» Si tu es mon adversaire, je serai toujours ton meilleur ennemi «
Controversé, l’ancien joueur du RWDM et de La Gantoise retrace son parcours accidenté, les galères de la jeunesse, le foot, la violence, les sorties, la reconversion. En totale transparence. Entretien.
On ne va pas vous mentir : Daniel Camus est un ami. Un ami proche même. Si proche que l’on savait qu’une interview à coeur ouvert, nourrie des innombrables anecdotes dont sa carrière et son après-carrière furent jalonnées, pourrait se révéler intéressante. Et amusante…
Curieusement, celui que beaucoup considèrent comme un Bruxellois pur jus, est en réalité né à Auvelais, entre Namur et Charleroi. » Ma mère, originaire des Ardennes, était institutrice. Mon père venait de Falisolle. Il a d’abord travaillé dans une carrière à chaux, avant de devenir dépositaire en boissons, qu’il allait livrer dans les cafés. »
Tu as commencé quand à jouer au foot ?
Daniel Camus : A 9 ans, au grand désespoir de mon papa, qui voulait que je fasse du cyclisme. Je me débrouillais bien à la cour de récré et le père de mon voisin était entraîneur à Falisolle…
Falisolle jouait en mauve et blanc. C’est ça qui t’a donné…
… le goût de la victoire ! Je suis devenu très tôt supporter d’Anderlecht, par esprit de contradiction : dans la famille, on était supporter du Standard…
Et justement, à 13 ans, Anderlecht te transfère.
Oui, mais l’Arrêt Bosman n’existe pas encore. On fait un transfert forcé et je me fais suspendre un an. Anderlecht me place pendant ce temps en foot-études à l’athénée Jules Bordet, avec Jean-Paul Colonval. C’est là que le RWDM me repère. Je me retrouve embarqué dans cette fameuse transaction qui incluait Johan Walem contre le payement d’une facture d’électricité !
» J’alignais petits boulots et petites combines pour tenir »
Tu vis très jeune seul, à Bruxelles ?
A 15 ans j’ai été renvoyé de l’internat. Trop turbulent. Et puis, c’était un internat mixte, j’avais déjà une propension à être très… copain avec la gent féminine. J’étais en crise d’adolescence.
Tu vivais dans des quartiers difficiles, à Bruxelles. Comment faisais-tu pour subsister ?
Mes parents faisaient ce qu’ils pouvaient pour m’aider financièrement, et moi, pendant plusieurs années, j’alignais les petits boulots, notamment dans des boîtes de nuit, et les petites combines pour tenir. J’ai vécu près de la maison communale de Molenbeek, ou encore à deux pas de la place Lemmens, à Anderlecht. Il fallait apprendre à se défendre, pas le choix. C’est ce qui a forgé mon caractère. Là, on apprend que la naïveté ne sert à rien.
Tu faisais des conneries à ce moment-là ?
Forcément, quand on vit seul et qu’on n’a pas la figure paternelle au quotidien pour être aiguillé, il faut prendre des décisions. Dont des mauvaises. On flirte avec le blanc et le noir… Comme tous mes copains de l’époque, on a fait des conneries. Mais le foot m’a aidé à rester droit le plus possible. Sans ça, j’aurais sûrement mal tourné. Ou encore plus mal en tout cas (rires).
Tu as mis du temps à t’imposer en D1, à quoi l’attribues-tu ?
Les études universitaires, les copains, la nuit, le foot. Je voulais tout faire et je ne faisais rien de bien. En plus, à l’époque, il fallait vraiment être très fort pour percer en D1. Bruges, Malines et Anderlecht pesaient encore sur le foot européen…
Tes premières minutes en D1, tu t’en souviens ?
