Thomas Müller est dépité : le Bayern est aux abois © Gettyimages

Qu’est-il arrivé au super Bayern ?

Intraitable sur ses terres depuis dix ans, le Bayern est fébrile dans le sprint final de la Bundesliga. Analyse d’une ambiance de fin de règne.

Le retour du “FC Hollywood”. Voici comment Bild, le célèbre quotidien allemand, a décrit la saison du Bayern Munich. Un surnom sorti par la presse allemande à la fin des années 90 après une série d’événements extra-sportifs qui ont pollué les résultats de l’époque.

Pourtant, le début de cette saison est dans la lignée du “Super Bayern”, terme apparu dans les médias allemands en 2013 pour qualifier la puissance du club munichois. Le club réalise le meilleur début de championnat de l’histoire de la Bundesliga avec trois victoires en trois matches, mais surtout en inscrivant 15 goals et affichant une différence de buts de +14. Mais ce départ tonitruant sera vite déchanté par une suite décevante avec notamment quatre nuls et une défaite lors des six matches suivants.

Au-delà des résultats, c’est la manière qui déçoit. L’énorme possession (entre 60 et 70 %!) s’avère en réalité totalement stérile et aux antipodes du jeu vertical proposé par Julian Nagelsmann lors de sa période à Leipzig. Ce qui incite le patron sportif, Hasan Salihamidzic, à pousser un coup de gueule dans la presse allemande : “Je suis inquiet. Nous ne pouvons pas gagner des matches de cette manière en Bundesliga. Il n’y a plus d’excuses.”

Un sacré coup de pression sur le coach bavarois Nagelsmann, alors que des tensions seraient apparues en interne entre les 2 hommes, notamment sur la position de numéro 9. Le jeune technicien allemand désirait plutôt jouer sans réel pur 9 comme l’était Robert Lewandowski, laissant Eric Maxim Choupo-Moting comme seul attaquant de pointe dans le groupe.

Un après Coupe du monde difficile

Alors que le Bayern accueille la trêve sur un bilan de six victoires consécutives en Bundesliga et sur un 18/18 en Ligue des Champions dans un groupe tout de même composé du Barça et de l’Inter, le retour de Coupe du monde s’avère être un tournant dans le destin de Nagelsmann sur le banc munichois. Trois matches nuls d’affilée et de nouvelles tensions qui apparaissent dans la presse.

Manuel Neuer exprime toute sa colère dans The Athletic à la suite du renvoi de l’entraineur des gardiens, son grand ami Toni Tapalovic qu’il côtoie depuis 2011, mis à pied par Nagelsmann après des discussions de staff privées qu’il aurait fait fuiter parmi les joueurs : “Pour moi, c’est un coup dur, comme si mon cœur était arraché. C’est la chose la plus brutale que j’ai vécu dans ma carrière. Toni n’a jamais fait ça. Des choses ont été dites avec lesquelles je ne suis pas d’accord”, avant de continuer et de cibler le club : “Nous voulons être différents au Bayern, nous voulons être une famille. Mais il s’est passé quelque chose que je n’avais jamais vu.”

Emblème du vestiaire, le gardien Manuel Neuer était en froid avec Julian Nagelsmann (GettyImages)

À quelques jours de recevoir le Paris Saint-Germain en huitième de finale de Ligue des Champions, les propos passent mal dans les locaux de l’Allianz Arena où Oliver Kahn, l’ex-portier emblématique des cages bavaroises et désormais directeur général du club, répond avec dureté : “Ce que Neuer dit ne correspond ni à son rôle de capitaine ni aux valeurs du Bayern. J’ai été confronté à une situation similaire en 2004 mais les objectifs communs étaient plus importants que mes sentiments personnels. Nous allons en parler clairement avec lui.”

En interne, d’autres joueurs se seraient plaint des méthodes de Julian Nagelsmann, parfois jugé trop strict, dans une équipe habituée à avancer en Cruise Control. Certains seraient aussi mécontents de leur temps de jeu à l’image de Serge Gnabry, Kingsley Coman ou Ryan Gravenberch. La double confrontation gagnante face à un PSG malade ne fera que retarder l’échéance, confortant l’idée que la machine Bayern se rouille petit à petit. Alors que le calendrier du mois d’avril apparait comme crucial pour la saison du Bayern, les dirigeants bavarois se préparent discrètement au grand changement.

L’urgence Tuchel pour sauver le Bayern

Le 19 mars, le Bayern se déplace à Leverkusen. Poursuivis de près par Dortmund, les Bavarois sont dans l’obligation de gagner à la BayArena pour pouvoir conserver leur statut de leader du championnat. L’adversaire du soir, auteur d’un début de saison catastrophique, a été remis sur pied par l’ancien munichois Xabi Alonso et fait partie des équipes les plus séduisantes du championnat depuis l’arrivée de l’ex-regista espagnol.

La défaite 2-1, après avoir mené 0-1, déclenche la colère des dirigeants bavarois et poussera Salihamidzic à annoncer : “La courbe de performance ne fait que baisser. J’ai rarement vu une prestation aussi fade.” Cette contre-performance sera donc celle de trop. Celle qui dictera l’avenir de Julian Nagelsmann, licencié quelques jours après la déroute de Leverkusen, après qu’une rumeur est lancée la veille. Le Bayern tardera à officialiser le licenciement en attente de la signature du contrat de Thomas Tuchel, ancien coach de Dortmund, du PSG et de Chelsea avec qui il a notamment remporté la Ligue des Champions.

