Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier | Trop de matchs pour les joueurs, et pour les spectateurs?
L’overdose de matchs proposée par le calendrier footballistique fait parler les joueurs d’élite. Les salaires millionnaires justifient-ils un programme qui devient indigeste?
Même s’il a trébuché en quarts de finale sur la route d’un deuxième sacre de rang en Ligue des Champions avec Manchester City, beaucoup avaient fait de lui un Ballon d’or en puissance. A nouveau champion d’Angleterre, impliqué jusqu’au bout dans presque toutes les compétitions menant aux trophées, Rodri a en outre couronné sa saison en emmenant l’Espagne sur le toit du continent lors de l’Euro 2024.
Meilleur joueur de la compétition, revenu aux affaires au début du mois de septembre en Premier League après avoir soigné des ischio-jambiers en galère, l’Espagnol profite alors des micros tendus à l’occasion de la reprise de la Ligue des Champions pour faire du bruit. L’objet de sa colère: un calendrier qui ne fait que se remplir, comme un estomac qu’on sent au bord du vomissement. «C’est une chose qui nous inquiète, parce que nous sommes ceux qui souffrons.» Quelques jours plus tard, son corps décide de lâcher prise. Un ligament croisé qui se rompt et une saison qui s’arrête. Loin du terrain, Rodri ne pensera paradoxalement qu’à une chose: rejouer, vite, et remonter dans le carrousel infernal des saisons qui ne s’arrêtent jamais.
Dans le plus engorgé des scénarios, le calendrier de Manchester City pourrait comptabiliser jusqu’à 75 matchs, sans compter ceux disputés en équipe nationale. La Fifa, fédération internationale de football, s’est décidée à gaver les corps et les sponsors en ajoutant au menu saisonnier une nouvelle formule de «Coupe du monde des clubs», placée à cheval entre deux exercices (du 15 juin au 13 juillet) alors qu’une année sur deux permet généralement aux footballeurs de souffler un peu plus, sans compétition au menu de leur été. C’en est trop pour une bonne partie des acteurs, qui arrosent les pelouses d’un discours de plus en plus corrosif. «Ça fait trois ou quatre ans qu’on le dit et personne ne nous écoute», grince Jules Koundé, le défenseur français du Barça. Son compatriote Dayot Upamecano abonde: «J’espère qu’ils vont comprendre un jour.»
«Ils», ce sont les décideurs. Ceux qui semblent faire la sourde oreille aux remarques des joueurs d’élite qui sont les plus touchés par ces calendriers proches de l’overdose. Fifa et UEFA, qui installent de nouvelles compétitions, font d’ailleurs la sourde oreille. Les instances dégainent des rapports qui montrent qu’entre 2012 et 2024, la moyenne de matchs joués par saison par les joueurs de 40 ligues de haut niveau à travers le monde reste sensiblement identique, légèrement au-delà des 40 rencontres. Le problème, c’est que ce sont surtout les 5% ou 6% qui jouent le plus qui commencent à jouer trop. Ceux-là sont aussi les mieux payés. Et se confrontent à un public qui voit souvent à travers leurs millions une forme d’obscénité à se plaindre de trop courir. L’argent n’achète pourtant pas de remède contre le surmenage physique ou mental. Remboursera-t-il le corps de Jude Bellingham, qui facture déjà 250 matchs joués à seulement 21 ans?
Pendant ce temps, les spectateurs voient «de plus en plus de matchs, mais de moins en moins de football», pour paraphraser l’entraîneur argentin Jorge Sampaoli. Pourtant, en payant pour assister au grand show, ils sont indirectement ceux qui le poussent à aller toujours plus loin. Homme fort de Fifpro Europe, le syndicat des joueurs, David Terrier explique à France Info que tout cela va finir par «tuer le spectacle». Certains acteurs de haut vol ont en tout cas déjà choisi le départ vers l’Arabie saoudite, pour gagner plus et surtout jouer moins. La monnaie, mais aussi la santé avant les trophées.
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