Parler non, jouer oui

Pour sauver sa saison, c’est sur le terrain que les Brugeois vont devoir assurer : en misant sur la Coupe et la quatrième place.

Sven Vermant avale une grande gorgée d’eau et pèse ses mots :  » On peut dire que l’ambiance est bonne. Nous nous sommes qualifiés pour les demi-finales de la Coupe et c’est important. Mais évidemment, notre saison est mauvaise et cela va nous poursuivre jusqu’au bout. Les résultats déterminent tout mais je ne suis pas encore prêt à affirmer que nous ne disputerons pas la Coupe d’Europe. Il nous reste deux matches pour atteindre la finale, je ne vois pas d’autre issue « .

L’avion qui devait emmener le Club Bruges vers le titre n’a jamais décollé et chacun cherche une explication car les passagers s’impatientent. Qu’en dit le capitaine ?  » Je ne pense pas que mon analyse soit très importante pour le Club « , avance Vermant.  » C’est au directeur sportif et au staff technique qu’il appartient de dire ce qui n’a pas fonctionné et ce qu’il faut faire « .

Mais vous êtes le capitaine, vous avez votre mot à dire.

Sven Vermant : Nous n’avons jamais réussi à être constants, c’est ça le problème. Nous jouons bien dans les grands matches et très mal dans les autres. Difficile d’expliquer pourquoi. Question de concentration, de qualité, d’indolence ? Je ne sais pas. Il y a une question de qualités individuelles et on a aussi parlé de mentalité. Il faut pouvoir supporter la pression afin d’être au top chaque semaine. Chacun doit s’en rendre compte et faire son autocritique. Si c’est le cas, nous allons nous en sortir. Mais ne croyez pas qu’on ne fasse rien. Tout le monde a droit à une mauvaise saison mais il est indispensable de tenter d’inverser la tendance le plus vite possible. En quelque sorte, nous sommes tous à l’essai.

Tous les joueurs ne se comportent pas en professionnels ?

Mouais. Je n’aime pas parler des autres. Quand on est sous contrat, on a l’obligation de vivre en professionnel. Une carrière dure 15 ans au maximum. Il faut être ambitieux, en vouloir toujours plus.

Et vous constatez que ce n’est pas le cas de tout le monde…

Comme les résultats ne suivent pas, on se pose des questions. Si on élève le niveau des entraînements, cela se ressentira en match. Mais ce n’est pas qu’une question d’engagement. Dans de nombreuses rencontres, nous n’avons pas été suffisamment forts en possession et en conservation de ballon. Et cela se remarque aussi à l’entraînement. Si chacun ne fait pas le maximum, l’entraîneur doit réagir. Et pour cela, on peut compter sur Janevski ( il sourit).

Kevin Roelandts dit qu’il a besoin de pouvoir s’amuser et qu’Emilio Ferrera ne tolérait pas cela. Cedomir Janevski dit qu’on raconte beaucoup de choses.

Oui et j’essaye de ne pas m’occuper de tout cela. Il est déjà si difficile de se concentrer sur sa tâche.

Leader, vraiment ?

Vous êtes capitaine et vous faites partie du conseil des joueurs. Qu’on fait les éléments expérimentés pour redresser la barque ?

Nous avons montré l’exemple en espérant entraîner les autres. C’est tout ce que nous pouvions faire car on gagne et on perd ensemble.

C’est ma deuxième saison et je ne me suis jamais vraiment senti à l’aise. Ce n’est pas chouette, évidemment.

Vous avez déjà dit plusieurs fois cette saison que cela ne pouvait plus continuer mais vous n’avez jamais fait de grandes déclarations dans les médias.

Ce n’est pas mon style. Tout ce qui compte, pour moi, c’est d’atteindre un niveau acceptable tout au long de la saison. Lorsque j’ai quelque chose à dire, je le dis en face, dans le vestiaire. Et cela a de l’effet. Il y a quelques semaines, un jeune est venu me demander comment je faisais pour être bien chaque semaine. C’est un signe d’ambition.

Ce qui est bizarre c’est que, dans ces conditions difficiles, aucun joueur ne se soit érigé en leader.

Oui mais c’était très difficile. Moi, j’essaye de jouer mon match et d’être constant mais on a besoin de tout le monde.

Vous êtes, effectivement, un des joueurs les plus réguliers de la saison.

Et il est frustrant de ne pas pouvoir tirer l’équipe. Trop de footballeurs n’ont pas atteint un niveau acceptable.

De plus, il y a des clans. Difficile, dans ces conditions, de dégager un leader.

Il y a toujours des clans mais on n’en parle que lorsque les résultats sont mauvais. C’est pour cela que nous avons moins parlé aux journalistes. Le groupe avait besoin de calme avant des semaines capitales. Parce que chaque match sera désormais un match de coupe.

Philippe Clement et vous formez un duo, non ?

Je ne forme de duo avec personne. Je parle avec tout le monde et je n’ai de problème avec personne. Sans quoi je ne serais pas un bon capitaine.

Englebert, une pomme pourrie ?

Nous n’avons encore lu ou entendu nulle part que Gaëtan Englebert, qu’on qualifie de pomme pourrie, était bien accepté par le groupe.

Ce qu’on dit n’a aucun effet. La seule façon de réagir, c’est sur le terrain. Le temps n’est plus aux paroles. Nous n’avons plus rien à dire.

Vous voyez : vous n’affirmez pas non plus qu’Englebert fait partie du groupe.