Oui, c’était avec Hugo Broos contre Germinal Ekeren. J’avais joué avec la réserve la veille et on était sorti entre potes jusqu’aux aurores. A 9 h, le téléphone fixe sonne et l’adjoint de Broos, Freddy Smets, m’annonce que la voiture emmenant Gijbels, Nassen, Vandersmissen et Jacobs a eu un accident. Et qu’il fallait que je prenne le bus avec l’équipe. Je dormais dans le car, et même sur le banc. Mais après quelques minutes, le stoppeur, Emil Lorïncz se blesse. Je monte. Je n’ai jamais eu besoin de beaucoup d’heures de sommeil, et l’adrénaline a toujours suffisamment afflué dans les moments importants. Je fais un tout gros match.
» Vandereycken m’adorait. J’étais son type de joueur »
Tu mets quelques saisons à prendre ton envol. D’abord avec Freddy Smets, puis surtout avec René Vandereycken…
Oui, il m’adorait, j’étais son type de joueur. Mais il était très dur avec moi. Avec le recul, je sais qu’il le faisait pour mon bien. A ce moment-là, vu d’où je venais, j’étais parano, j’en voulais à la terre entière. Pourtant, quand j’ai été condamné pour une bagarre avec des supporters du Standard, Vandereycken a été le premier à me soutenir. Il a appelé mes parents pour leur assurer que j’étais un bon gars. Et il a continué à me faire jouer.
Cette fameuse bagarre avait eu lieu quelques années plus tôt. Quand as-tu arrêté d’être un hooligan d’Anderlecht ?
J’ai eu une chance extraordinaire dans la vie, c’est de rencontrer Maria Del Rio. C’était ma petite copine, elle m’a influencé positivement, notamment pour mes études. Avec sa famille, et mes parents, elle m’a remis sur le droit chemin.
Cette année-là, en 1996, Vandereycken te maintient sa confiance et le RWDM devient européen, contre toute attente !
Et je suis considéré comme l’une des jeunes révélations de l’année. L’année d’après, on me propose Lille, Seraing, mais je signe finalement à La Gantoise pour rejoindre Johan Boskamp, que j’avais suivi à travers le monde dans ses stages de jeunes. Il me dit qu’il veut faire de moi le milieu défensif du football belge. Mais pas de chance, je me déchire les ligaments du genou dès le premier entraînement ! En duel avec Frank Dauwen, mon principal concurrent.
Tu es sur le flanc pour plusieurs mois. Et Boskamp te rend la vie impossible…
On m’opère quatre fois, avec des rechutes perpétuelles. Boskamp me déteste à ce moment-là, parce que j’étais son transfert. Il me dit que je suis le plus grand connard au monde, il me tire par les cheveux en stage, il ne me donne aucun jour de congé. Je dois venir à la rééducation sept jours par semaine. Et je dois être le premier et le dernier au club, sous peine d’amende. A la Boskamp quoi. Cela dit, en y réfléchissant, j’avais besoin de gens comme lui. Sauf que sur le moment même, il n’était à mes yeux qu’un gros…
Tu as failli laisser ta carrière dans ces opérations. Mais ça aurait pu être pire encore quand tu reprends la compétition…
J’ai 26 ans, et après quatre opérations, je finis par émerger. Deux semaines après, un lundi, je recommence à trottiner. Le jeudi, je tâte tout doucement le ballon. Et Boskamp m’annonce que je dois jouer une demi-heure avec la réserve le vendredi ! Il me dit que je ne fous rien depuis six mois et qu’il est temps que je justifie mon transfert.
» Boskamp m’a interdit de prendre des vacances »
Et ce n’était pas fini
La rage et la faim de foot me donnent la force de performer en réserve et Boskamp, qui n’avait pas fini de me traiter à la dure, me reprend directement le lendemain avec le noyau A. Je suis une loque humaine, pourtant. A Sclessin, je monte après 10 minutes, au marquage sur Marc Wilmots. A la 81e minute, j’ai une crampe dans le rectangle, je rate un dégagement et Wilmots égalise à 3-3. Dans le vestiaire, Boskamp m’insulte de tous les noms et me dit que je dois rentrer à pied à Gand ! Chaque fois que je veux me défendre, il me colle une amende. Puis il m’oblige, jusqu’à la fin de saison, à venir au stade à 7 h 30 du matin, tout en m’interdisant de partir en vacances. Pas de trêve pour moi… Mais ça m’a été bénéfique pour la suite.
