Vers un anti-viral à large spectre qui détruit les virus, par simple contact avec une molécule dérivée du sucre, la cyclodextrine? © capture d'écran vidéo de l'école polytechnique de Lausanne

Du sucre, pour détruire les virus

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Ebola, le VIH, la grippe, l’herpès, le coronavirus et tous les autres n’ont qu’à bien se tenir : une équipe internationale de chercheurs planche sur un anti-viral à large spectre qui empêche le virus de muter, en le détruisant, par simple contact avec une molécule dérivée du sucre, la cyclodextrine.

« Nous savons que notre molécule est anti-virale et qu’elle fonctionne « . Depuis l’Université de Manchester, le chercheur Samuel Jones, qui a créé une nouvelle mouture de la molécule de cyclodextrine (un glucide complexe dérivé du sucre), avec Valeria Cagno, chercheuse à la Faculté de médecine de l’UNIGE (université de Genève) pose ça là : une information folle de promesses et potentiellement révolutionnaire, alors que des virus comme Ebola, le VIH, la grippe ou – actuellement – le coronavirus 2019-nCoV – tuent. ( https://www.research.manchester.ac.uk/portal/en/publications/modified-cyclodextrins-as-broadspectrum-antivirals(6f7d8f6e-9bc1-46c7-b6ff-9ad996ce1b03).html )

Un piège mortel à virus

Mais quelle drôle d’idée a bien pu pousser l’armada internationale de scientifiques, dont Jones fait partie, à penser au… sucre, pour en extraire un traitement anti-viral à large spectre ?! Pourquoi ne pas avoir pensé au sel, au poivre ou au vinaigre, finalement ? « Le sucre (ou plutôt les glucides complexes) constitue un récepteur, un « marqueur » qui attire les virus, à l’instar d’une petite lampe rouge qui leur dirait : ok, c’est bon, voilà un organisme que nous pouvons coloniser ! Avec notre nouvelle molécule, on dupe le virus : on lui fait croire qu’il peut s’installer et puis le virus se fait détruire, dès qu’il entre en contact avec notre cyclodextrine « . Radical : la molécule est donc un redoutable appât à virus. Un piège mortel. « Il faut bien comprendre que ce n’est pas le sucre en lui-même qui est actif », précise Valeria Cagno. «  C’est l’interaction entre les virus et nos groupes sulfatés (similaires aux glucides complexes qui piègent d’ordinaire les virus, les sulfates d’héparane ndlr), qui « tuent » les virus ».

Il est à noter que l’association cyclodextrines-antiviral ne date pas d’hier. En effet, dès 1992, lors d’une étude sur le virus responsable du SIDA, des chercheurs avaient déjà démontré les propriétés antivirales des cyclodextrines . Mais, jure-t-on, à Manchester, cette étude-là leur était inconnue.

Un spray nasal ou une crème

Si ce nouvel arsenal thérapeutique – fabriqué sous l’égide de l’EPFL ( (Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne) – a déjà été testé avec succès sur des souris atteintes par le VIH, ce ne sera pas demain la veille qu’il sera pour autant disponible en pharmacie. Il faudra d’abord réussir un 400 mètres haies afin de pouvoir obtenir l’autorisation d’expérimenter la molécule sur des humains. Pour ce qui est du coronavirus 2019-nCoV, l’affaire prendra encore plus de temps : « Le coronavirus est-il ou non sensible aux signaux envoyés par nos cyclodextrines ? On ne le sait pas encore, mais il n’y a pas de raison que non « , précise le Professeur Jones. « Les virus de l’Ebola et du Sida sont attirés par les mêmes glucides complexes, ça c’est établi. En revanche, pour le coronavirus, il nous faut encore travailler « .

En attendant, quelles sont ses spécificités, à cet anti-viral « à base de sucre », qui – à priori – se présentera sous forme de spray nasal ou de crème, mais pas sous forme injectable ?

Quelles différences avec l’Aciclovir ou le Dakin ?

On l’a vu plus haut : les glucides complexes, comme les sulfates d’héparane, molécules dérivées du sucre, comme les cyclodextrines, sont des appâts à virus. Ils fonctionnement sur un mode totalement différent des traitements en cours aujourd’hui. Ainsi, contrairement à la bien connue molécule « Aciclovir » (qui ne fonctionne que pour lutter contre certains virus, principalement ceux responsables de l’herpès), la nouvelle cyclodextrine, elle, est une arme à large spectre, susceptible de vaincre des virus allant de l’Ebola au SIDA, en passant par la grippe et le coronavirus. De plus, cette molécule n’agit pas à l’intérieur de la cellule infectée, pour y empêcher la réplication du virus, mais reste à l’extérieur et est active par « contact », en l’annihilant. Pour le dire très simplement : la nouvelle cyclodextrine agit un peu comme le fait l’eau de Javel (ou son dérivé médical, l’antiseptique Dakin). Mais sans les évidents inconvénients toxiques du chlore, évidemment.

De plus : la cyclodextrine pourrait être utilisée non seulement sur les humains, mais aussi sur d’autres êtres vivants, notamment les chauves-souris, réservoirs bien connus de nombreux virus, comme celui du SRAS, de la rage, de l’Ebola et d’un nombre consistant de coronavirus. Des virus souvent responsables de « simples » rhumes. Sauf aujourd’hui. Sauf le coronavirus 2019-nCoV, déjà responsable de plus de 1000 morts.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire