L'Anthyllide vulnéraire, une plante herbacée qui " avale " le zinc. Un " écocatalyseur " idéal. © belgaimage

Demain, une chimie 100 % verte?

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Vous venez d’acheter un terrain. Rien n’y pousse. Il a été contaminé par des métaux lourds. Que faire ? Vous pourriez y planter des végétaux « hyperaccumulateurs de métaux », sélectionnés par l’équipe de la chimiste française Claude Grison, du laboratoire ChimEco à Montpellier (CNRS), dans le sud de la France.

En quelques années, votre terrain sera dépollué : les plantes auront  » aspiré  » les métaux polluants et les auront stockés dans leurs feuilles. C’est le concept de la phytoextraction, une technique qui a fait ses preuves et qui existe depuis la fin des années 1990.

Aujourd’hui, l’équipe du professeur Grison va beaucoup plus loin. Elle invente  » l’écocatalyse « , une technique qui consiste à extraire des catalyseurs de la biomasse polluée par les métaux lourds.

Palladium, cuivre, nickel, platine, zinc… : de la fourchette au smartphone, du médicament au moteur de fusée, de la monture de lunettes à la turbine d’une centrale électrique, les catalyseurs sont requis partout. Sauf qu’ils deviennent rares, donc chers. Face à la pénurie mondiale de catalyseurs traditionnels, les nouveaux  » écocatalyseurs « , issus de plantes  » métallivores « , offrent un époustouflante alternative.

A Montpellier, dans son bureau du CNRS, Claude Grison, qui a envoyé ses plantes dépolluer des sites dans le monde entier (Gabon, Nouvelle-Calédonie, Chine, Crête), explique que les catalyseurs sont certes de plus en plus rares, mais qu’en même temps, des solutions sont littéralement à portée de main. Pas dans les mines d’Afrique ou de Chine. Non. Dans les plantes qui dépolluent :  » Avec la phyto-extraction, très vite, s’est posée une question fondamentale : que faire de cette biomasse contaminée aux métaux lourds, de ces déchets végétaux indésirables ?  » Les recycler. Tout simplement. C’est ce qu’on appelle la  » chimie verte  » : une association inédite de la chimie et de l’écologie, avec un fort potentiel économique. On extrait les écocatalyseurs des plantes, via un procédé thermique, sobre, facilement industrialisable et doté d’une faible empreinte écologique.

Les domaines d’application de ces nouveaux écocatalyseurs sont presque infinis : fabrication de plastiques, de textiles, de colorants, de peintures, de cosmétiques, de parfums, de médicaments… Bref, de la chimie organique industrielle à la pétrochimie et à l’agrochimie : la plupart des pans de l’industrie actuelle sont concernés par l’abondance (ou par la pénurie) des catalyseurs et par leur extraction. Tous sont donc potentiellement intéressés par l’écocatalyse.

Mais, outre le fait de faire tourner au bio les moteurs de la pétrochimie, les plantes disposent encore d’autres atouts miraculeux et insoupçonnés : elles pourraient dépolluer les sols contaminés par la radioactivité. Il existe ainsi, en Ukraine, une plante, l’amarante, capable d’extraire (en partie) le césium du sol. Autant dire qu’au ChimEco, à Montpellier, on ne la quitte pas des yeux.

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