Comment te considéraient tes coéquipiers, en général ?
Un peu comme aujourd’hui, soit on m’adorait, soit on me détestait. Tu me rentrais dedans, je te rentrais deux fois plus dedans. Il n’était pas rare qu’on se batte entre coéquipiers. Cette rage-là manque parfois aujourd’hui à des joueurs probablement plus talentueux. Un gars comme Stijn Vreven rentrait dans tout ce qui bougeait. Un jour, ça a mal tourné. Boskamp a fait un cercle au milieu du terrain pour qu’on puisse en découdre, lui et moi. Normalement, on aurait dû comprendre le message et s’excuser. Mais on s’est battu dans le cercle.
On t’a toujours considéré comme un joueur dur. Est-ce que cette réputation était justifiée ?
J’allais à fond pour mon équipe, mes couleurs, mon entraîneur. Mes cicatrices peuvent le prouver. J’ai été élevé comme ça et je suis toujours comme ça. Je partais du principe qu’un stade était une arène. Sans mon physique, mon engagement, il me restait quoi ? Clairement, j’ai été un soldat pour beaucoup d’entraîneurs et de joueurs. A Gand, je jouais derrière Marc Degryse, je faisais le nettoyage, parce que quand il avait le ballon, il faisait tout ce que je ne savais pas faire. Le foot belge de l’époque était un foot de guerriers.
C’est pour ça qu’un entraîneur comme Vandereycken te convenait bien ?
Il avait cette mentalité. Il me demandait souvent de mettre doublement le pied contre des joueurs faibles psychologiquement. Ou de défendre mes coéquipiers qui prenaient des coups. Je me rappelle, au début de ma carrière, Jerko Tipuric me balance dans les tribunes pendant un match contre le Cercle. Dirk De Vriese arrive et lui dit gentiment que s’il recommence, il lui cassera les deux jambes. Je me suis inspiré de gens comme ça. De Vriese, c’était mon mentor à Molenbeek. Au niveau des sorties par exemple : tous les lundis soirs on allait au Lord, on rentrait à 8 h du matin et on s’entraînait à 9 h. Mais ces gars-là, c’était les premiers au bois. Alors que moi, je me retrouvais à vomir dans les buissons. Je dormais dans le coffre de mon Opel Kadett entre les deux entraînements…
» Je restais un ket de Bruxelles, un rebelle »
Revenons à Gand. Ça commence à tourner pour toi, tu t’imposes. Et Trond Sollied arrive… Toi qui avais connu Vandereycken, super à cheval sur l’hygiène de vie, ça a dû te désarçonner, non ?
Un soir, en stage au Maroc, Sollied nous donne l’autorisation de sortir jusque 2 h. Mais moi, mon problème, et les Foguenne, Degryse ou Herpoel en avaient fait l’expérience l’année précédente, c’était qu’une fois lancé, je n’arrivais jamais à rentrer. Ce soir-là, on est en bonne compagnie avec quelques coéquipiers et, vers 3 h 30, je sens quelqu’un me taper sur l’épaule. Je me retourne, je me mets à suer : c’était Sollied. Là, il me dit qu’il accepte mes excuses… à condition que je lui paye une Guinness. On est resté jusqu’aux petites heures. Mais le matin à l’entraînement, il nous a déchiré la tête.
Ça se passe bien avec Sollied, mais tu te blesses gravement. Et très bêtement !
Je restais malgré tout un ket de la capitale, un rebelle. Après un match contre Westerlo, j’ai joué le Tournoi Zaïrois à Bruxelles, avec des copains. Et je me suis déchiré les ligaments internes du genou. Le lundi, j’ai dû inventer que j’étais tombé dans les escaliers en descendant la poubelle. C’est devenu plus compliqué pour moi.
