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Le certificat de vaccination belge au coeur des débats

Stagiaire Le Vif

La version belge du passeport numérique européen devrait être déployé à la mi-août. Qu’en sait-on déjà ? Et quels en sont les risques potentiels ?

« Il y aura un certificat belge qui sera très comparable au certificat européen », soulignait mardi Elio Di Rupo mardi. Mais au fond, qu’en sait-on déjà ?

Le Premier ministre Alexander De Croo souhaite introduire le certificat Covid numérique européen dès la mi-juin et conclure au plus vite des accords bilatéraux avec les pays voisins. De son côté, la Belgique espère déployer le sien à la mi-août. Il a été rebaptisé « Covid safe ticket » à la demande des libéraux, pour en diminuer le champ d’action.

Axel Legay, professeur de cybersécurité à l’UC Louvain et membre de la task force testing&tracing, regrette que « très peu de connaissances » soient disponibles à ce jour sur ce dispositif. « Avec ce certificat, le challenge va être de déterminer si nous allons vivre dans une société à la chinoise ou société démocratique » s’inquiète le professeur. Pour George Dallemagne, médecin de formation et député cdH, cette « attestation belge » serait le point de départ nécessaire pour « retrouver nos libertés ».

Quelles différences de cadre légal ?

Les certificats de vaccination européen et belge sont régis par des réglementations distinctes (européennes et belges) et générés par des entités et des groupes différents.

Le pass sanitaire européen a été demandé par l’Union européenne. Son but est d’autoriser à nouveau les voyages inter-pays. Son contenu et la sauvegarde des données collectées sont régis par des directives européennes, directement intégrées dans le droit belge. « C’est un défi technique important, mais au moins le cadre légal est bien défini », insiste Axel Legay.

Le certificat belge, lui, sera utilisé uniquement sur le territoire belge. Son cadre légal est encore flou. Axel Legay espère que la législation précisera pour quels événements ce pass pourra être demandé et qu’il respectera le principe de non-discrimination invoqué dans l’accord de coopération sur la vaccination. Cet accord de coopération, qualifie une entente légale entre tous les gouvernements régionaux et le gouvernement fédéral.

Passeport européen : les données collectées

Pour le passeport de vaccination européen, les informations disponibles seront le nom, le prénom, la date de naissance, l’identifiant unique, la date de la vaccination et type de vaccin.

Associer l’information sur le type de vaccin au nombre de doses est pour Axel Legay « le couplage le plus précis ». Il permet de savoir si le cycle de vaccination est bien complet. Sauf pour le vaccin Johnson & Johnson qui ne nécessite qu’une seule dose, chaque pays sera libre de décider s’il accepte l’entrée sur son territoire dès la première dose. Si ce n’est pas le cas, une personne qui n’aura reçu q’une seule dose sur deux sera interdite de voyage, « sauf si elle fournit un test PCR négatif effectué dans les 72h précédent le départ, ou une preuve d’immunité à la suite d’une infection récente » ajoute le professeur. Une directive européenne sur le degré d’immunité depuis la dernière contamination est prévue.

Le certificat Covid numérique européen consiste en unegénéralisation des documents que les voyageurs doivent présenter aux frontières, « le tout sécurisé grâce à un QR code ». Si un Belge se rend en Italie, son QR code sera scanné à la frontière pour vérifier que le passeport sanitaire présenté est bien authentique. Cela permettra d’éviter les faux certificats. Par contre, les données personnelles ne seront pas transmises au pays étranger. Le certificat européen regroupera donc toutes les informations qu’un pays peut légalement demander à un voyageur. Pas plus, pas moins. « Avec une uniformisation du système au niveau européen, un pays de ne pourra pas demander à un voyageur des éléments d’informations qui ne seraient pas prévus initialement » assure le professeur.

Passeport belge : utilisateur anonyme

Le futur pass sanitaire belge ne gérera pas les données de la même manière que le certificat européen. L’utilisateur restera anonyme, « votre identité ne sera pas partagée » indique le professeur.

Si les autorités décident de rendre ce certificat belge directement accessible depuis Coronalert, alors « Google et Apple fermeront l’application dans l’immédiat et nous serons face à une situation de blocage » pointe du doigt Axel Legay. Les deux entreprises n’autorisent aucun partage de nom, prénom ou autres données personnelles, « d’où les accords de coopération ». Le pass belge nécessitera donc la mise en place d’un groupe juridique.

u003cemu003eL’Europe régit ce qu’il se passe aux frontières entre les pays. Pour le pass belge, c’est la Belgique qui doit fournir des bases légalesu003c/emu003e

George Dallemagne, médecin et député fédéral cdH, compare la peur face que fait naitre la collecte de données privées parl’application manque d’inquiétude face aux GAFAM et à leur emprise sur les vies privées, « entre la paille et la poutre, le débat est de toute autre nature« .

Il rappelle que les Belges sont déjà obligés de présenter une série de documents d’identification dans beaucoup de situations de la vie quotidienne : pour créer leur abonnement STIB ou SNCB ou des cartes de fidélité. « Je reste attentif au fait que nous soyons le moins possible l’objet de contrôle et à l’utilisation de nos données personnelles, mais il y a un principe de proportionnalité à considérer » explique le député. Selon lui, il faut que la limitation des libertés, comme celle qu’engendrerait la mise en place du certificat belge, soit légitime et proportionnelle au risque. C’est le cas ici d’après lui.

