Brittney Griner a pris une décision après sa libération: elle ne jouera plus à l’étranger. © Getty Images via AFP

Brittney Griner, plus jamais libre: « Je ne considère plus rien comme acquis »

Plus de cinq mois après sa libération d’un camp russe, la basketteuse américaine Brittney Griner, 32 ans, entame ce 19 mai la nouvelle saison de la WNBA. Certainement plus avec la même insouciance.

Depuis 2014, pendant l’intersaison américaine, Brittney Griner jouait à l’UMMC Ekaterinburg, la très riche équipe russe où a aussi évolué notre compatriote Emma Meesseman. L’UMMC offre un salaire quatre à cinq fois plus élevé que le montant perçu par les plus grandes stars de la WNBA, la compétition américaine. En 2022, malgré l’imminence d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine, la basketteuse prend l’avion pour Moscou, le 17 février. C’est là qu’elle est arrêtée. Dans ses bagages, les douaniers trouvent un liquide pour vapoteuse à base de cannabis. Selon Griner, il s’est retrouvé dans sa valise par inadvertance. Elle n’avait aucune intention de se livrer au trafic de stupéfiants.

Je ne considère plus rien comme acquis. Tout peut changer en un clin d’œil.

La joueuse plaide malgré tout coupable, dans le but d’atténuer la peine en cas de probable condamnation. Rien n’y fait, pas même la prescription de cannabis médical destiné au traitement de la douleur d’un médecin américain. La juge Anna Sotnikova donne raison à l’accusation et condamne la basketteuse, en août 2022, à neuf ans et demi de prison. Une peine très sévère pour la possession d’à peine 0,7 gramme d’huile de cannabis, même au regard des lois russes extrêmement strictes en matière de drogue. Fin octobre, l’appel introduit par les avocats de Brittney Griner est rejeté.

Les dessous de sa libération

Dans les premières semaines qui ont suivi l’arrestation de la star des parquets, le département d’Etat américain se mure délibérément dans le silence. Pour ne pas trop gonfler la valeur politique de l’affaire. Les relations entre les Etats-Unis et la Russie sont alors fortement dégradées après que les Américains ont renforcé les sanctions économiques contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Même la WNBA, les médias et l’entourage de la joueuse sont invités à adopter une diplomatie discrète. Le gouvernement russe refuse d’abord toute discussion pendant plusieurs mois, puis fait savoir que le prix à payer sera élevé. Les Etats-Unis proposent de libérer Brittney Griner ainsi que l’ancien militaire Paul Whelan, détenu en Russie depuis quatre ans pour espionnage, contre la libération du Russe Viktor Bout, un trafiquant d’armes arrêté sur le sol américain en 2008 et condamné, en 2012, à 25 ans de prison.

Il faudra attendre le 8 décembre 2022 pour qu’un accord soit conclu: Bout contre Griner, mais sans Whelan. L’échange a lieu à l’aéroport d’Abu Dhabi. Griner est enfin libre, après 294 jours de détention.

Une épreuve mentale

A son retour en Amérique, Brittney Griner n’a plus ses longues et célèbres dreadlocks. Elle les avait coupées pour mieux supporter l’hiver russe. A chaque fois qu’elle les lavait, elle avait terriblement froid. La basketteuse s’était manifestement préparée à rester emprisonnée dans le camp pénal pour femmes de la république de Mordovie, à cinq cents kilomètres au sud-est de Moscou. Pendant quatre mois, aucune communication téléphonique avec sa femme, Cherelle, ne lui a été accordée. Seul le courrier était autorisé. Les photos reçues l’ont soutenue moralement: «Voir leurs visages m’a donné le courage de continuer à espérer pouvoir les tenir à nouveau un jour dans mes bras.»

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La campagne #WeAreBG a également été un soutien pour la basketteuse, qui devrait publier un livre sur sa détention en 2024. Après un silence délibéré, la WNBA et la NBA ont pris plusieurs initiatives pour que le cas de Griner ne disparaisse pas des radars. Un autocollant géant avec ses initiales et son numéro de maillot fut apposé sur tous les terrains de WNBA, une pétition fut lancée et des pressions exercées sur la Maison-Blanche pour qu’elle poursuive les négociations avec les Russes. Les milieux nationalistes, républicains et ultraconservateurs ont, eux, émis beaucoup de critiques à la suite de la libération de Brittney Griner: pourquoi un accord a-t-il été conclu sans que l’ancien militaire Paul Whelan (toujours détenu aujourd’hui) en fasse partie?

Les conservateurs blancs estiment d’ailleurs que la sportive ne peut s’en prendre qu’à elle-même et que le prix de son retour fut beaucoup trop élevé. Un discours malheureusement peu étonnant envers une joueuse noire, ouvertement lesbienne et qui a souvent pris position dans la lutte pour l’égalité des droits LGBTQIA+. En 2020, elle avait également refusé de se lever pendant l’hymne national, en protestation contre la mort de Breonna Taylor, une femme noire tuée par la police.

Un nouveau contrat avec Phoenix

Début février dernier, la basketteuse, qui entend aujourd’hui porter la voix des prisonniers détenus à l’étranger, a posté le message «I’m back» sur Instagram, indiquant qu’elle avait signé un contrat d’un an à 165 000 dollars avec Phoenix. La barre est haute pour cette athlète de premier plan: en neuf saisons de WNBA, au Phoenix Mercury, elle a remporté un titre de championne, fut deux fois meilleure tireuse, deux fois élue joueuse défensive de l’année et huit fois membre de l’équipe All Star. Elle a également remporté deux titres olympiques et deux titres mondiaux avec le Team USA. Mais elle le dit clairement: «Je n’irai plus jouer à l’étranger, si ce n’est quand je représente mon pays aux Jeux olympiques. Si je suis sélectionnée, cela sera la seule raison pour moi de quitter le territoire américain.»

Pour Brittney Griner, son retour au jeu devrait être bénéfique sur le plan mental. Le basket a toujours été un «sanctuaire» pour l’Américaine qui a déjà souffert de problèmes de santé mentale par le passé. Lorsque la saison 2020 de WNBA s’est terminée dans une bulle fermée en Floride, elle avait expliqué avoir dû recourir à une aide psychologique. Aujourd’hui encore, elle consulte. Pour son entourage, c’est désormais sa priorité: s’assurer qu’elle continue à se sentir bien. Le fait que la joueuse ait une nouvelle vision de la vie y contribue. «Je ne considère plus rien comme acquis. La vie est si courte, tout peut changer en un clin d’œil. C’est pourquoi je veux profiter du moment présent.» Même si elle ne sera plus jamais tout à fait libre.

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