
» Pendant les cours d’histoire, je jouais au foot «
Depuis le début de l’été, le Zimbabwéen Marvelous Nakamba joue en pare-chocs de la défense du Club Bruges.
Ton père était gardien de but. Tu t’en souviens ?
MARVELOUS NAKAMBA : Non. Il m’a juste montré des vidéos et des DVD. Il a remporté la coupe et il en est très fier. À la maison, on ne vivait que pour le football. J’en parlais souvent avec mon père et, tout le week-end, on regardait du foot et on pointait les joueurs qui s’étaient mis en évidence. Avec mes potes, on jouait au foot toute la journée. Il y avait de petites sommes d’argent en jeu pour les vainqueurs. Avec ça, on s’achetait des gâteaux ou des boissons fraîches.
Vous jouiez pieds nus, je suppose.
NAKAMBA : Yes. Mon rêve était de jouer le plus vite possible en Europe. On suivait la Champions League et des matches de championnat à la télévision. Peter Ndlovu est de Bulawayo aussi et le fait de le voir jouer en Angleterre nous faisait rêver. Il venait des Highlanders, un des plus grands clubs du Zimbabwe, où j’ai joué également. Jouer dans un grand club, c’était important afin d’être repéré plus facilement.
Comment ça se passait ?
NAKAMBA : Ils faisaient du scouting dans les matches interscolaires. Ceux qui étaient choisis pouvaient aller à l’entraînement, où ils devaient à nouveau faire leurs preuves. Ceux qui restaient avaient droit à des vêtements, des chaussures… Ces clubs faisaient partie du programme Grassroot Soccer et recevaient des subsides pour la formation.
Tu avais des modèles ?
NAKAMBA : Personne en particulier. Je voulais jouer au football, où que ce soit. Quand j’ai eu seize ans, on m’a donné ma chance sur l’aile, parce qu’il y avait plus d’espaces. On voulait me protéger physiquement. Plus tard, à Vitesse, on m’a testé à l’arrière gauche avec l’équipe B mais je préfère jouer dans l’axe, en 6, en 8 ou en 10. Au Zimbabwe, j’ai même été attaquant en retrait.
En test au Cercle
Le Zimbabwe a vécu sous le joug du Royaume-Uni jusqu’en 1980. Il reste des traces du passé colonial ?
NAKAMBA : Pour ce qui est de l’histoire, mieux vaut vous adresser à quelqu’un d’autre. Moi, pendant les cours, j’étais dehors. Je jouais au foot (il rit).
Nancy t’a repéré au cours d’un tournoi aux Etats-Unis. Comment un joueur du Zimbabwe s’est-il retrouvé à la Dallas Cup ?
NAKAMBA : Grâce à Grassroot Soccer (une ONG internationale qui avertit les enfants des dangers du SIDA par le biais du sport, ndlr). Pour nous, c’était formidable. Imaginez : c’était la première fois qu’on allait aux Etats-Unis, on était tous très excités. En fait, dans un premier temps, on n’y allait pas trop pour le foot mais une fois sur place, on s’est pris au jeu car il y avait des clubs anglais et européens, dont le PSG et Manchester United. Et dans les tribunes, il y avait des scouts.
Tu étais ado lorsque Nancy t’a fait venir en Europe.
NAKAMBA : J’y étais déjà venu deux fois. Avant la Dallas Cup, j’avais passé un test au Cercle Bruges grâce à l’agent de Nyoni et Gombani, qui m’avaient accueilli. Mais après quinze jours, je suis revenu et j’ai compris que je devais encore travailler.
Ton talent n’était pas en cause mais tu étais trop jeune.
NAKAMBA : C’est ce qu’on m’a dit. On m’a aussi dit que j’étais très discipliné. J’ai vécu à peu près la même chose à Nancy. J’étais jeune, je ne parlais pas français, je vivais au centre de formation, j’étais complètement isolé. Pour jouer au foot, c’est bien. Mais pour vivre… Le club m’a fait suivre des cours de langue et, après un petit temps, j’ai compris les bases (il rit). Mais un jour, il s’est mis à neiger. Au début, j’étais content mais quand il a fallu sortir, j’ai demandé aux autres comment on allait faire pour s’entraîner. Parfois, le coach, Paco Rubio, avait pitié de moi alors il m’emmenait chez lui. C’est lui qui a cru en moi et m’a forcé à ne pas laisser tomber mais je ne crois pas qu’il avait suffisamment d’importance pour m’ouvrir les portes de l’équipe première. À l’été 2014, alors que j’étais en vacances au Zimbabwe, quelqu’un est venu me trouver et m’a dit : C’est dur pour toi en France. Tu n’aimerais pas venir aux Pays-Bas ? Essaye ! «
À l’écoute des conseils
C’est la collaboration entre Chelsea et Vitesse qui t’attirait ?
NAKAMBA : Je n’étais même pas au courant de ça, je ne l’ai appris que plus tard, au moment où j’ai passé le test et où j’ai découvert les autres joueurs. J’ai d’abord accompagné l’équipe en stage en Allemagne, pendant deux semaines. À la fin, PeterBosz est venu me voir et m’a dit que mon test était positif, qu’on allait passer à l’étape suivante. Je me suis encore entraîné pendant un petit temps avec eux mais les clubs sont obligés d’offrir des contrats importants aux Africains. L’entraîneur a eu pas mal de difficultés à convaincre la direction de me donner ma chance et il m’a fallu environ un an pour percer. Le problème, à Vitesse, c’est qu’on était en concurrence avec les joueurs venus de Chelsea et qui voulaient aussi jouer.
Quel est ton objectif à long terme ?
NAKAMBA : Je regarde toujours les matches de Liga ou de Premier League. Des joueurs comme Pogba, Wanyama, Dembélé… Je regarde comment ils courent, où ils se placent, comment ils récupèrent le ballon…
Un médian défensif doit-il être grand et costaud ?
NAKAMBA : Je dois encore progresser et être plus puissant mais je suis encore jeune. Je viens du sud de l’Afrique, je ne serai jamais aussi costaud qu’un Africain d’Afrique occidentale, un Ghanéen ou un Nigérian. Les Zimbabwéens ont d’autres gènes, d’autres qualités. On doit faire plus de musculation pour avoir un corps pareil.
Tu parles beaucoup avec l’arbitre pendant le match ?
NAKAMBA : Parfois. C’est encore arrivé à Waregem. J’estimais que ma carte jaune était injuste et l’arbitre a fini par le reconnaître aussi. Je lui ai dit d’en tenir compte jusqu’à la fin du match et de ne pas m’en donner une deuxième. Il a rigolé.
On dit que tu dois chercher davantage la passe en profondeur. Tu es d’accord ?
NAKAMBA : J’écoute tous les conseils qu’on me donne. C’est peut-être la prochaine étape. Ça dépend aussi beaucoup des possibilités de passe. Je dois encore m’adapter au championnat, au club, à mes équipiers, à une défense à trois, à des flancs qui jouent haut. Je cours et j’essaye d’exécuter au mieux les idées de l’entraîneur.
PAR PETER T’KINT – PHOTO BELGAIMAGE
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