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« À l’heure actuelle, un astronaute n’arriverait pas vivant sur Mars »

Il y a des gens qui vont loin pour leur travail, au sens propre comme au figuré. La radiobiologiste Sarah Baatout est de ceux-là. Afin d’assurer le bon déroulement médical des futurs voyages vers Mars, elle se rendra au Pôle Sud pour mettre son propre système immunitaire à l’épreuve.

Il y a longtemps que l’homme rêve d’une première mission sur Mars, mais nous avons malheureusement affaire à un écueil: le corps humain n’est pas prêt pour le long voyage vers la Planète rouge, qui durera trois ans. Nos connaissances sur le corps, qui dans un état prolongé d’apesanteur est constamment exposé aux rayonnements cosmiques, sont trop limitées pour entreprendre une mission vers Mars, même si l’on disposait de la technologie nécessaire.

« Si nous envoyions quelqu’un sur Mars maintenant, il ou elle n’arriverait pas vivant(e) », déclare la radiobiologiste Sarah Baatout, qui en tant que cheffe du département de radiobiologie du Centre d’étude de l’énergie nucléaire (SCK-CEN) à Mol étudie le système immunitaire des astronautes depuis des années. « Le plus grand problème pour les astronautes, c’est l’ostéoporose. Quand les os ne doivent plus porter le poids du corps suite à l’absence de gravité, ils s’affaiblissent. Dans l’espace, cet affaiblissement a lieu 100 fois plus vite que sur Terre. La masse musculaire du corps diminue également. Comme les muscles ne doivent plus déployer de force, la production de cellules musculaires cesse et les muscles s’atrophient. »

Cependant, il n’y a pas que ça. Dans l’espace, le corps devient immunodéficient. « Dans l’espace, le sang circule différemment et se concentre surtout dans le haut du corps », explique Baatout. « Suite à la présence abondante de sang dans la carotide, les cellules dans le cou donnent le signal erroné à la moelle osseuse de cesser la production de globules blancs et rouges. Du coup, les virus et les bactéries peuvent se réveiller et avoir les mains libres, pensez au virus de l’herpès porté par 90% de la population. Certaines allergies peuvent également surgir brusquement. »

Les réactions immunitaires dans l’espace sont comparables à certains processus physiques éprouvés par quelqu’un qui se rend en Antarctique. Pour cette raison, la radiobiologiste rejoindra bientôt l’équipage de la base Princesse Élisabeth au Pôle Sud afin de lui faire subir des examens. Avant, pendant et après le séjour, elle prendra différents échantillons. « Les conditions sur la base du Pôle Sud sont un peu comparables à celles de l’espace. Ainsi, les membres de l’équipage de la base vivent dans un petit espace, ils sont un peu les uns sur les autres, sans beaucoup de vie privée et travaillent de longues journées. Tout comme sur Mars, l’air sur le Pôle Sud est plus sec et il y a moins d’oxygène. Toutes ces circonstances extrêmes entraînent un stress psychologique et affectent le système immunitaire de l’homme. »

Pour atténuer les conséquences de ce stress, Baatout testera entre autres les propriétés de la spiruline. « La spiruline est particulièrement riche en vitamine A et en antioxydants caroténoïdes et elle protège contre les rayonnements cosmiques et tous les types d’autre oxydation. La spiruline exercerait un effet favorable sur la flore intestinale perturbée par le stress. Nos intestins contiennent pas moins d’un kilo de bactéries, mais dans l’espace ce microbiome est fortement perturbé. Beaucoup d’astronautes souffrent de constipation. J’étudie également si la spiruline est utile comme ‘life support’ dans l’espace. La spiruline transforme en effet la lumière du soleil en oxygène, ce qui est très important pour les astronautes. »

Manifestement, la station polaire se révèle un excellent simulateur pour Mars, mais qu’en est-il du rayonnement cosmique, un autre élément très dangereux pour les futurs navigateurs de Mars? « On peut également l’étudier », déclare Baatout. « Au Pôle Sud, les rayonnements cosmiques sont un peu plus élevés que dans le reste du monde. Du coup, je testerai également une série de médicaments que les astronautes emportent durant leur mission spatiale pour analyser leur stabilité et leur résistance aux rayonnements. »

Depuis le Pôle Sud, Baatout skypera tous les jours avec une cinquantaine d’écoles pour intéresser les élèves aux sciences. « Je trouve très important d’impliquer les jeunes dans ce que nous faisons et de leur montrer à quel point les sciences sont passionnantes. J’espère les inspirer et contribuer à édifier une future génération de scientifiques et d’ingénieurs. »

Pour Baatout, l’expédition dure jusqu’au 17 janvier, date à laquelle elle reviendra pour analyser tous les résultats. En partie grâce aux recherches de la radiobiologiste belge, les astronautes pourront se rendre sur Mars en restant en bonne santé. Mais sera-t-elle encore là pour le voir ? Baatout en est convaincue. « À présent, on parle d’une première mission vers Mars en 2035, même si on n’est évidemment jamais certain de la date. Quand j’ai commencé à travailler en 2004, 2016 était encore la date cible. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y aura une mission pour Mars ! »

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