Le système mis en place dans la discothèque britannique pourrait changer la donne dans le secteur de l'événementiel. © Michael Hunter

Récupérer et transformer l’énergie dépensée par les clubbers de boîte de nuit

A Glasgow, l’énergie des clubbers sera bientôt récupérée et transformée. Une expérience qui rappelle que le corps humain est un potentiel producteur d’électricité.

Une discothèque en ébullition. La chaleur qui monte. Les murs qui perlent de sueur. De l’énergie… amenée à s’évaporer dans la nature. « On s’est dit que c’était un énorme gâchis! », s’exclame Andrew Fleming-Brown, directeur du SWG3, à Glasgow. Avec des ingénieurs, il a fait le diagnostic de son bâtiment et décidé de trouver un moyen pour récupérer la chaleur produite par ses clients. « On a foré des trous de 150 mètres sous le site, qui captent cette chaleur. Avec notre système Bodyheat, soit on transforme directement cette énergie récupérée pour rafraîchir la salle, soit on peut la stocker pour plus tard, quand nous aurons besoin de chauffer. »

Le système Bodyheat transforme l’énergie récupérée pour rafraîchir la salle ou la stocke pour chauffer plus tard.

Une grande soirée de lancement a eu lieu lors de la COP26, il y a quelques semaines, mais le projet ne sera vraisemblablement opérationnel qu’en février prochain. « On sert en quelque sorte de projet pilote, mais les ingénieurs sont vraiment confiants« , se réjouit le patron du nightclub. Grâce à ce dispositif, SWG3 entend économiser septante tonnes de CO2 par an, ce qui revient à diminuer ses émissions de moitié environ. « Ça pourrait vraiment changer la donne dans le domaine de l’événementiel, s’enthousiasme Andrew Fleming-Brown. On me questionne beaucoup sur ce projet et TownRock Energy, qui le développe, reçoit également des demandes, notamment de clubs à Berlin. »

L’énergie en mouvement

Ce n’est pas la première fois que le monde de la nuit s’intéresse à l’énergie du corps. En 2008, le Watt de Rotterdam avait installé un plancher lumineux, qui réagissait aux pas des clubbers et permettait d’emmagasiner de l’énergie. Avec ce plancher, il n’est pas question de thermoélectricité comme en Ecosse, mais de piézoélectricité. Un mot qu’on place rarement dans une conversation, mais qui renvoie à des phénomènes que beaucoup expérimentent au quotidien. « Les essuie-glaces des voitures récentes qui adaptent leur vitesse, c’est un effet piézoélectrique, vulgarise Jean-Marie Raquez, du Service des matériaux polymères et composites de l’UMons. La pluie frappe le pare-brise, celui-ci ressent une certaine pression et accélère le mouvement des essuie-glaces. »

Sur le même principe, le mouvement des foules peut également être transformé en électricité. Grâce à des dalles spécifiques, installées sur des trottoirs, la ville de Toulouse a, par exemple, fait fonctionner des lampadaires. Stations de métro et autres hauts lieux de passage du monde entier ont testé des dispositifs comparables… sans pour autant les généraliser. Les dalles restent chères, elles doivent être remplacées régulièrement et la production d’électricité n’est pas énorme.

Le plancher lumineux du club Watt à Amsterdam permet d'emmagasiner l'énergie grâce au principe de piézoélectricité.
Le plancher lumineux du club Watt à Amsterdam permet d’emmagasiner l’énergie grâce au principe de piézoélectricité.© Studio Roosegaarde

D’ autres pistes de développement sont explorées. Avec son équipe de l’UMons, Jean-Marie Raquez a collaboré à l’étude transfrontalière Bioharv qui a mis en avant les propriétés piézoélectriques de l’acide lactique. Le PLA, polymère biosourcé qui en découle, pourrait notamment être utilisé dans le textile: « Cela permet d’alimenter de petits appareils, mais pas votre GSM, relativise Jean-Marie Raquez . L’ampérage est faible. Si l’on veut récupérer l’énergie d’un vêtement, il faut impérativement une batterie pour accumuler puis récupérer l’électricité. » Même sans smartphone rechargé, cela amène à poser un tout nouveau regard sur nos mouvements.

Trois projets dynamisants

On a fait du chemin dans la production d’électricité par le corps humain, depuis la dynamo du vélo! Ces trois projets le prouvent.

Utiliser la salive pour alimenter une batterie, c’est le pari du Pr. Seokheun Choi et son équipe, du département d’ingénierie électrique de l’université de Binghamton (2018). L’énergie produite par les microbes présents dans notre salive permet d’alimenter la batterie. Un seul crachat pourrait faire fonctionner une lampe LED durant vingt minutes.

La société suisse Mithras Technology met en avant le fait qu' »un adulte génère en moyenne 3 kWh, soit assez d’énergie pour faire fonctionner un téléviseur LCD durant trente heures » et a décidé d’exploiter cela dans le domaine des dispositifs médicaux avec des biocapteurs autonomes en énergie. Premier produit prêt à entrer sur le marché, un patch qui détecte en permanence la température du corps (intéressant pour des suivis de soins à domicile, mais aussi le sport et les professions à risque comme les pompiers).

Récupérer et transformer l'énergie dépensée par les clubbers de boîte de nuit
© YOUTUBE BINGHAMTON UNIVERSITY

Grâce à la piézoélectricité, le bruit que nous produisons pourrait également devenir source d’énergie. La façade E+C-, développée par l’entreprise française Technal en 2019, ambitionne de le capter (ainsi que les éléments naturels comme le vent et la pluie) pour produire une électricité verte. Sur le même principe de pression que celui utilisé par les essuie-glaces.

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