En 1999, tu rejoins le KV Malines de ton ancien coéquipier Gunter Jacob. Mais tu appartiens toujours à Gand.
Oui, et en fin de saison, Sollied part à Bruges. Il essaye de me faire venir avec lui, mais le président de La Gantoise, Ivan De Witte, fait tout pour l’en empêcher. C’est mon premier transfert avorté vers un grand club.
La saison suivante, toujours à Malines, tu retrouves une autre forte tête du foot belge, en la personne d’Aad de Mos.
Oui, Lei Clijsters devient entraîneur et de Mos devient directeur sportif. Il veut directement marquer son autorité dans le club et me place dans le noyau B, parce que j’avais voulu partir à Bruges. Il me laisse finalement tenter ma chance à l’étranger. Et je pars en test à Millwall.
Le contraste est fort, entre la Belgique et l’Angleterre ?
Comment te dire… La première fois que je pars en bus avec Millwall, en Cup, les gars s’arrêtent dans une station-service et mangent des frites, des hamburgers, etc. Dans les vestiaires, je suis le seul à être prêt 45 minutes avant le match, et je m’échauffe seul sur un terrain aussi long que large ! Par contre, deux minutes avant le début du match, les mecs commencent à s’exciter, à taper leur tête contre les armoires. Il y a du sang dans les yeux de tout le monde, et des litres d’adrénaline partout.
» Dan The Butcher has arrived »
Comment se passe ce premier match ?
Après trois minutes, un ancien me donne un coup de coude et me casse deux dents. Un peu d’eau, de l’ouate, je remonte sur le terrain. Quelques minutes plus tard, je prends un coup de tête sur corner, et je perds deux autres dents. Même traitement. Et ça continue, nouveau corner, et on m’ouvre le crâne sur quelques centimètres. Quand le kiné m’agrafe le cuir chevelu, je me dis que ma vie est terminée et que, surtout, ils vont me retirer du terrain. On ne jouait même pas depuis 30 minutes ! C’est là que l’entraîneur Mark McGhee vient me trouver et me dit : » Si tu veux jouer au foot comme une pussy, tu retournes dans ton pays. Sinon, tu remontes et tu prouves qu’on ne t’a pas fait venir pour rien. »
Ça te galvanise et… tu blesses ton » agresseur « .
Je le tacle durement, c’est vrai. Quand je me relève, je me dis que, comme en Belgique, on va m’insulter et me jeter une bière à la tête. Mais en fait, je vois 2000 supporters de Millwall qui crient comme des dingues, comme si j’avais marqué de 30 mètres et fait trois petits ponts. Alors que j’avais juste cassé la cheville d’un joueur. La semaine suivante, je vois un calicot dans les tribunes : » Dan the Butcher has arrived « . Ce surnom m’est resté, notamment au poker en ligne. Je serais sûrement resté à Millwall si de Mos n’avait pas réclamé une somme indécente pour moi.
C’est également quand tu jouais à Malines que tu as raté ton deuxième gros transfert. Après avoir loupé Bruges, tu as dû dire adieu à ton rêve d’évoluer à Anderlecht…
Oui, à Malines, Vercauteren et Anthuenis étaient venus me visionner. Mon manager, Jacques Lichtenstein, a négocié, tout était ok avec Anderlecht. Et je suis parti en vacances en me disant que je serais mauve au retour. Mais quand je suis revenu, Anderlecht avait choisi de prendre Besnik Hasi et Yves Vanderhaege, alors qu’à l’origine, le Sporting était censé n’enrôler que l’un ou l’autre, avec moi en back-up. J’étais dévasté.
