Son pire ennemi
Les Munichois se sont tellement renforcés qu’un seul club peut les battre : lui-même !
L uca Toni marque déjà en-dehors du terrain. Dès le premier entraînement, il a salué tout un chacun d’un chaleureux Grüß Gott, l’équivalent bavarois de bonjour. » Il connaît déjà deux mots de plus en allemand que Giovanni Trapattoni à son arrivée « , sourit Karl-Heinz Rummenigge, le patron sportif.
Les connaissances linguistiques de Toni se limitent toujours à ces mots mais il ne doit pas craindre de problèmes d’adaptation : le Bayern lui a adjoint un interprète et chauffeur, Michel Zebouni.
Toni est déjà populaire, aussi parce que son amie a opté pour un appartement au centre-ville mais aussi parce qu’il a du flair. Toni est une vedette sans allures de vedette. Après la première séance d’entraînement, il est le seul joueur à être resté une demi-heure à la sortie du complexe de la Säbener Strasse pour signer des autographes. Le service de presse a déjà annoncé une pause des interviewes : le club était assailli de demandes des journaux… mais aussi de magazines féminins. Le responsable de la presse a déclaré : » Laissez-lui le temps de marquer « .
Il n’y est pas encore parvenu. A la mi-juillet, lors d’un match amical contre le SC Albstadt, victime d’une blessure de surcharge, il a dû quitter le terrain et observer dix jours de repos. Le Bayern a gagné la finale de la Coupe de la Ligue contre Schalke 04 sans Toni ni sept autres vedettes. Or, Ottmar Hitzfeld attribue un rôle essentiel à l’avant italien dans son système de jeu.
Transferts records
Le Kicker a réalisé un sondage : » Qui sera champion ? » 53 % des personnes ont misé sur le Bayern. Le Werder obtient 18 % des suffrages et le VfB Stuttgart, champion en titre, 6,6 %. Pourquoi le Bayern sera-t-il champion ? Parce qu’il a la meilleure équipe, les meilleurs footballeurs, qu’il a réalisé les plus gros investissements et que ses joueurs sont extrêmement motivés, après une saison ratée, dit-on.
Aucun club allemand n’a dépensé autant que le Bayern ces derniers mois. Il a investi pas moins de 70 millions d’euros en joueurs, soit plus que les quatre autres big spenders réunis. A titre de comparaison, le Werder a déboursé 16 millions, Stuttgart 11,3 millions. Cet été, les 18 formations de Bundesliga ont investi 168 millions contre 117 il y a un an. Le précédent record date de 2001 (153 millions). La Bundesliga reste moins dépensière que la France (174,2 millions), l’Italie (221), l’Espagne (278) et l’Angleterre (491).
Le transfert le plus coûteux du Bayern est celui du médian français Franck Ribéry (25 millions). L’international Miroslav Klose, l’avant du Werder Brême, ne devait arriver que la saison prochaine, quand il serait libre, mais le Bayern et le joueur ne voulaient pas attendre. Les Bavarois ont versé 12 millions de dédommagement au Werder. Le fait que Luca Toni, pour lequel la Fiorentina a reçu 11 millions, ait préféré le Bayern à la Juventus en dit long.
Le Bayern a aussi investi 10 millions dans le jeune arrière gauche international Marcell Jansen (21 ans) et 9 pour l’Argentin José Ernesto Sosa. L’avant Jan Schlaudraff, révélation de la saison passée avec Aachen, n’a coûté que 1,2 million. Zé Roberto est revenu au club pour lequel il s’était déjà produit de 2002 à 2006 après une seule saison à Santos et Hamit Altintop était libre de transfert à Schalke 04.
On n’avait pas remplacé Ballack
Le Bayern veut se réhabiliter, après une saison catastrophique. A l’époque, les observateurs étaient pourtant unanimes : le Bayern serait à nouveau Deutscher Meister. Le manager du club, Uli Hoeness, avait été plus prudent : » Ce sera plus difficile cette fois « . Terminer dans le top trois lui aurait suffi : » Nous avons perdu plusieurs joueurs essentiels et nous avons des jeunes footballeurs qui doivent se développer « . Il ne faisait pas preuve de fausse modestie.
Selon Daniel Van Buyten, le Mondial est la cause de cette saison ratée. Les internationaux sont revenus fatigués et ils ont eu du mal à recharger leurs accus. Karl-Heinz Wild, lui, estime que ce n’est qu’une cause parmi d’autres. Lukas Podolski et Bastian Schweinsteiger ont été encensés par le public et la presse pendant le Mondial et après. Ils n’ont pas bien géré leur célébrité. L’ambiance dans le vestiaire n’était pas bonne. Toute l’équipe a été mauvaise, elle n’existait pas. Le Bayern avait sous-estimé la perte de Michael Ballack, transféré à Chelsea. Durant sa dernière saison à Munich, le meneur de jeu avait été la cible de moult critiques. On n’a remarqué son importance, sur le terrain et en-dehors, qu’à son départ. Nul n’était à même de le remplacer. Comme l’entrejeu a dérapé, la défense a été placée sous pression. Van Buyten a été brillant au premier tour mais a sombré, selon les observateurs bavarois, après quelques mauvais matches, comme le reste de la défense.
Le tournant de la saison est cette défaite 2-0, le 21 avril, sur le terrain du futur champion, le VfB Stuttgart. Hoeness a décidé de faire le grand nettoyage de printemps. Suite à ce revers, le Bayern ne pouvait plus prétendre à une qualification pour la Ligue des Champions. Quatrième à dix points des Souabes, il a été précédé de Brême et de Schalke 04. Il n’avait plus signé d’aussi mauvais résultat depuis 1995 et une sixième place. Cette année, il doit se contenter de la Coupe UEFA, la D2 des coupes d’Europe.
