
L’orchestre rouge de Jürgen Klopp
Suite à de solides investissements en janvier et cet été, José Mourinho a proclamé Liverpool candidat au titre. Le jeu n’est pas encore tout à fait au point mais la machine est lancée au moment d’affronter Chelsea et Naples en déplacement et Manchester City à domicile.
Les équipes de Jürgen Klopp ne sont jamais ennuyeuses. Son Dortmund ne l’était déjà pas. Et Liverpool s’inscrit dans cette lignée. En octobre 2015, quand le club de la Mersey a limogé Brendan Rodgers, il s’est immédiatement mis en quête d’un remplaçant hors-frontières, les étrangers étant depuis longtemps à la mode aux Iles. Et les Reds ont alors opté pour Klopp.
Sur papier, celui-ci était fait pour les Reds au nom de son style de jeu attrayant et porté sur l’offensive. Un foot physique aussi. Avec comme mot d’ordre le Gegenpress, une pression élevée qui est rapidement devenue le terme à la mode en Angleterre.
Le Gegenpress contre le tiki-taka, cher à Pep Guardiola. Autrement dit : miser sur le contre, en se regroupant en perte de balle pour harceler celui qui le possède. Imposer un rythme élevé, y compris sans ballon, pour pousser son adversaire à la faute.
Cette approche requiert énormément d’énergie et des automatismes parfaitement huilés. Sans coordination, l’équipe qui le pratique est balayée et condamnée à courir derrière un ballon inaccessible. Et c’est ce qui est arrivé quelquefois à Liverpool la saison passée.
8-5 face à Pep Guardiola
En fin de parcours, le club en a tiré ses conclusions : quand il était bon, il gagnait, mais quand il était moyen, il s’inclinait souvent. Parfois sur des scores lourds : 5-0 à Manchester City, 4-1 chez les Spurs. D’autres fois, c’était plus serré : 2-1 à United ou 1-0 à Chelsea.
Mais les Reds échouaient presque toujours contre les meilleurs. La saison passée, ils n’ont remporté qu’une victoire face aux grands d’Angleterre – les deux Manchester et les trois grands clubs de Londres – : 4-0 face à Arsenal.
C’est un constat significatif, même si la campagne de Liverpool a été bonne en Ligue des Champions et que les statistiques de Klopp face à Pep Guardiola sont bonnes – il mène 8-5 dans leurs duels -. De fait, le Gegenpress ne fonctionnait pas suffisamment dans les affiches, Liverpool était fragile.
Klopp a douté de ses gardiens : il n’a jamais vraiment fait confiance à SimonMignolet et LorisKarius ne la méritait pas. La défense était fragile : la saison passée, contre Tottenham à Wembley, DejanLovren a été remplacé à la demi-heure, Harry Kane le faisant tourner en bourrique. L’entrejeu n’était pas équilibré. Seule l’attaque – avec les précieux Sadio Mané, Roberto Firmino et Mohamed Salah – échappait aux critiques.
The Normal One
Encore que la différence de niveau des doublures était énorme, qu’il s’agisse de Divock Origi, qui n’a pas trouvé employeur et a été renvoyé en espoirs, ou de Daniel Sturridge. Liverpool a cependant été spectaculaire durant tout ce temps : son récent 1-0 contre Brighton n’était que le sixième score aussi sec en 112 matches officiels sous la direction de Klopp.
À son arrivée en 2015, Klopp a d’abord cru dans les qualités des joueurs enrôlés par Brendan Rodgers. Il n’a quasiment transféré personne en janvier 2016, estimant qu’il fallait avant tout relever le niveau physique des joueurs mis à sa disposition.
Les entraînements de l’homme qui se présente lui-même comme The Normal One étaient tout sauf normaux. Les joueurs ont dû retrousser leurs manches, comme l’a appris le mensuel FourFourTwo en effectuant un reportage sur l’ère Klopp.
Les exercices de finition étaient par exemple corsés par des sprints parsemés d’obstacles, afin d’accroître l’intensité physique. En match aussi, il faut armer son tir sous pression, avec un coeur qui bat la chamade.
Klopp a fait installer des murets et des cônes sur lesquels les ballons changeaient de trajectoire, comme en match. Ses joueurs détestent l’exercice à onze sprints – avec et sans ballon – ponctué d’un long tir qui doit être cadré. Car ceux qui le ratent doivent tout recommencer de zéro.
Les dix dernières minutes
Liverpool est resté plutôt modeste lors des campagnes de transferts suivantes. Il y a bien eu des big signings – Mané l’été 2016, Salah un an plus tard et Virgil van Dijk durant l’hiver dernier – mais le club a surtout travaillé à partir des footballeurs présents, complétés par des jeunes talents : l’arrière gauche Andrew Robertson, un Écossais, les internationaux anglais Dominic Solanke (avant, issu des jeunes de Chelsea) et Trent Alexander-Arnold, arrière droit, formé par Liverpool. Celui-ci a éclaté la saison passée et a même disputé un match de poule contre la Belgique au récent Mondial.
