» Si je râle, c’est parce que je suis un compétiteur « 

Le plus illustre hidalgo du football belge est en état de grâce en cette fin de saison. Après avoir cartonné à Everton, le voilà qui a montré l’exemple à suivre en scorant le but d’ouverture des Diables Rouges face aux Etats-Unis à Cleveland (2-4). C’est de bon augure avant la réception de la Serbie, ce vendredi, au Stade Roi Baudouin.

Si, en raison du passage du manager d’Everton, David Moyes, à Manchester United, il était abondamment question des Red Devils (le surnom des gars d’Old Trafford) lors de notre visite à Finch Farm, le centre d’entraînement des Toffees, c’est pour parler d’autres Diables Rouges que nous avons rencontré Kevin Mirallas dans son cadre de travail en Angleterre. Mais avant d’aborder l’équipe nationale, nous sommes revenus sur sa première saison aux Iles.

Quel bilan tires-tu de cette campagne avec Everton ?

KevinMirallas : Malgré mon retard physique dû à une blessure, David Moyes m’a directement intégré à l’équipe. Si on fait fi de mes pépins, j’ai toujours joué. J’en suis à 6 buts en championnat, 3 en coupe et une dizaine d’assists. Au vu de mes absences sporadiques et de mon temps d’adaptation, je ne peux que me sentir satisfait de ma saison dans son ensemble.

Ta fragilité physique n’a pas toujours fait plaisir à ton manager !

Il m’a fait venir pour jouer, pas pour squatter l’infirmerie. Je n’avais jamais eu de soucis à répétition mais une saison comme ça peut arriver.

Il t’avait ouvertement critiqué dans les médias…

Ses propos ont été déformés. David Moyes m’a toujours fait confiance et j’ai directement pris conscience de mon déficit physique. Ma préparation ne fut que partielle et je débarquais du championnat grec qui demande beaucoup moins d’efforts physiques. Automatiquement, je ne suis plus totalement frais après 70-80 minutes.

Tu sens déjà une amélioration au point de vue physique ?

Il n’a pas fallu une semaine pour que je saisisse l’importance du physique en Premier League. Ni une ni deux, j’ai mis les bouchées doubles : après chaque entraînement je passe au moins une heure en salle de fitness et je continue à domicile. L’Angleterre a une culture du ballon mais sans m’endurcir je n’aurais jamais su m’imposer. Je dois encore prendre du muscle mais si ma préparation se passe bien, je serai encore plus fort l’an prochain.

 » Je reste  »

Ta tête est donc toujours à Goodison Park…

Encore et toujours ! Je me sens bien dans le club et je compte y rester au moins un an de plus même si la roue peut rapidement tourner. Tu pars deux semaines en vacances et à ton retour tu reçois une offre impossible à décliner.

Comment as-tu pris la décision de signer pour 5 ans à Everton ?

D’autres clubs s’intéressaient à moi, Arsenal en tête même si on niait toute rumeur à l’époque. La décision n’était pas simple, au point d’avoir à un moment choisi de prolonger mon bail avec l’Olympiakos. Finalement, je me suis dit : –  » Kev’, si tu ne franchis pas le cap maintenant, tu le regretteras. «  J’ai donc réfléchi et Everton m’a semblé être le club opportun. Certains auraient peaufiné leur bronzage en Grèce, moi j’ai fait le choix de la sagesse, de la maturité.

Tu comptes t’imposer dans la durée avec les Toffees ?

J’ai toujours été honnête : Everton est un palier. Je voulais m’accoutumer à la compétition anglaise avant de viser plus haut. Selon mon évolution, je prendrai la décision de jouer au niveau supérieur ou non. Mais si je continue à me sentir aussi bien chez les Toffees, pourquoi ne pas y jouer encore quelque temps ?

Avant d’opter pour l’Espagne et, plus loin encore, le Standard ?