Quelle durée de validité ?

L’utilisation du « covid safety ticket » ou « certificat belge » est limitée à certains événements ponctuels : Tomorrowland, Pukkelpop et le Grand Prix de Formule 1. D’après le Comité de Concertation, sa mise en vigueur devrait durer un mois, dès la mi-août, pour permettre l’ouverture des festivals au public.

« Pour le moment ils ont dit que cela sera limité aux événements de plus de 5000 personnes, la question est de savoir si cela va évoluer » s’inquiète Axel Legay. Il redoute que l’utilisation de ce pass sanitaire belge soit élargie à la vie quotidienne, « je ne voudrais pas me retrouver dans un état-policier ou il faut être vacciné ou faire un test PCR pour retourner au bureau ». Le professeur refuse catégoriquement un pass obligatoire dont l’utilisation serait indéfinie dans le temps. Il demande des dates claires sur sa durée d’utilisation. Alors que le pass européen est ponctuel puisqu’il concerne les voyages, « le pass belge ne doit pas interférer avec la vie quotidienne et doit rester éphémère ».

Un « pass liberticide »

La vaccination n’a pas de caractère obligatoire. Lorsque ce certificat sera déployé, « tous les Belges n’auront pas eu la possibilité de se faire vacciner et le principe de non-discrimination sur la vaccination invoqué dans les accords de coopération ne sera pas respectés », accuse Axel Legay. Il met un point d’honneur à déterminer avant le lancement qui pourra soumettre l’utilisation et l’accès à ses services à une présentation du pass. Salma Haouach, responsable presse du MR suit cette même logique et qualifie le certificat belge de « ponctuellement liberticide ».

u003cemu003eLa liberté vous l’avez pour tout le monde ou vous ne l’avez pour personneu003c/emu003e

Elle regrette que tous les citoyens belges ne soient probablement pas tous vaccinés avant le lancement du pass en Belgique. « On a demandé aux plus jeunes de faire preuve de solidarité et de laisser les plus âgés se faire vacciner avant eux, ce n’est pas pour les pénaliser aujourd’hui » s’insurge la communicante.

Face au MR et à Axel Legay, le député George Dallemagne s’aligne sur une limitation de la durée du certificat belge, « personne n’a de boule de cristal donc il faut limiter dans le temps, mais je ne saurais pas dire combien de mois seront nécessaires ». Le médecin estime que l’argument selon lequel les jeunes qui ne sont pas tous vaccinés risquent d’être pénalisés relève de l’égoïsme. « Je suis sûr que si un grand-parent souffre d’une maladie grave, ses petits enfants seront contents de se dire que leurs parents vaccinés pourront aller lui rendre visite librement » explique-t-il. Pour le député, attendre que les adultes soient tous vaccinés pour lancer le certificat n’est pas une solution, « nous n’en aurons plus besoin ». Ceux qui ne sont pas prioritaires sur la vaccination pourront faire un test PCR et le notifier sur leur certificat, ajoute Goerge Dallemagne .

Des arguments « fantasme »

George Dallemagnepréfère utiliser l’appellation « attestation sanitaire » à « pass sanitaire ». Selon lui, « celui que nous allons avoir au niveau européen doit être un exemple pour celui créé en Belgiue ». Contrairement à Axel Legay ou Salma Haouach, il trouve paradoxal le fait que l’État facilite les voyages au sein de l’Europe mais interdise à une famille d’aller visiter un proche à l’hôpital. Il prône un développement rapide de l’attestation sanitaire belge, pour reprendre une vie normale « indispensable à notre santé mentale et à la vie économique ».

u003cemu003eJe ne comprends pas l’argument de l’entrave aux libertésu003c/emu003e

Le député estime qu’aujourd’hui, les contraintes sur nos libertés beaucoup sont beaucoup plus abusives et disproportionnées. Il prend l’exemple de quelqu’un de vacciné qui ne peut pas rendre visite à ses parents aussi vaccinés dans un home. Pour George Dallemagne, maintenir ces « souffrances abusives » n’aurait aucun sens alors qu » »on accepte aujourd’hui des entraves à nos libertés bien plus graves que celle de l’attestation de vaccination ».

Tomorrowland oui, le club de carte, non

Ce certificat constituerait selon lui un désagrément provisoire, incomparable à celui que l’on impose aujourd’hui. Le covid safe ticket ou la réservation du certificat belge aux grands événements serait une réponse à une pression du secteur économique. « Sous prétexte qu’il ne faut pas faire de discrimination entre les vaccinés et les non-vaccinés, on va en faire une entre ceux qui pourront aller dans les grands événements et les membres de club de cartes » s’insurge-t-il.

Pour George Dallemagne, ce pass sanitaire est un encouragement positif à la vaccination qu’il considère comme « un geste de solidarité essentiel dans notre société ».

Face au débat, Elio Di Rupo incite pour sa part à la vaccination : selon lui, c’est le seul moyen pour lutter contre la pandémie.

Anaelle Lucina.

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