Les résultats n’ont cessé de s’améliorer. Le Liverpool de Klopp a successivement terminé huitième et deux fois quatrième du championnat. Les Reds ont atteint la finale de l’EL et de la LC. Sans encore parvenir à remporter un trophée, à cause du handicap souligné précédemment: face aux ténors, l’équipe ne possédait pas suffisamment de qualités.
Les statistiques révèlent également des lacunes physiques. La saison dernière, c’est Liverpool qui a encaissé le plus de buts dans les dix dernières minutes, de tous les clubs du top six anglais, et qui en a raté le plus.
Plus de concurrence
Cet été, Liverpool a donc été actif sur le marché des transferts, même si c’est plutôt contraire à la philosophie de Klopp. Il a engagé un gardien coûteux, le Brésilien Alisson Becker. Il a même été le portier le plus cher du monde jusqu’à ce que Chelsea engage Kepa Arrizabalaga pour remplacer Thibaut Courtois.
Alisson a déjà gaffé cette saison mais il y a peu de chances de revoir rapidement Mignolet dans le but. Quant à Karius, après ses bourdes en finale de la LC, il a rejoint Besiktas. Le Trudonnaire sait qu’il va jouer les utilités et a d’ailleurs tout fait pour s’en aller.
Las, il n’a pas trouvé d’accord financier avec Fulham et Naples, de son côté, n’en a pas trouvé avec les Reds. Donc, Mignolet est coincé sur le banc. En plus, Klopp n’aime pas faire tourner son noyau.
Van Dijk a renforcé la dernière ligne en janvier et depuis, JoeGomez s’est joint au Néerlandais pour concurrencer Lovren. La défense a donc été nettement remaniée par rapport à celle qui a encaissé quelques casquettes la saison passée. La concurrence est plus rude dans l’entrejeu aussi.
L’équipe est toujours formée autour du capitaine Jordan Henderson, le successeur de Steven Gerrard, mais elle possède une base plus large, grâce à James Milner, le monument de l’équipe du haut de ses 32 ans, Georginio Wijnaldum et, depuis cet été, Fabinho, transféré de Monaco, ainsi que Naby Keïta, chipé au RB Leipzig.
Un atout nommé Shaqiri
C’est que Klopp estimait avoir une lacune : il devait constamment aligner les mêmes douze ou treize joueurs, le banc n’étant pas assez fort. Il n’est pas délivré de tous ses problèmes : il déplore quelques blessés, Keïta doit encore s’intégrer et Fabinho n’a pas encore acquis le rythme anglais. Quand y parviendra-t-il ?
C’est la question que se pose tout Anfield, même si, en attendant, Wijnaldum et Milner sont excellents. Ils sont évidemment frais, n’ayant pas participé à la Coupe du Monde – Milner y a lui-même renoncé tandis que Wijnaldum n’a pas eu le choix, les Pays-Bas n’étant pas qualifiés.
L’attaque est également renforcée : elle possédait déjà quatre hommes pour trois places, avec Sturridge, Salah, Firmino et Mané. Solanke pointe du nez et Liverpool a encore Xherdan Shaqiri (26 ans). Le Bayern avait trouvé quelque chose au costaud Suisse mais il n’a éclos qu’à Stoke City et il reçoit maintenant sa chance au sein de l’élite absolue.
Klopp dispose donc de plus de possibilités. Shaqiri est un métronome, comme le montrent ses statistiques à Stoke, rétrogradé. La saison dernière, le Suisse a été impliqué dans 17 des 35 buts inscrits par son équipe. Il est septième au classement des joueurs qui ont créé le plus d’occasions en Angleterre la saison passée, alors qu’il se produisait pour l’avant-dernier du championnat. Un atout sur le plan créatif.
Soif de succès
Un noyau plus étoffé, un peu plus de talent et une meilleure organisation. Voilà les clefs du succès actuel. La défense est moins fragile sur les passes en profondeur. Liverpool n’a pas encore balayé ses concurrents mais ses débuts sont prometteurs.
Klopp poursuivait un autre objectif : améliorer encore le physique de ses joueurs. Ils ont donc beaucoup travaillé pendant leur stage à Évian, avec parfois trois séances par jour, beaucoup de course à pied et même du vélo. Tous les jours, l’équipe effectuait en bécane le kilomètre séparant l’hôtel du terrain. Un kilomètre en pente très raide.
L’entraîneur voulait encore franchir un cap face aux adversaires plus relevés. Jusqu’à présent, il y parvient également. Après la parenthèse internationale, il a gagné 1-2 à Tottenham. Une victoire courte mais ceux qui ont vu le match ont eu le sentiment que les Reds allaient s’imposer.
La semaine passée, ça a été le tour du PSG (3-2), Firmino a alourdi le score dans les arrêts de jeu. Liverpool est donc au point physiquement. Le grand test est pour la semaine prochaine, avec des duels contre Chelsea et Naples et un match à domicile contre le City de Guardiola.
Klopp pourra ensuite tirer de véritables conclusions, car Anfield a soif de succès. Il n’a plus enlevé de titre depuis 1990, ni même de trophée depuis 2012 et son succès en League Cup. Il est grand temps que The Normal One fasse quelque chose de spécial…
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