Mes origines sont hispaniques. J’adore le fait que tous les clubs de la Liga jouent au ballon. C’est certainement le championnat le plus compétitif avec l’Angleterre. Cependant, mis à part le Real Madrid et Barcelone, aucun club n’a les moyens de déposer des millions pour un joueur. Quant au Standard, je compte y jouer en fin de carrière, pas avant. Si j’avais voulu y signer plus tôt, je l’aurais fait il y a deux ans.

Tu as réussi à t’accoutumer à Liverpool, sa pluie et ses Beatles ?

Le changement de climat n’a pas été simple. Le pays est également très différent de ce que j’ai connu en Grèce. Ma famille et moi nous sentons toutefois très bien dans le nord de l’Angleterre.

Et d’un point de vue footballistique ?

Marouane Fellaini m’a beaucoup aidé à m’intégrer dans l’équipe tout comme le coach qui m’a directement inclus dans le groupe. J’ai immédiatement commencé sur de bonnes bases et la confiance est venue d’elle-même. David Moyes a toujours compté sur moi, même si je revenais à peine de blessure. C’est toujours plus facile quand tu sais que le manager reconnaît tes qualités.

 » Plus jamais en pointe  »

Il a tout de même hésité avant de te confier un poste fixe sur l’aile droite ?

J’ai débuté derrière l’attaquant. Ensuite, j’ai été déporté sur l’aile gauche, le poste que j’occupais avec l’Olympiakos. J’ai finalement été posté à droite. Le système du coach a changé et j’ai évolué avec lui. Je convenais mieux à droite même si je ne me contente pas de mon flanc.

Dans le passé, tu as longtemps évolué en pointe…

Ma position préférée et idéale se trouve sur l’aile gauche. Cette modification est apparue en Grèce car avant, j’avais toujours pris place à l’avant-centre. En évoluant sur le côté, je fais face au jeu, je touche beaucoup de ballons. Je m’y sens à l’aise malgré un travail défensif accru. Je ne suis plus taillé pour jouer seul en pointe, je n’en ai pas la carrure.

Tu parles de tes qualités, quelles sont-elles ?

Ma vitesse, mon physique et mon sens du but sont à noter mais c’est peut-être la polyvalence qui me caractérise le mieux.

Tu l’as parfois appris à tes dépens…

La polyvalence est une arme à double tranchant. D’une part, un coach est toujours aux anges d’avoir un gars comme moi, capable de combler les absences à 3 voire 4 postes, d’autre part, je n’ai pas toujours joué à ma place de prédilection ou je n’ai tout simplement pas eu le temps d’acquérir les automatismes liés à ma position.

Dans quels secteurs du jeu possèdes-tu encore des lacunes ?

Je dois savoir répondre sur le terrain, être plus agressif, je ne dois pas hésiter à mettre le pied. Mon jeu de tête fait également défaut. Puis je dois prendre encore du volume de jeu et de la puissance physique. Devenir plus Anglais en somme.

Tu as désormais un surnom officiel dans le vestiaire et il est lié à ta nouvelle voiture dorée ?

Mes coéquipiers ont un peu plaisanté au sujet de la couleur de ma nouvelle acquisition et m’ont sympathiquement affublé du surnom de Goldfinger. Les médias en ont fait tout un fromage. Au final, je préfère qu’ils s’attaquent à ma voiture plutôt qu’à moi. Sortir jusqu’à pas d’heure et faire de l’esbroufe ne sont pas dans mes habitudes. Je suis zen, posé et je n’offre rien de croustillant aux tabloïds. Pour être franc, les Anglais sont des Bisounours si on les compare à la presse grecque.

 » Rester les pieds sur terre  »

Quels sont tes objectifs à court terme ?

En ce qui concerne la saison à venir je me suis fixé deux buts : atteindre la Ligue des Champions avec Everton et aller à la Coupe du Monde avec les Diables Rouges. Pour cela, j’ai les yeux braqués sur la Serbie.

