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Covid: en contaminant les animaux, risquons-nous d’en faire des réservoirs à variants?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie actuelle, viendrait du virus d’un animal hôte. Et si nous contaminions à notre tour les animaux ? Risquons-nous de créer un vaste réservoir à covid, au sein duquel se développeraient plusieurs nouveaux variants? Réponse du virologue Steven Van Gucht.

On le répète depuis le début de la crise : atteindre l’immunité collective, c’est parvenir à endiguer l’épidémie du covid et retrouver une vie « normale ». Pour obtenir cette immunité, l’OMS prône la vaccination et la protection des populations contre l’exposition à cet agent pathogène, au moyen de diverses mesures sanitaires. À ce jour, seuls 12,1% de la population mondiale ont été complètement vaccinés et un quart a reçu au moins une dose de vaccins.

Pour les experts, tant qu’on n’aura pas vacciné une grande majorité de la population mondiale, on court le risque de voir se développer de nouveaux variants du covid, comme le variant Delta qui prend peu à peu le pas en Europe.

De l’animal à l’Homme, de l’Homme à l’animal

Mais même si on parvenait effectivement à vacciner l’ensemble des pays, serions-nous pour autant débarrassés du covid? Rien n’est sûr, car une autre menace plane. La vaccination ne prend en effet en compte que le facteur humain de la crise. Mais quid des animaux?

De nombreux cas de chiens, chats, hamster, furet, visons, tigre ou encore gorille… contaminés par l’Homme ont été recensés. Or, « si le SARS-CoV-2 pénétrait une nouvelle population animale, il pourrait perpétuer indéfiniment la pandémie, le virus se déplaçant de manière intermittente entre son nouvel hôte et les humains « , alerte Anna Fagre, microbiologiste vétérinaire à l’Université d’État du Colorado.

C’est ce qu’on appelle la contamination inversée. L’Homme contaminerait un animal, qui servirait de réservoir au virus au sein duquel se développeraient de nouvelles mutations du covid lui permettant d’échapper au système immunitaire et ensuite de repasser chez l’humain. Bref, une boucle sans fin.

Les félins et rongeurs, particulièrement sensibles au covid

Si on a déjà trouvé des traces de covid dans le nez des chiens, parmi nos compagnons à poils, ce sont surtout les chats qui sont sensibles au virus. « Ils peuvent être infectés, développer et produire beaucoup de virus et c’est bien possible qu’ils puissent être contagieux« , explique le virologue belge spécialisé dans les zoonoses, Steven Van Gucht.

Les rongeurs aussi y sont particulièrement vulnérables, notamment les hamsters ou encore les visons.

Pas une réalité, mais un risque potentiel

Si aujourd’hui, les animaux sauvages et domestiques ne jouent aucun rôle d’amplificateur de l’épidémie de covid chez l’Homme, «  le risque de constitution d’un réservoir animal existe« , prévient l’Anses, agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, dans des propos repris par Futura-Sciences.

Un avis que partage Steven Van Gucht : « Pour l’instant, je ne pense pas qu’il y ait de réservoir animal qui soit en train de contaminer l’Homme mais il faut quand même être attentif au risque. Il faut bien surveiller cette situation« . Une chose à retenir : à l’heure actuelle, le virus se transmet principalement d’Homme à Homme, et même si un animal est contaminé, le virus perd un peu de ses capacités à recontaminer l’hôte d’origine. « En général, il y a une adaptation par espèce, mais le risque reste présent« , ajoute le virologue belge.

De nombreuses maladies sont connues pour être passées de l’Homme à l’animal, comme la fièvre jaune, Ebola, le chikungunya ou la tuberculose. Ce phénomène de contamination inversée est donc bien réel. Parmi les exemples les plus connus, retenons le virus de la grippe H3N2. « Il y a plusieurs souches de grippe qui ont causé des pandémies chez l’Homme et qui sont après entrées dans la population porcine« , explique Steven Van Gucht. « Les cochons portent, au moment où je vous parle, des virus de grippe anciens de l’Homme qui peuvent contaminer d’autres cochons et les rendre malades. » En 2009, on a eu une pandémie de grippe H1N1, qui venait du cochon en Amérique, et qui a ensuite été transmise à l’Homme pour finalement recontaminer les cochons au niveau mondial. « À présent, le virus circule chez les cochons européens, et c’est un virus que les cochons européens ont reçu de l’Homme. C’est un bon exemple de zoonose inversée où c’est vraiment l’Homme qui est devenu la source d’une épidémie chez les animaux« , ajoute le virologue belge.

Réservoir domestique VS réservoir sauvage

En théorie, si c’est un réservoir domestique – comme avec le cochon et la grippe -, le virus restera plus stable et évoluera très peu. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une population qui se renouvelle tout le temps. On amène les cochons, souvent jeunes, à l’abattoir pour alimenter la chaîne de viande. Il y a donc toujours un renouvellement de porcelets. « Le virus peut alors chaque fois infecter les nouvelles générations et ne doit pas s’adapter car il n’y a pas d’immunité stable« , explique Steven Van Gucht. Le cochon devient alors une sorte de réservoir à ce vieux virus humain, et est donc suspectible de recontaminer l’Homme par après. « D’autant, qu’entre temps, l’Homme perd son immunité contre cet ancien virus car il n’aura plus circulé parmi les populations humaines« , précise le virologue.

Et si c’est un réservoir sauvage, le virus va généralement continuer à évoluer et muter. En Belgique aussi, cela peut arriver, prévient Steven Van Gucht : « Peut-être faut-il faire attention à nos chauves-souris. Le virus du covid peut un jour être transmis à nos chauves-souris, s’adapter et nous recontaminer par la suite, avec des caractéristiques un peu différentes« .

Le covid, un virus généraliste

Mais ce qui rend le virus de SARS-CoV-2 si dangereux et particulier, ce n’est pas sa capacité à créer des variants, mais son côté « généraliste ». Cela signifie qu’il n’a pas besoin de beaucoup d’adaptations pour infecter un chat, un vison ou d’autres espèces. Il lui faut très peu de mutations pour faire du tort et s’étendre à d’autres espèces. Il est donc nécessaire de tenir à l’oeil les espèces sauvages et domestiques belges et ainsi éviter toute création de réservoir.

Cela soulève donc une nouvelle question : faut-il vacciner les animaux ? Une solution possible, mais encore difficile à envisager, à l’heure où la vaccination des êtres humains n’en est qu’à ses balbutiements.

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