Thomas Tuchel n’est pas parvenu à refaire sourire le Bayern (Photo by CHRISTOF STACHE/AFP via Getty Images)

Le licenciement de Nagelsmann reste pourtant inattendu. Ses relations contrastées avec certains cadres, dont Neuer ou Lewandowski, ont souvent fait débat en Allemagne. Son bilan final affiche cependant des statistiques incroyables, avec près de 72% de victoires qui le placent dans la lignée des grandes heures du « Super Bayern » de Jupp Heynckes, Pep Guardiola, Hansi Flick ou Carlo Ancelotti.

La presse allemande s’empresse de connaitre les raisons de cette éviction surprise, à quelques jours du mois le plus important de la saison munichoise. Alors que Oliver Kahn et Uli Hoeness, toujours très présent dans les décisions importantes de la maison du “Mia San Mia”, étaient toujours derrière le technicien allemand, la balance aurait penché du côté du vestiaire, où une petite dizaine de joueurs sont déjà venus se plaindre auprès de la direction, insatisfaits du travail de Nagelsmann.

Lâché par ses cadres, le jeune technicien allemand a également fini par semer le doute dans l’esprit de sa direction, consciente qu’avec un tel effectif, les résultats devaient être meilleurs. Celle-ci préparait également, tout doucement et secrètement, l’arrivée de Tuchel, plutôt pour l’été. “Ces fortes fluctuations liées aux performances ont jeté le doute sur nos objectifs pour cette saison, mais aussi sur nos objectifs à l’avenir et c’est pourquoi nous avons agi maintenant”, déclare Kahn à la presse, en laissant clairement sous-entendre les doutes qui animaient la direction. Les récents résultats décevants ont donc fini par définitivement éloigner l’avenir de Nagelsmann de l’Allianz Arena. La recherche de coaches entamée dans plusieurs grosses écuries européennes a fait le reste, augmentant le risque de voir Tuchel filer entre les doigts bavarois. Les dirigeants du Bayern optent donc pour le traditionnel “psychischer schock” à l’heure d’affronter Dortmund dans un “Klassiker” capital dans la course au titre et Manchester City en quart de Ligue des Champions.

Le rêve de triplé envolé

C’est donc avec une grosse pression que Tuchel entame son mandat munichois. “Début de rêve au Bayern pour Tuchel”, voici ce que titre Bild après la victoire 4-2 face à Dortmund. Le quotidien allemand continue: “Le Bayern n’a pas seulement battu ses éternels rivaux, il a également regagné la première place. Et s’ils continuent à faire de la magie comme ça, ils ne le donneront plus.”

Alors que la machine bavaroise paraissait relancée, l’élimination à domicile face à Fribourg en Coupe d’Allemagne va jeter un premier coup de froid à l’ère Tuchel, alors que le trophée lui tendait la main. Après une victoire aux aires de revanche à Fribourg en championnat, le déplacement Outre-Manche pour la manche aller du quart de finale de Ligue des Champions va plonger le Bayern dans un sentiment d’impuissance, inconnu depuis plus de dix ans. Une cuisante défaite 3-0 et une sortie quasiment certaine de la coupe aux grandes oreilles.

Pour bien faire perdurer la légende du “FC Hollywood”, une altercation aurait éclaté entre Leroy Sané et Sadio Mané à la suite de cette rencontre. Des coups se seraient perdus entre les deux coéquipiers. Un symbole d’une frustration présente dans le groupe depuis de nombreuses semaines, conscient d’avoir perdu la main sur deux trophées majeurs. Oliver Kahn, de plus en plus décrié au sein du club, a reçu l’ordre de mieux communiquer et de mieux représenter le club, lui qui a notamment déclaré après le dernier naufrage à Mayence : “Les joueurs doivent se bouger le cul.”

L’embrouille entre Mané et Sané s’est violemment poursuivie dans les vestiaires de l’Etihad Stadium (Photo by Simon Stacpoole/Offside/Offside via Getty Images)

Une nouvelle défaite qui oblige les Bavarois à céder la première place au Borussia Dortmund et qui pourrait priver le Bayern d’un 11e sacre consécutif. Une saison blanche pourrait coûter la place de l’ancien rempart de la sélection allemande. Sa place sera discutée par le conseil d’administration en fin de saison. Convaincu par les compétences managériales de Tuchel, Kahn s’efforce désormais à voir positivement la fin de saison : “Nous n’abandonnerons pas tant que le titre de champion est encore possible. Nous parlerons de tout le reste plus tard. Tuchel est la dernière personne dont nous devons discuter.” Un soutien logique pour un coach qui ne demande qu’à prouver son sens tactique chez l’ogre bavarois.

L’ex-coach parisien aurait d’ores et déjà demandé à ses dirigeants un numéro 6 et surtout un buteur capable de peser sur une défense, après s’être rendu compte que Choupo-Moting devenait trop limité pour les exigences européennes du Bayern. Ainsi, le board munichois aurait déjà coché les noms de Randall Kolo-Muani, Victor Osimhen et Harry Kane, trois attaquants talentueux et capables de redonner la puissance du temps du “Super-Bayern”. Ceux-ci auront évidemment un prix. Un prix qui sera de toute façon hors des valeurs du Bayern, qui possède une politique anti-surpaiement. Alors que le club n’a jamais dépassé la barre des 100 millions pour un transfert, il n’a jamais semblé aussi chaud à sortir le chéquier cet été.

Tuchel tente dès lors de recoller les morceaux d’une équipe pour qui discipline, pragmatisme et collectif ne sont que des mots vides de sens. Alors qu’un onzième titre consécutif parait toujours possible, celui-ci pourrait devenir le moins savoureux pour le club du “Mia San Mia”. Un titre qui symboliserait l’amère réalité, celle qui veut que le temps du “Super-Bayern” est définitivement terminé.

Par Robin Maroutaëff

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire