tout de même le peloton de tête de l’Union. Ce n’est plus le cas. Elle voudrait même que l’Europe ne charge pas trop la barque. De plus, on attend toujours une répartition des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre l’autorité fédérale, la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Ce burden sharing belgo-belge est dans l’impasse depuis cinq ans ! La présence belge au sommet de Paris n’a aucun sens si le fédéral et les Régions n’accordent pas leurs violons d’ici là.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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