Dans la foulée, Charleroi te propose un contrat, mais de Mos fait à nouveau de l’obstruction. Et ça se passe vraiment mal…
Je vais le trouver, je retourne son bureau, et je me bats avec lui. Je l’attends même à la sortie du stade, pour terminer l’histoire. Mais il me laisse finalement partir à Charleroi, où le club est en grandes difficultés : cette année-là, c’est Enzo Scifo qui me paye de sa poche !
Tu gagnes quoi à ce moment-là ?
Environ 5000 euros. Ce qui aurait dû être doublé par Abbas Bayat, mais il n’a jamais tenu ses promesses. Il a déclaré dans la presse que je réclamais le salaire d’un ingénieur. J’ai répondu qu’il n’avait qu’à mettre un ingénieur au milieu défensif, pour voir !
» Dans plein de plans avec Djorkaeff, Micoud, Ballack »
En 2002, tu vas connaître ta deuxième et dernière expérience à l’étranger, alors que tu n’étais pas spécialement chaud pour le faire.
Le SV Waldhof Mannheim jouait en D2 allemande. Franchement, ce n’était pas la destination la plus sexy du monde. Par respect, je suis quand même allé sur place. Et j’ai découvert un stade de 45000 places, des installations médicales inimaginables en Belgique, etc. Mais on ne me proposait rien d’exceptionnel, entre 8 à 10000 euros par moi. Avec Jacques Lichtenstein, on s’est concerté pour rentrer vite en Belgique. On a demandé le double, au bluff. A notre grande surprise, ils ont accepté. Et même plus encore. A condition que je signe le jour même.
Et là, tu apprends la vie, au niveau physique…
On part directement dans la Forêt-Noire pour 11 jours. On ne fait que tirer des troncs d’arbres. Comme dans les films. Je perds 7 kilos. Il me reste que 6 % de graisse, on me dit que je dois manger des chips, sinon je vais mourir (rires). Là-bas, pour avoir les primes, il faut être dans les onze. Autant dire que c’est une vraie boucherie à l’entraînement. Mais ça marche, je joue. Bien même. Sauf que je suis en plein divorce, je me sens morose.
C’est là que tu te mets à sortir en boîte avec des gars comme Djorkaeff, Micoud, Ballack…
Je connais beaucoup de nanas, donc je me retrouve dans plein de plans avec eux. On sort après nos matches respectifs. Comme quand je sortais avec Ginola et d’autres joueurs francophones en Angleterre. Là, tu te rends compte de ce qu’est la vraie starification. A Mannheim, je rencontre aussi Heidi Klum, qui loge dans le même hôtel que moi. Ça ne m’aide pas à filer droit, j’ai encore plus envie de bouger, de voir des gens.
Pourquoi tu n’es pas resté là-bas ?
Ce bon vieux Johan Boskamp, qui entraînait dans les Emirats, m’appelle. Entre-temps, je m’étais remis avec ma femme. J’aimais l’idée d’un nouveau départ, d’autant que sur place, un gars comme Frank Leboeuf me répétait que c’était une vie de rêve. Forcément, le manager de Mannheim ne prend pas très bien mon envie d’aller jouer au soleil, et il réclame un paquet d’argent pour mon transfert. Je reste, à contrecoeur ! Mais le club s’enfonce dans les difficultés financières. Là, venus de nulle part, Robert Waseige et Michel Preud’homme me contactent pour que je rejoigne le Standard !
» Ye m’appelait à 3 heures du matin »
Tu aurais pu t’imaginer jouer avec le maillot de l’ennemi ?
Evidemment ! Même si ce n’était pas mon club de coeur, ça restait un grand du football belge. Et je me disais qu’avec mon tempérament, ça aurait pu marcher. J’avais raté Bruges et Anderlecht, je ne voulais pas louper ce transfert-là. Je signe avec les Rouches, je passe les tests médicaux, mais deux jours plus tard, Preud’homme m’appelle pour me dire que les supporters s’étaient massivement opposés à mon transfert, qu’ils menaçaient de perturber les entraînements, etc. !
