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ROONEY SINGS THE BLUES

Quand on le voit comme ça, on ne dirait pas mais Wayne Rooney est un romantique : s’il est retourné à Everton, c’est parce qu’il voulait à tout prix que ses trois fils le voient jouer en bleu et blanc. Portrait d’un Backstreet Boy pas comme les autres.

Il a effectué son retour officiel à Everton samedi dernier contre Stoke City, à l’occasion de la première journée de Premier League. Son visage est plus ridé et il a moins de cheveux mais pour le reste, il est toujours le même qu’en 2004, lorsqu’il quitta les Toffees pour Manchester United. De taille moyenne, un peu à l’étroit dans son maillot bleu, les oreilles décollées. Un Backstreet Boy comme on en voit beaucoup à Liverpool, Manchester ou n’importe où. Mais Wayne Rooney n’est pas un Backstreet Boy comme les autres. Il a quinze ans de professionnalisme derrière lui et seize trophées à son palmarès. Il a disputé 460 matches de Premier League, inscrivant 198 buts. Et il compte 119 sélections (53 buts) en équipe nationale anglaise.

Pendant la moitié de sa vie, il a fait les gros titres des journaux. Quand on joue à Manchester United pendant plus de dix ans et qu’on en est le capitaine, on devient célèbre sans le vouloir et on est poursuivi par des histoires totalement, à moitie ou pas du tout vraies, pimentées de sexe ou de boisson. C’est ainsi qu’en mai dernier, des tabloïds ont écrit que Rooney avait joué plus d’un demi-million d’euros en deux heures au casino. En novembre, ils l’accusaient d’avoir maltraité un piano au cours d’un mariage auquel il s’était invité. Six mois plus tôt, sur les réseaux sociaux, il s’était immiscé dans les conversations au sujet du St. Patrick’s Day, la fête nationale irlandaise, illustrant ses publications du drapeau de la Côte d’Ivoire.

En pyjama bleu

Tout ça, c’est Wayne Mark Rooney, une attraction en soi, un cirque à lui tout seul. Petit, il voulait devenir boxeur. Aujourd’hui, à 31 ans, il est l’un des joueurs dont on parle le plus en Angleterre. Surtout depuis 2011, lorsqu’il a évoqué dans les tabloïds un transfert qui a fait trembler le monde du foot sur ses bases. La star de Manchester United voulait partir à Manchester City, l’ennemi juré. Et ce n’était pas une blague. Sacré Rooney ! Que ce soit sur le terrain ou en dehors, il fallait toujours qu’il fasse parler de lui.

A l’âge de 18 ans, après seulement deux saisons en équipe première à Everton, il avait été transféré à Manchester United. Les supporters des Toffees lui en avaient beaucoup voulu mais treize ans plus tard, tout est pardonné. C’est comme ça que ça fonctionne, un supporter. C’est opportuniste. D’autant qu’à Everton, on dit Once A Blue, Always A Blue. Rooney n’a-t-il d’ailleurs pas avoué que, même lorsqu’il était capitaine de Manchester United, il dormait dans un pyjama aux couleurs d’Everton ?

Au cours de sa conférence de presse de présentation à Everton, d’autres thèmes ont été abordés, comme le sentiment que son retour lui procure.  » Avant de prendre ma retraite, je veux que mes trois fils me voient encore jouer sous le maillot bleu « , dit-il pour justifier son transfert. S’il a tenu à ce que les négociations restent secrètes le plus longtemps possible, c’est parce que son père, Wayne senior, aurait été tellement heureux d’apprendre son retour qu’il n’aurait jamais pu tenir sa langue.  » Mon père est un vrai Evertonian. Pendant treize ans, il a effectué les déplacements à Manchester pour venir me voir jouer. Maintenant, il ne lui faudra plus que cinq minutes pour se rendre au stade.  »

Temps de partir

L’arrivée de Wayne Rooney est pourtant entourée de points d’interrogations. De quoi est-il encore capable après quinze ans de professionnalisme ? Il est vrai que, pour son retour, il a inscrit un but fabuleux en Tanzanie, contre Gor Mahia mais il faut bien dire que les défenseurs lui ont laissé beaucoup d’espace, qu’il a pu tirer à son aise et que le gardien était trop avancé.

Selon ses détracteurs, les meilleurs jours de Rooney sont derrière lui. Il y a trois ans, l’attaquant passait encore pour un excellent finisseur, capable d’inscrire entre quinze et vingt buts par saison. Mais lors du dernier exercice, ils n’a fait trembler les filets qu’à cinq reprises. Il n’a été titularisé que quinze fois en Premier League et José Mourinho ne lui a accordé qu’une minute de temps de jeu en finale de l’Europa League, contre Ajax. En Coupe de la Ligue, contre Southampton, Rooney n’a même pas joué du tout. Et son déclin semble se confirmer en équipe nationale puisque Gareth Southgate n’a plus fait appel à lui pour les derniers matches de l’Angleterre.

