» Parfois, je me sentais un peu seul au Standard »

De retour d’une pige de huit mois à l’Académie Aspire, l’ancien T1 du Standard revient pour la première fois sur sa saison à la tête des Rouches.

Après près d’un an d’exil au soleil du Qatar, loin de la pression belge, et à la découverte de nouvelles expériences, José Riga est de retour dans sa petite bourgade d’Hermalle-sous-Argenteau, aux bords de la Meuse et à l’ombre du site sidérurgique de Chertal. A cent lieues de son expérience exotique, à l’Académie Aspire  » débutée sous les grandes chaleurs. Il faisait 50-55° à notre arrivée. On quittait l’hôtel climatisé pour rentrer dans la voiture climatisée, arriver au bureau climatisé et faire ses courses dans un centre commercial climatisé. On vivait sous climatisation permanente. Pour dormir, il a fallu s’habituer à ce bruit constant de la clim’.  » En juin, tous les entraînements avaient lieu dans une bulle ultra-moderne. Pas possible de s’entraîner dehors. Trop chaud.  » En hiver, par contre, il faisait 15 à 20° minimum. Les conditions devenaient plus agréables.  »

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre expérience au Qatar ?

José Riga : J’ai découvert un pays très sûr, dans lequel les expatriés constituent la majorité de la population. Là-bas, les cultures se côtoient sans jamais se heurter. Dès qu’on met un pied sur le territoire, tout est en anglais. Il faut respecter l’heure de la prière. Mais je n’avais aucun problème avec cela. C’était moi l’étranger, hein ! Et au niveau sportif, ce qui marque avant tout, ce sont les installations et les moyens à disposition. Un dôme avec autant de possibilités de terrains, je n’avais jamais vu cela. Terrain synthétique indoor de dernière génération, piste d’athlétisme, piscine olympique, des salles de fitness, etc. Sans parler des terrains annexes extérieurs qui sont d’une qualité phénoménale.

En quoi consistait votre travail quotidien ?

On est arrivé là pour redéfinir la structure du département football, devenu un département à part, le fonctionnement (en termes de périodisation, de cycles, de nombres de séances), le contenu des entraînements. Le terrain, on le retrouvait épisodiquement mais pas tout le temps car on était surtout responsable des coaches. On essayait de leur apprendre notre méthode (NDLR : le soccer pal développé par Michel Bruyninckx, présent au Qatar avec José Riga et son fils). Mais dans un premier temps, il a fallu comprendre le contexte car ils ne nous avaient pas attendu pour bien fonctionner. Le principe était de garder ce qui était bien fait, d’innover dans certains domaines et d’apporter notre expérience.

Votre contrat prévoyait une prolongation d’un an, pourquoi ce retour ?

Quand tu pars à l’étranger, sans la famille, tu ne sais jamais comment cela va se passer. La famille a toujours été au centre de mes préoccupations. Et à un moment, j’avais le sentiment qu’il serait préférable de rentrer, notamment pour certaines choses heureuses (NDLR : sa fille se marie et son fils va devenir papa). Si j’avais eu dix ans de moins, cette expérience aurait certainement duré plus longtemps. Ceci dit, je n’aime pas trop changer pour changer. Le Qatar, c’est une opportunité qui s’est présentée. Ce n’est pas moi qui ai cherché cette opportunité. Moi, quand je suis dans un club, je vais au bout. Je reste plutôt trois, quatre ans.

Non car quelques mois après mon départ, j’avais déjà une proposition d’un club de D1. Je ne me suis jamais demandé si mon départ allait être ou pas préjudiciable pour ma carrière. L’opportunité qatarie a été surprenante. Mais le départ n’était pas précipité ! Seule l’annonce l’était. Pour le reste, il n’y a rien de précipité dans le fait d’annoncer son départ à la fin d’un championnat. Ariel Jacobs a également annoncé son départ après le dernier match. J’estime avoir été présent dans ma tâche au Standard du premier au dernier jour.

Certains ont vu cette offre du Qatar comme une échappatoire…

Ma décision de quitter le Standard est devenue évidente à partir du moment où j’ai eu cette opportunité. Fuite en Egypte, fuite en avant, fuite n’importe où, cela n’a rien à voir. Les gens sont surpris parce que quand on est au Standard, on n’a pas l’idée d’en partir. Moi si. Et je le dis sans manquer de respect au Standard. Ce qui m’intéressait était d’aller vers un enrichissement personnel, une expérience différente.

Pourtant, les Qataris vous avaient déjà sondé quelques mois auparavant…

Oui. Il y avait eu une discussion mais rien de concret ne m’avait été proposé. J’étais concentré et dans le guidon pour le Standard. Quand ils sont revenus à la charge, à la fin du championnat, j’ai pris ma décision. J’en ai discuté avec les dirigeants du Standard et on a trouvé un compromis. Ils ont compris que c’était une chance pour moi. Mais on peut dire pareil pour eux. Ils étaient peut-être contents que cela se termine…

Avez-vous trouvé facilement un accord avec Roland Duchâtelet ?

Oui. Cela s’est fait avec beaucoup de classe et de compréhension de la part du Standard.

 » Anderlecht nous mettait la raclée en trois touches. Nous, on n’avait pas la faculté de faire aussi mal en aussi peu d’occasions  »

Sentiez-vous que vous étiez encore soutenu par la direction du Standard ?