Comment comptes-tu aborder cette rencontre ?

Sans aucune prétention. Le mot d’ordre sera : restons les pieds sur terre. On a peut-être gagné 0-3 à Belgrade, mais cette rencontre ne sera pas simple. Pour le même prix, ils nous battaient 2-0. Les Serbes sont en perte de confiance et en manque de résultats mais il faudra rester lucides et motivés à 100 %.

Justement tu ne penses pas qu’après une longue saison et à l’approche des vacances certains seront démotivés ou tout simplement sur les rotules…

Ce n’était pas vraiment dans notre état d’esprit actuel ! On aura deux semaines pour préparer le match. Le stage aux États-Unis est censé combiner plages de repos et travail, une combinaison idéale. Quant à la fatigue, on sait tous comment gérer nos jours de repos et notre forme physique pour finir la saison en trombe.

Les deux matchs de moins bonne facture face à la Macédoine ne te laissent pas perplexe ?

On était en deçà de notre niveau face aux Macédoniens mais la raison est simple : en face, ils ne jouaient pas. Heureusement on a fait le boulot.

C’est une nouveauté pour la Belgique, elle doit faire le jeu et se retrouvera peut-être face à un double mur défensif ?

Il faudra savoir se motiver et être conscient qu’on sera maître du ballon sans pour autant avoir une tonne d’occasions. Il faudra être concernés à 100 % par le match pour dynamiter leur défense. On possède des gars capables de faire sauter le verrou.

Tu en fais d’ailleurs partie…

Mon profil correspond à ce besoin mais je ne suis pas le seul.

Ce n’est pas trop frustrant de se contenter du banc ?

Bien sûr et Marc Wilmots le sait. Il communique beaucoup avec nous et tout le monde est conscient de la concurrence à certains postes. Marc aligne souvent les joueurs les plus performants du moment.

Ça n’a jamais entaché l’ambiance ?

Tout le monde veut jouer. Si je suis titularisé, c’est un autre qui n’est pas heureux et quand l’inverse se produit, je râle. C’est logique, je suis un compétiteur et je veux être aligné. Par contre, jamais nos relations ne seront altérées par la titularisation de l’un ou de l’autre.

 » Hazard, c’est mon gamin  »

Tu as créé un lien spécial avec Eden Hazard ?

Je le considère comme mon gamin. Je me suis occupé de lui lorsqu’il était au centre de formation du LOSC. Je lui rendais des visites régulières et je l’ai aidé à s’intégrer au groupe pro.

Mais ton meilleur ami chez les Diables est et reste Daniel Van Buyten ?

Big Dan est mon meilleur ami dans la vie de tous les jours. J’ai une relation très particulière avec lui. On s’étonne de nous savoir si proches mais très peu savent qui je suis réellement (voir cadre) et Daniel en fait partie. Dès qu’on sait que nos jours de repos tombent en même temps on se débrouille pour se voir. Nous partons toujours en vacances ensemble car même nos femmes sont proches.

Que feras-tu si vous ne vous qualifiez pas pour la Coupe du Monde 2014 ?

Je serai déçu. Si on ne se qualifie pas ici, on ne se qualifiera plus jamais. Tout le monde nous attend et on en décevrait beaucoup. Si on se plante, notre prochaine campagne ne sera plus marquée par la ferveur mais plutôt par l’abandon.

Tout le monde envoie déjà les Diables au Brésil. Ce n’est pas un peu présomptueux ?

Je n’entends jamais  » si  » mais toujours  » quand vous serez à la Coupe du Monde « . Personne n’imagine voir la Belgique ne pas être l’une des équipes présentes à la World Cup. Il nous faut ce tournoi pour faire encore mieux deux ans après à l’Euro français. Puis, avec l’équipe qu’on possède, il n’y a pas photo : on doit se qualifier.