Si on devait réagir à tout ce qui se dit ou ce qui s’écrit, on n’en finirait plus. Je sais que j’enfonce une porte ouverte mais je le répète : seule la vérité du terrain compte. C’est là que nous devons faire preuve d’unité. Je ne m’occupe pas de ce qu’on dit. Le groupe a pris la décision de ne pas réagir et de conserver une certaine distance car chacun doit se protéger contre soi-même. Tous les joueurs doivent prester, sans quoi on pourra en tirer des conclusions. Chacun est sur le même pied. Je fais partie du noyau et ni notre place ni notre style de jeu ne me plaisent. Il faut que cela change, et vite.

Janevski parle de peur de mal faire et même de marquer.

Je ne sais pas si c’est cela ou si nous manquons simplement de qualités. Chacun a son avis là-dessus. On n’est pas dans la tête des autres. Tout ce que l’entraîneur peut faire, c’est préparer chacun le mieux possible à ce qui l’attend mais cela dépend aussi de la réceptivité de l’intéressé. Ceci n’est pas le vrai Club Bruges. C’est une question de mentalité mais il faut aussi pouvoir combiner mentalité et bon football.

Janevski a tenté de pratiquer un jeu plus direct, plus offensif, avec plus de monde dans le rectangle adverse.

Mais cela n’a pas toujours fonctionné non plus. J’ai souvent l’impression que nous sommes trop nerveux, que nous perdons trop de ballons, que notre jeu n’est pas assez coulé. Nous avons trop de hauts et de bas. Pour pouvoir mettre la pression, il faut avoir le ballon. Tout est plus difficile parce que la saison est mauvaise. Nous pouvons difficilement faire plus mal. Tous nos espoirs reposent désormais sur la Coupe car je me vois mal disputer une saison sans Coupe d’Europe.

Si Janevski est aussi nerveux avant le match que pendant, le groupe doit le ressentir…

Lorsque j’étais plus jeune, j’avais aussi peur de commettre des erreurs. Le groupe doit pouvoir s’en sortir, montrer quelque chose. Le fait que quelqu’un soit calmement assis sur son banc ou gesticule ne doit pas avoir d’importance. Je ne sais pas s’il est nerveux parce qu’il entraîne un grand club. Je crois qu’il est tout simplement comme cela, c’est sa caractéristique. Il ne doit pas se comporter très différemment de la façon dont il se comportait avec les Espoirs. Et il a pris beaucoup d’expérience en Grèce.

Le Club peut poursuivre avec lui ou prendre un autre entraîneur, comme Bert van Marwijk ?

Ce nom circule déjà depuis un petit temps. C’est à la direction de décider.

Mais Van Marwijk vous semble un bon choix ?

Oui. J’ai entendu beaucoup de bien de lui, à Feyenoord et à Dortmund. Mais on peut citer dix noms car le Club Bruges a bonne réputation en Europe. Cedo ne serait peut-être pas un mauvais choix non plus mais ce n’est pas à moi de décider.

A la limite, il gamberge

On n’a pas beaucoup entendu Michel D’Hooghe ces derniers temps. Il y a peu, il a dit que Clement était un professionnel modèle. Ne trouvez-vous pas dommage qu’il n’ait pas dit la même chose de vous ?

(Il sourit). Je sais ce que le président pense de moi. C’est toujours bien d’être cité en exemple mais je n’en ressens pas le besoin. Ce qui compte, c’est d’être apprécié par les gens avec qui je travaille. Aucun problème, donc. Je vais avoir 34 ans et je ne suis pas venu ici pour faire parler de moi.

Vous êtes à un âge ou vous devriez profiter de votre expérience mais vous êtes en train de gamberger.

J’essaye de ne pas ramener mes problèmes à la maison mais c’est sûr que, dans une carrière, il y a toujours des bons et des mauvais moments. Il faut pouvoir relativiser pour trouver le courage de les affronter. Je pense que j’y arrive.

Et vous n’êtes pas frustré de voir que tout le monde n’y arrive pas ?

Tout le monde ne doit pas être comme moi et je ne peux pas parler pour les autres. J’essaye de transmettre cet état d’esprit, cette tranquillité mais beaucoup de choses ne tournent pas rond et je ne peux pas être partout à la fois. J’essaye de tirer le groupe, de faire comprendre que nous avons tous besoin les uns des autres car le succès individuel passe par celui de l’équipe.

Ne vous sentez-vous pas sous-estimé ? Vous êtes un des joueurs les plus réguliers cette saison mais cela ne se remarque pas.

Je me donne chaque semaine à 200 % et cela ne marche pas toujours : c’est ça qui est frustrant. Mais encore une fois : on gagne et on perd ensemble.

Si vous comparez le Club Bruges et Schalke, que dites-vous ?

Que le Club doit redevenir rapidement ce qu’il était. Lors de mon premier passage, il y avait de grands noms dans cette équipe : Verlinden, Medved, Okon, Renier, Borkelmans, Van der Elst, Staelens, Verheyen, Eijkelkamp, Van der Heyden, moi…

Seuls deux joueurs n’étaient pas Belges…

Selon moi, il y a encore du talent en Belgique mais il faut lui donner plus de crédit, c’est une nécessité. Les étrangers doivent absolument être meilleurs que les autres. Je ne veux pas dire que ce n’est pas le cas maintenant mais je peux comprendre que les gens préfèrent un Belge à un étranger qui ne fait pas vraiment la différence. Beaucoup de choses ont changé en peu de temps et le Club ne m’avait pas habitué à cela. A Schalke, j’ai connu six ou sept entraîneurs en quatre ans : c’était inimaginable !

Avez-vous connu des périodes aussi difficiles que celles que vous connaissez au Club actuellement ?

Oui. Et là aussi, on parlait beaucoup. Mais tout était beaucoup plus discret qu’ici.

Comment a-t-on résolu le problème ?

Le samedi, sur le terrain.

par raoul de groote- photos : reporters

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