Tadej Pogacar, ici lors de sa victoire à Liège en 2021, serait le plus à même de gagner les cinq monuments. © belgaimage

Liège-Bastogne-Liège, étape de la chasse aux «monuments»

Ce 23 avril, les cyclistes se lanceront sur les routes de Liège-Bastogne-Liège, quatrième des cinq monuments de la saison. Histoire d’une dénomination.

Remporter les cinq monuments de la saison cycliste est souvent assimilé à une quête du Graal. Une prestation forcément hors du commun, tant les parcours sont variés entre Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie. Une diversité qui fait briller différents types de coureurs. Difficile pour un spécialiste des pavés de plus de 75 kilos de faire le poids dans les longues montées ardennaises ou lombardes, alors qu’il est tout aussi rare qu’un poids plume lève les bras à Audenarde – lieu d’arrivée du Tour des Flandres – ou sur le vélodrome de Roubaix.

Comme une preuve supplémentaire que la combinaison est périlleuse, la liste de ceux qui ont réussi à inscrire les cinq monuments à leur palmarès est plutôt réduite. Ils sont trois, tous Belges, tous à la tête d’une carrière majuscule. Rik Van Looy, Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck attendent un nouveau membre dans leur club très fermé depuis 1977, l’année où le dernier cité a enfin remporté le Tour des Flandres. Le Batave Hennie Kuiper et l’Irlandais Sean Kelly s’en sont approchés dans les années 1980. Le premier n’a échoué que sur Liège-Bastogne-Liège, concluant une fois la «Doyenne» sur la deuxième marche du podium mais à près de dix minutes d’un Bernard Hinault survolté sous une abondante neige printanière. Quant à Kelly, il ne lui manquait que le Tour des Flandres, où il a terminé deuxième à trois reprises, Johan Lammerts (en 1984), Adrie van der Poel (1986) puis Claude Criquielion (1987) le privant du prestigieux grand chelem cycliste.

Ils ne sont que trois, tous Belges, à avoir inscrit les cinq monuments à leur palmarès.

Un cercle très fermé

Au tournant du millénaire, marqué par une spécialisation accrue, la combinaison des cinq couronnes semblait de plus en plus utopique. Seul le Remoucastrien Philippe Gilbert s’en était approché, misant d’abord sur sa puissance dans les bosses pour remporter deux Tours de Lombardie et un Liège-Bastogne-Liège avant de conclure sa carrière dans le moule collectif des Quick Step de Patrick Lefevere, profitant du surnombre de ses couleurs et de son sens tactique pour ajouter un Tour des Flandres puis un Paris-Roubaix à son palmarès. Seul Milan-San Remo lui aura manqué, malgré cinq éditions conclues dans le Top 10, dont deux sur le podium. Imprévisible, à cause d’un parcours long mais dépourvu de grosses difficultés qui la rend accessible pour une bonne partie du peloton, la Primavera sera longtemps restée le dernier rêve inassouvi du champion du monde 2012.

Au sein du peloton actuel, orphelin de Philippe Gilbert depuis la fin de la saison dernière, ils sont deux à pouvoir rêver de la quintuple couronne. Avec le Tour de Lombardie, Liège-Bastogne-Liège et désormais le Tour des Flandres à son palmarès, le phénomène slovène Tadej Pogacar finira inévitablement par se lancer sur les pavés de Roubaix, même si son poids de grimpeur risque de le handicaper. Acteur majeur des derniers kilomètres de Milan-San Remo ces dernières années, le nouveau «Cannibale» a certainement la printanière italienne dans les jambes. Cette année, celle qu’on surnomme aussi la Classicissima est tombée entre les mains du puissant Mathieu van der Poel, également vainqueur du dernier Paris-Roubaix alors qu’il compte déjà deux Tours des Flandres à son actif. S’il semble trop lourd pour les côtes plus longues de l’Ardenne ou de Lombardie, les observateurs les plus avisés remarqueront que le petit-fils de Raymond Poulidor a déjà bouclé les deux épreuves dans le Top 10. Profil le plus tout-terrain sur le papier, la troisième tête du Cerbère du peloton moderne s’appelle Wout van Aert. Déjà monté sur le podium de quatre des cinq monuments, le Belge n’a toutefois remporté que la Primavera.

Si l’un d’eux y parvient, il serait en tout cas le premier à officiellement triompher sur ce qui ne s’appelait pas encore les cinq monuments à l’époque de Van Looy, Merckx et De Vlaeminck. Ce n’est qu’en 1989, quand le président de l’Union cycliste internationale (UCI), Hein Verbruggen, a lancé la Coupe du monde de cyclisme, que le mot est né. A l’époque, l’homme fort du vélo veut internationaliser le sport en instaurant un critérium de régularité éparpillé sur douze classiques, des courses d’un jour disputées en Europe continentale mais aussi au Royaume-Uni (la Wincanton Classic), au Canada (le Grand prix des Amériques) ou en Asie (la Japan Cup). Une internationalisation qui ne devait pas se faire au détriment des traditions, Hein Verbruggen expliquant au journal Le Monde qu’il fallait conserver en sécurité les «monuments» du cyclisme. Un nom prestigieux qui s’est affiné au fil des années, devenant finalement une dénomination officieuse pour les cinq plus grandes courses d’un jour du calendrier.

Les huit classiques

Dans les années 1980, on parlait encore de huit grandes classiques. En plus des cinq monuments actuels, le décompte comprenait la Flèche wallonne, Paris-Bruxelles et Paris-Tours. Toutes, à l’exception de Liège-Bastogne-Liège, faisaient d’ailleurs partie de la première édition du Challenge Desgrange- Colombo, une course de régularité lancée en 1948.

Au cours des quarante années suivantes, trois classiques ont perdu de leur superbe. Au début des années 1970, la Flèche wallonne a été déplacée en milieu de semaine et est devenue la petite sœur de Liège-Bastogne-Liège, une «Doyenne» qui était encore son égale jusqu’alors. Paris-Tours a été victime de ses nombreux changements de parcours, plaçant parfois son arrivée à Versailles ou à Chaville. Quant à Paris-Bruxelles, la course a même disparu du calendrier cycliste six années durant (entre 1967 et 1972) avant de réapparaître à l’automne 2022 sans retrouver son prestige originel. Les cinq autres grandes classiques s’étaient donc largement détachées depuis quelques temps quand, en 1989, Hein Verbruggen a parlé de «monuments». Leur longue histoire, entamée au début du XXe siècle, voire à la fin du XIXe, plaidait en faveur de leur distinction.

Ils ne sont donc plus que cinq. Sans pour autant être devenus plus faciles à gagner.

Les cinq grandes classiques du calendrier

Milan-San Remo

Tour des Flandres

Parix-Roubaix

Liège-Bastogne-Liège

Tour de Lombardie

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