Le premier bioincubateur humain est situé à Eindhoven, aux Pays-Bas. © BRAM SAEYS

Un utérus artificiel

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Un gros ballon rouge rempli de liquide et relié à une sorte de placenta, reproduisant les conditions de vie in utero, battements du coeur de la mère y compris : ce pourrait être l’une des pistes pour la reproduction de notre espèce dans le futur.

Car il s’agit bien là d’un utérus artificiel, du premier bioincubateur humain au monde. L’équipe néerlandaise basée à l’université technologique d’Eindhoven, aux manettes de ce projet destiné à sauver la vie de très grands prématurés, vient de recevoir un financement européen de 2,9 millions d’euros, dans le cadre du programme Horizon 2020.

Le gynécologue Guid Oei, praticien et professeur à l’université, ambitionne de révolutionner totalement l’approche liée aux soins des bébés nés entre 24 et 28 semaines. L’idée ? Leur permettre de recevoir nutriments et oxygène via un cordon ombilical relié à un placenta artificiel, presque comme dans le ventre d’une femme. Le foetus baignerait alors dans du liquide, ce qui permettrait un meilleur développement des organes, notamment des poumons et des intestins. A l’heure actuelle, le taux de survie des grands prématurés est extrêmement faible : plus de 60 % de ceux qui naissent à vingt-quatre semaines décèdent. Grâce aux fonds reçus de l’Union européenne, l’équipe d’Eindhoven espère réaliser, d’ici à cinq ans, un premier prototype de cet utérus artificiel recourant à des répliques de foetus humains, imprimées en 3D et dotées de capteurs et de senseurs.

Il est encore impossible aujourd’hui de savoir comment un foetus réagira à une immersion dans un tel milieu. On ne connaît pas non plus les effets de cette vie prénatale-là sur le développement mental et physique du futur enfant. Se posent également des questions bioéthiques : à terme, les tests cliniques devront faire appel à de véritables foetus humains. Comment ces derniers – dénués de personnalité juridique – seront-ils sélectionnés et protégés ? Pourra-t-on débrancher l’utérus artificiel à n’importe quel moment, pour n’importe quel motif ?

Autres interrogations : les femmes pourraient- elles, à terme, être tentées d’éviter une grossesse, en faisant appel à ce procédé ? Et pourquoi ne pas carrément imaginer de créer un embryon in vitro et de l’implanter directement dans un de ces ballons-utérus ?  » La technologie est notre future nature « , rétorquent Lisa Mandemaker et Hendrik-Jan Grievink, en charge du développement technique des recherches du professeur Oei. En 2018, la Belgique a adopté une loi selon laquelle, dès 20 semaines, un foetus peut être reconnu par ses parents. Précision importante : cette reconnaissance ne crée pas (encore) de personnalité juridique du foetus, mais entraîne uniquement une inscription dans un acte de l’état civil. Rappelons que pour le Conseil des femmes francophones de Belgique (CCFB), il s’agit de  » tentatives de donner un statut […] au foetus  » qui constituent des  » attaques de plus en plus directes  » contre l’IVG.

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