Ce qui, vu le très sérieux problème que tu avais eu avec les supporters du Standard par le passé, était plutôt compréhensible, non ?
Mais j’avais 19 ans à l’époque de cette fameuse bagarre ! J’étais soudé aux potes du quartier, et jamais le dernier à les défendre, c’est vrai. J’ai essayé de convaincre Preud’homme qu’il suffisait que j’aille voir les plus durs des supporters rouches, qu’on discute, quitte à se rentrer dedans une bonne fois pour toutes. Et qu’ils finiraient par me respecter pour ça, surtout parce que j’aurais été à la guerre pour eux. Mais Preud’homme n’a pas pris le risque. Et je reprends finalement avec La Louvière, entraîné par Ariel Jacobs.
Ça commence à devenir compliqué, après une bonne première saison avec Jacobs. Albert Cartier débarque en 2004. Et il ne t’a pas à la bonne.
Cartier avait emmené une kyrielle de Français avec lui. Même quand je revenais bien, il m’écartait. Naturellement, ça a pété entre nous, je me suis répandu dans la presse, etc. Et j’ai fini par signer en D2, à Renaix.
Où tu fais la connaissance d’un certain Zhéyun Ye…
Oui. Le manager du club me l’avait présenté comme le nouvel homme fort de Renaix. A un moment, je l’avais tous les jours au téléphone. Il m’appelait la nuit, à 3 h du matin, pour me dire » équipe gagner, équipe gagner « . Au début, je me suis dit qu’il était motivé pour son équipe. Après, ça a commencé à me stresser. Il m’appelait sept fois de suite pour s’assurer qu’on allait gagner…
Le Chinois t’a demandé de perdre ?
Non, il m’a toujours demandé de gagner, mais avec le recul, j’ai compris pourquoi on m’avait bizarrement sorti de l’équipe à certains moments. Lui, il jouait pour perdre. Il s’était dit : » Je vais prendre ce clochard à La Louvière, il n’avance plus. » Plus tard, quand la BSR m’a interrogé sur cette affaire, ils ont vite reconstitué le puzzle en voyant les matches que j’avais joués et ceux où j’avais été écarté.
» J’ai toujours donné le meilleur de moi-même »
Ta carrière de footballeur se finit comment ?
Je retourne à Malines, toujours en D2. Mais entre-temps, j’avais ouvert une société d’événements. Un soir, à la mi-temps d’un match, j’emmène mon GSM aux toilettes pour prendre des nouvelles d’un événement que j’organisais en même temps, à Anvers. Quand je sors des WC, tout le monde est déjà sur le terrain. Je comprends alors que je ne peux plus continuer comme ça. Et j’arrête.
Tu étais controversé en tant que joueur. Tu l’es encore, et tu n’as pas toujours bonne réputation, même dans le milieu des affaires et de l’événementiel, où tu t’es reconverti. Comment le vis-tu ?
Un jour, Dirk De Vriese m’a dit, après mon premier mauvais article dans la presse : » Quand on parle de toi, c’est que tu intéresses les gens. En bien ou en mal, ce qui compte, c’est qu’à tes yeux, tu aies donné le meilleur de toi-même. » Cette phrase m’a toujours marqué. Quoi que j’aie fait dans ma vie, j’ai toujours donné le meilleur de moi-même. Et si tu es mon ami ou mon coéquipier, je t’ai toujours soutenu, j’ai toujours pris ta défense. Par contre, si tu es mon adversaire, je serai toujours ton meilleur ennemi.
PAR GUY VERSTRAETEN – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS
» Les études universitaires, les copains, la nuit, le foot. Je voulais tout faire et je ne faisais rien de bien. »
» Je partais du principe qu’un stade était une arène. Sans mon physique, mon engagement, il me restait quoi ? »
» En boîte, à 3 plombes du mat, un gars me tape sur l’épaule. C’est Trond Sollied. Il dit qu’il veut bien accepter mes excuses si je lui paie une Guinness… »
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