Les (très) jeunes prodiges du foot, des talents à couver

Mbappé, Fati, Haaland, Cherki, Camavinga… talents fragiles à protéger ! Si une poignée de joueurs parviennent à briller avant 20 ans, l’exigence et les dangers du monde professionnel incitent entraîneurs et formateurs à la prudence lorsqu’il faut gérer l’ascension fulgurante des prodiges du football.

« C’est une bêtise de faire jouer les jeunes trop jeunes. Mais c’en est une de ne pas les faire jouer s’ils sont capables de jouer: tout est dans l’équilibre », résume pour l’AFP Jean-Michel Vandamme, ancien directeur du centre de formation de Lille, fondateur d’une structure visant à accompagner de talentueux ados vers le foot pro.

Kylian Mbappé à Monaco, Ansu Fati au Barça, ou encore tout récemment Rayan Cherki à Lyon et Eduardo Camavinga à Rennes, tous ont en effet connu leurs premières minutes sur une pelouse professionnelle avant d’avoir 17 ans.

Mais si le premier a ensuite explosé, les trois autres ne sont toujours pas à l’abri d’une blessure qui pourrait couper leur évolution, ou d’un mauvais choix de carrière pouvant s’avérer fatal.

« Faire un, deux ou trois bons matches, ce n’est pas ce qu’il y a de plus dur, le plus dur c’est d’en faire 10, 20 ou 25 d’affilée. Il faut faire preuve de beaucoup d’humilité, de remise en question permanente », insiste l’entraîneur de Rennes Julien Stéphan, parvenu cette saison à faire de Camavinga (17 ans) un taulier de son milieu de terrain.

– « Maturité physiologique » –

La remise en question est d’abord physique. « Il faut différencier l’âge chronologique de l’âge physiologique », rappelle Pascal Maillé, directeur du Centre médical sportif de Clairefontaine. « La maturité physiologique peut être plus ou moins précoce », explique le médecin à l’AFP, invitant les entraîneurs à « être attentif » sur la charge de travail imposée aux jeunes. « Un corps qui n’est pas arrivé à maturité risque plus facilement de se retrouver en état de surentraînement, de fatigue, ce qui accroît le risque de blessures tendino-musculaires ou articulaires », reprend le Dr Maillé.

Exemple frappant, le cas du prodige italien Pietro Pellegri (18 ans), recruté par Monaco en 2018 pour 25 millions d’euros et qui a, depuis, enchaîné les blessures. « Beaucoup de fois, on tue les joueurs », s’était emporté en novembre son entraîneur Leonardo Jardim, mécontent du travail effectué par le Genoa, l’ancien club de l’Italien.

Mais l’enjeu n’est pas uniquement physique. « Quand du jour au lendemain vous passez des moins de 19 ans à un stade de 30 ou 40.000 personnes qui vous applaudissent, cela ne peut pas rester sans effet. Sans anticipation, cela peut être dévastateur », prévient Jean-Michel Vandamme.

D’où l’importance de « nouer une confiance solide avec le joueur, son entourage, sa famille. Un entraîneur ne peut pas lancer un jeune sans lui avoir expliqué qu’il ne jouera pas le match suivant, peut-être pas non plus le match d’après, et que ce ne sera pas parce qu’il sera devenu mauvais mais parce que cela fera partie du projet », reprend-il.

– Âge minimal –

Si autant de « pépites » émergent, c’est aussi parce que le football dispose aujourd’hui de moyens pour les accompagner, des données GPS aux tests de fatigue, en passant par ces échelles de « well-being », un indicateur de « bien-être » physique et psychologique obtenu par questionnaires.

« Moi, il fallait que je sois un homme à 16 ans. On intégrait un groupe pro alors qu’on était encore des enfants », se souvient pour l’AFP Laurent Paganelli, l’un des joueurs de Ligue 1 les plus précoces de l’histoire (première apparition à 15 ans). « L’époque a changé, tout est plus structuré, il y a une cellule de protection, et même l’entraînement est approprié, adapté à leur âge. »

La protection, certains la poussent plus loin. En Allemagne en 2011, le président de Schalke n’avait pas hésité à hausser le ton auprès de son entraîneur de l’époque pour que celui-ci laisse le jeune Julian Draxler passer son bac, quitte à retarder un peu l’éclosion footballistique de l’Allemand, aujourd’hui au PSG.

Le règlement de la Bundesliga exige par ailleurs que les joueurs soient âgés de 18 ans révolus –ou nés dans la dernière année de la catégorie U19 en cours– pour jouer. Un âge minimal que la Ligue, sous la pression notamment de Dortmund, pressé de pouvoir lancer son jeune prodige de 15 ans Youssoufa Moukoko, a proposé d’abaisser à 16 ans.

Car, comme l’a dit récemment Zinédine Zidane au sujet de son jeune Brésilien Rodrygo (19 ans): « Il n’y a pas d’âge pour bien jouer au foot ».

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