Les analystes mettent principalement en avant les talents individuels mais rarement le groupe en tant que tel…

L’équipe se met en place et les automatismes se créent au fur et à mesure des rencontres. Les 23 appelés sont souvent les mêmes et doucement nous prenons nos marques et tissons des liens sur le terrain. Le temps est le seul remède pour posséder un groupe soudé. Souvent le timing est serré pour bien préparer les rencontres internationales.

Ressens-tu un manque de leadership dû à la jeunesse de l’effectif ?

Très peu de Diables sont des meneurs dans leur club car ils sont plus jeunes que leurs équipiers. Il est donc difficile de s’imposer dans notre vestiaire.

 » Il y a leaders et leaders  »

Qui est capable de le faire dans le groupe ?

Il y a deux types de leaders, ceux qui causent et ceux qui agissent. Ceux qui lient les deux sont les vrais meneurs du vestiaire. Il s’agit plus particulièrement de Vincent Kompany, Jan Vertonghen et Daniel Van Buyten, pour ne citer qu’eux. Daniel est plus discret mais s’il a quelque chose à dire, même Vincent l’écoute. D’un point de vue personnel, je ne suis pas du style à taper du poing sur la table. Je préfère montrer l’exemple en me donnant à fond sur le terrain.

Que penses-tu de l’apport de Marc Wilmots ?

À l’instar de sa période en tant que joueur, il apporte sa griffe sur le terrain. Il n’a pas son pareil pour motiver un vestiaire.

On le considère parfois uniquement comme un meneur d’hommes, laissant l’approche tactique de côté…

Au contraire, on travaille énormément l’aspect tactique. Les séances vidéo sont légion et Marc développe toujours son approche. Bien entendu, sa tactique n’est pas toujours parfaite mais José Mourinho fait aussi des erreurs de coaching.

Le sélectionneur semble avoir trouvé son avant-centre en la personne de Christian Benteke…

C’est normal au vu de la saison tonitruante qu’il réalise avec Aston Villa. Puis, on ne peut actuellement rien lui reprocher avec les Diables. Il a déjà marqué quelques buts précieux et est à la fois présent dans le rectangle et dans les duels. Romelu Lukaku ne démérite pas non plus. D’autant plus qu’il est encore plus jeune que Benteke.

Maintenant que le problème de l’attaque est réglé, il ne reste que ce souci au niveau des défenseurs latéraux…

Marc Wilmots possède des joueurs pour chaque poste.

Même aux backs ?

Pocognoli peut évoluer à gauche comme il l’a parfaitement démontré. C’est compliqué de les départager lui et Jan Vertonghen même si je préfère Jan dans l’axe. À droite, Guillaume Gillet et Toby Alderweireld n’évoluent pas à leur poste de prédilection mais font mieux que se débrouiller.

Plusieurs Diables Rouges ont débarqué en Premier League cette saison et deux noms peuvent être pris en considération pour le titre de surprise de l’année : Christian Benteke et toi. Qui mérite le plus cette appellation ?

(sans hésiter) Christian ! Si Aston Villa s’est maintenu parmi l’élite, il le doit majoritairement à son travail et à ses buts. Concernant les autres néophytes, celui qui m’a le moins surpris est peut-être Jan Vertonghen. Il était très bon à l’Ajax Amsterdam et il a poursuivi sur sa lancée à Tottenham. Avec lui, c’est tranquille ! Eden Hazard m’a agréablement surpris. Il est jeune et portait une pancarte de 40 millions sur le dos. Il a démarré en trombe avant de subir un petit contrecoup. Mais je ne m’inquiète pas, l’an prochain il sera encore meilleur.

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM, À LIVERPOOL

 » Les Anglais sont des bisounours comparés à la presse grecque.  »

 » Big Dan est mon meilleur ami. On part toujours en vacances ensemble.  »

 » Avec l’équipe qu’on a, il n’y a pas photo : on doit aller au Brésil. « 

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