Le retour d’Ottmar Hitzfeld
Le Bayern n’a pas attendu la fin de la saison pour embaucher un nouvel entraîneur. A la mi-février, Hitzfeld a remplacé Felix Magath, qui lui avait succédé deux ans et demi auparavant. Le 18 mai 2004, Hitzfeld avait pourtant déclaré qu’il ne comptait plus entraîner. Double vainqueur de la Ligue des Champions, champion à huit reprises avec trois club, les Grasshoppers Zurich, le Borussia Dortmund et le Bayern, il ne supportait plus le stress inhérent à sa position. Il était las des nuits blanches et il s’était retiré dans les montagnes d’Engelberg, en Suisse. Magath a remporté deux titres et deux Coupes mais quand le moteur s’est enrayé, la saison passée, il n’est pas parvenu à le relancer. C’est alors qu’on a remarqué à quel point Magath était vieux jeu. Il n’avait qu’une devise : des séances d’entraînement extrêmement dures. Il ne s’intéressait pas aux méthodes modernes et son approche humaine laissait à désirer aussi.
En décembre 2006, d’Engerlberg, Hitzfeld a confié qu’il se verrait bien redevenir entraîneur. Il a repoussé l’offre de Dortmund et du HSV mais il n’a pas hésité une seconde quand le Bayern l’a contacté, le lendemain du limogeage de Magath.
Hitzfeld n’a jamais été un grand innovateur. L’entraîneur gentleman a toujours eu de bons contacts avec les joueurs, le public, la presse et la direction. Il est un maître es motivation. Alors que Magath ne communiquait pas avec ses footballeurs, Hitzfeld leur parle beaucoup. Surtout aux vedettes. Peu de coaches sont capables de donner à leurs meilleurs éléments pareil sentiment d’importance. Hitzfeld est donc l’homme de la situation, au milieu de cette pléiade de stars.
L’ambition est géante
L’entraîneur doit maintenant muer cette palette en équipe. Opérer des choix n’est pas aisé. Devant, Toni et Klose semblent assurés de leur place. Dans l’entrejeu, Zé Roberto et Mark van Bommel devraient porter l’équipe, épaulés de Ribéry à gauche et de Sosa à droite. Van Bommel serait l’unique survivant de la saison passée, à l’exception des défenseurs. Podolski est guéri de sa blessure mais ne sera pas titulaire. Après une saison décevante, Schweinsteiger va retrouver le flanc, sa meilleure position, mais il y est confronté à Ribéry. Lucio et Ismael semblent être les premiers choix dans l’axe défensif, à moins que Van Buyten ne se réimpose.
La Bundesliga ne décèle pas de véritable rival à cette palette de stars, même si la saison écoulée a révélé la relativité des pronostics : les connaisseurs voyaient le champion à la dixième place… Aujourd’hui, le seul club susceptible de mettre des bâtons dans les roues du Bayern est le Bayern. Mais nul ne pense sérieusement que l’équipe va être victime de querelles intestines. Le vestiaire est avide de succès, il désire prendre sa revanche. Toutes les vedettes veulent évidemment jouer mais Van Bommel a déjà expliqué que cette année, les joueurs allaient surveiller eux-mêmes le vestiaire et étouffer dans l’£uf l’ébauche de tout problème. Nul n’a envie de revivre un nouvel épisode du FC Hollywood, le surnom dont le Bayern a hérité dans les années 90, quand ses vedettes étaient plus présentes dans la presse à sensation que sur le terrain. Cependant, quand il n’obtient pas de résultats, le Bayern n’est jamais loin du FC Hollywood…
Bagage sportif
Le Bayern ne supporte pas l’échec. Il cultive la culture de la victoire et du vedettariat. Pourtant, le Bayern, fondé en 1900, ne faisait pas partie des clubs fondateurs de la Bundesliga en 1963. Il n’était pas des neuf clubs qui avaient obtenu immédiatement une licence : le FC Cologne, le Borussia Dortmund, Schalke 04, le FC Nuremberg, l’Eintracht Francfort, le Hamburger SV, le Werder Brême, Hertha BSC et le FC Sarrebruck. On leur a adjoint sept autres clubs au terme des championnats de Regionalliga : le VfB Stuttgart, Karlsruhe, le FC Kaiserslautern, l’Eintracht Braunschweig, Preussen Münster, le Meidericher SV (devenu le MSV Duisburg) et Munich 1860. Le Bayern, troisième de la Regionalliga Süd, a dû céder sa place au TSV Munich 1860, premier. Un an plus tard, le Borussia Neunkirchen barrait la route du Bayern.
Celui-ci n’a rejoint l’élite qu’en 1965. Il n’allait plus la quitter. Il a terminé troisième de la première saison. Cette année-là, son voisin, Munich 1860, a remporté le seul titre de son histoire. Un an plus tard, il devançait le Bayern pour la dernière fois. Le Bayern a remporté son premier sacre professionnel lors de sa quatrième saison. La liste des champions (voir encadré) illustre l’hégémonie du club bavarois. Il est champion une saison sur deux, en moyenne. Son poursuivant, le Werder Brême, n’a gagné que quatre championnats.
Le club possède évidemment un solide bagage sportif au sein de la direction. Le président du conseil d’administration, Franz Beckenbauer (12 titres), le manager Uli Hoeness (7) et le président Karl-Heinz Rummenigge (6) ont gagné 25 prix sur le terrain, ensemble. Ils exigent un trophée chaque saison. Cette année, l’objectif principal est le titre. Nul ne met cette ambition en doute. Brême a perdu Klose et ne s’est pas renforcé.
par geert foutré – photos : reporters
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