Rooney l’a reconnu lors de sa présentation à Everton : la dernière saison à Old Trafford a laissé des marques.  » Le plus difficile pour moi fut de soulever ces deux trophées, la Coupe de la Ligue et l’Europa League. J’avais l’impression de ne pas le mériter car je n’avais joué aucun rôle lors des finales. C’était très frustrant. Pour la première fois de ma carrière, je n’étais pas titulaire. J’étais sur le banc et ça, ce n’est pas moi. Je dois jouer. Mais en même temps, j’étais capitaine de Manchester United et je devais rester positif. Je l’ai fait jusqu’au bout, jusqu’à la fin de la saison. Mais je savais que, pour ma carrière, je devais partir.  »

Redorer son blason

Les Chinois étaient prêts à lui offrir beaucoup d’argent et une aventure inédite. En Angleterre, il y avait le défi sportif et le cadre familial. En signant à Everton, il a opté pour la deuxième solution. Rooney veut redorer son blason et mettre un terme à sa carrière internationale comme il se doit l’année prochaine à l’occasion de la Coupe du monde en Russie.  » Je sais que, pour représenter mon pays, je vais devoir livrer une bonne saison au meilleur niveau « , dit-il. La présence de Ronald Koeman l’a définitivement convaincu de signer à Everton.  » Un club qui fait venir un entraîneur pareil ne peut être qu’ambitieux. Je reviens parce que je crois qu’il est en mesure de construire une équipe capable de décrocher un trophée. Pour moi, ce serait la consécration absolue.  »

Reste à voir comment Koeman va utiliser Rooney. A Manchester, José Mourinho – et Louis van Gaal avant lui – estimait qu’il était compliqué de faire appel à lui dans un système efficace. Koeman est confronté au même problème mais, en cours de préparation, il a déclaré :  » Rooney peut avoir un rôle libre sur le flanc ou à la pointe de l’attaque. En tout cas, il doit jouer devant. Nous devons inscrire des buts.  » Davy Klaassen, transféré de l’Ajax, a immédiatement évoqué ces automatismes indéfinissables qui s’installent parfois très vite entre les bons footballeurs.

 » C’est chouette de combiner avec Wayne. Il pense très vite et m’incite sans cesse à partir en profondeur. Nous ne jouons pas ensemble depuis très longtemps mais nous nous trouvons facilement. Cela semble très naturel. On ne dirait pas du tout un mec qui vient ici pour terminer sa carrière tranquillement. Il est très affûté.  »

Toujours la flamme

Et il le faut car, suite au départ de Romelu Lukaku, transféré à Manchester United pour 85 millions d’euros, Everton doit combler un fameux trou dans une équipe qui a livré une excellente saison, terminant à la septième place en Premier League. Derrière Lukaku et ses 25 réalisations, il fallait descendre très bas dans le classement des buteurs pour trouver trace de Ross Barkley, auteur de cinq buts seulement.  » C’est beaucoup trop peu « , dit Koeman.  » Nous ne voulons pas dépendre d’un seul joueur en termes de productivité. Un club qui veut progresser doit pouvoir compter sur trois ou quatre joueurs capables d’inscrire 10 à 12 buts par saison.  »

Ce n’est pas un hasard si le manager a insisté pour obtenir le concours de joueurs comme Davy Klaassen et Wayne Rooney. La saison dernière, Klaassen a inscrit 20 buts en 50 matches officiels sous le maillot de l’Ajax.  » Un des ses points forts, c’est de surgir devant le but « , dit Koeman.  » Nous devons donc veiller à lui permettre de le faire. Pour cela, il peut jouer au milieu droit ou au milieu gauche avec un médian défensif mais aussi en dix si nous optons pour un médian offensif. Physiquement, Davy va devoir s’adapter au rythme de la Premier League et il va souffrir mais on constate qu’il a bénéficié d’une bonne formation, il est très rusé. Il a suffisamment d’armes pour compenser.  »

Et Wayne Rooney ? Que peut encore dire Koeman à son sujet ? Lui aussi, il avait 32 ans lorsqu’il a quitté Barcelone pour Feyenoord et a ainsi effectué un pas en arrière sur le plan sportif. Et ce n’est pas parce qu’on a quelques années de plus qu’on ne joue plus bien au football. L’entraîneur a regardé Rooney dans les yeux et il a vu que la flamme brûlait encore. Pour lui, c’était l’essentiel.  » Wayne ne vient pas ici pour se reposer, il a toujours une mentalité et l’ambition d’un gagneur. Il sait comment ça fonctionne au sommet, il connaît la pression et sait ce qu’il faut faire pour gagner des matches. Rien qu’avec son expérience, il va nous permettre de progresser.  »

Prolongement de l’entraîneur

De plus, Rooney est moins unidimensionnel qu’on pourrait le croire. Non seulement, il joue mais en plus, il pense.  » A un certain moment, je l’ai entendu parler avec Ademola Lookman, un jeune de 19 ans « , dit Koeman.  » Wayne lui expliquait comment mieux jouer sur le flanc. C’est ça que je veux, des joueurs qui, sans que je le leur demande, soient mon prolongement sur le terrain. Je trouve le retour de Rooney fantastique. « 

par Peter Wekking – photos Belgaimage

 » Wayne Rooney ne vient pas ici pour se reposer, il a encore l’ambition et la mentalité d’un gagneur.  » Ronald Koeman

 » Décrocher un trophée avec Everton, ce serait la consécration absolue.  » Wayne Rooney

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