Très honnêtement, je n’ai jamais senti qu’il valait mieux que je dégage. Il n’y avait pas non plus chez moi une obligation de partir car je savais que la deuxième saison à la tête du Standard serait plus facile, étant donné l’état d’avancement du chantier, qui n’avait plus rien à voir avec ce que j’avais découvert un an auparavant.

Pourtant, on parlait d’un agacement réciproque entre les deux parties…

Evidemment, s’il y avait eu une collaboration sur une deuxième saison, on aurait dû s’asseoir autour de la table et vraiment analyser la première. En quoi elle avait été réussie et en quoi elle n’avait pas été réussie. Et là, il aurait fallu des engagements précis pour que la deuxième saison se passe mieux.

Votre bilan au Standard est contrasté : certains l’estiment réussi, d’autres pas…

Chacun peut avoir son avis. Mais j’ai disputé 60 matches avec le Standard. Le malheur fait qu’on ne retient que la dernière partie et qu’on oublie les étapes intermédiaires. On oublie aussi pourquoi il y a eu une telle fin. Mon investissement méritait meilleur résultat. Il y a eu suffisamment de belles performances pour dire que le travail avait été fait. Je regrette le match de Coupe face au Lierse. Mais des matches ratés comme celui-là, je ne peux pas en citer beaucoup d’autres. En play-offs, il nous a manqué des joueurs décisifs mais a-t-on vu une équipe qui ne voulait plus de son entraîneur ? Une équipe qui n’avait pas une idée ? Non, je ne pense pas. Souvent, on avait les opportunités pour tuer et on ne les marquait pas. Et boum, on se faisait tuer. Anderlecht, avec Mbokani et Jova, nous mettait la raclée en trois touches. Nous, on n’avait pas la faculté de faire aussi mal en aussi peu d’occasions.

Je ne peux pas avoir cette impression-là. J’assume mes choix, mon départ. Et quand je regarde le niveau individuel des joueurs, je vois que Felipe a réalisé une grosse saison, Pocognoli aussi, Goreux, Kanu, Vainqueur également. Yoni Buyens s’est développé.

A la fin de votre collaboration avec le Standard, on a parlé d’une mésentente avec Jean-François de Sart…

Vous lui avez posé la question ? Il était bien placé pour répondre. Que vous-a-t-il dit ? Il sait bien les domaines sur lesquels on était d’accord et ceux sur lesquels on n’était pas d’accord. Je pense que la collaboration humaine s’est bien passée. Mais à un moment donné, j’ai été en attente de transferts pour bien négocier les play-offs. Et ceux-ci ne sont jamais arrivés. J’avais bien dit qu’il ne fallait pas assumer un risque trop conséquent en ne prenant pas d’attaquant supplémentaire en janvier. Et là, je suis resté sur ma faim par rapport à cet apport que j’aurais vraiment désiré. Je me demande à quel point la manière dont on a bien négocié la première partie du championnat (position enviable au classement, dernier club belge engagé en Coupe d’Europe, dernier grand engagé en Coupe) n’a pas poussé certaines personnes à croire que cela allait continuer à aller avec ce noyau-là.

La direction se serait donc reposée sur ses lauriers et aurait trouvé un prétexte pour ne pas faire de transferts ?

Il faut poser la question à Jean-François. S’est-il reposé sur ses lauriers ? A-t-il vraiment cherché des renforts ? N’a-t-il pas réussi à attirer les joueurs qu’il désirait ? Je sais qu’on est parti sur certaines pistes et que celles-ci n’ont pas abouti.

Fallait-il alors se débarrasser de Nong et Leye ?

On avait prévu de faire sortir des attaquants mais également d’en faire entrer. On a respecté le premier volet, pas le deuxième. C’est tout.

Comment avez-vous ressenti le manque de soutien de votre direction quand la presse a commencé à vous imputer les départs de Leye, Nong, Berrier et Benteke ?

J’ai trouvé cela bizarre. Parfois, je me sentais un peu seul au club. Apparemment, c’était moi qui décidais de tout ! (Il sourit). Or, il y avait aussi une direction technique. Ou alors à quoi sert une direction technique, ou une direction tout court ? Les choix n’ont pas été décidés individuellement. Tout transfert sortant a été décidé collectivement.

Etait-ce une façon de vous envoyer, seul, au feu ?

Je vous laisse interpréter cela comme vous voulez…mais la réponse est dans la question. Cependant nos play-offs ne se résument pas qu’aux départs de janvier. Il y a aussi les blessures de Mémé Tchité et de Gohi Bi Cyriac qui tombent au plus mauvais moment. Sans transferts et avec ces deux joueurs, je suis certain qu’on négocie les play-offs différemment.

 » Duchâtelet a beaucoup d’idées mais il doit mettre de l’ordre dedans  »

Avec le recul, fallait-il garder Leye, Berrier et Benteke ?

Je le répète, je n’étais pas le seul à décider de ces départs. Quand je suis arrivé au Standard, on avait six attaquants (Leye, Nong, Benteke, Tchité, Cyriac et le jeune Batshuayi qui sortait d’une préparation canon) et aucun ne revendiquait une autre place que celle d’attaquant central. Il fallait faire les bons choix et je ne les ai pas faits sur un coup de tête. Il faut aussi rappeler que ceux qui ont quitté le Standard n’auraient pas admis de ne pas jouer. J’ai utilisé Benteke, avec bonheur, même à droite mais je savais qu’à terme, sa position se situerait au centre. Que fallait-il faire ? Lui dire qu’il jouerait un match et puis que ce serait Mémé, et puis Cyriac. Non. Et puis, il ne faut pas oublier qu’il avait des antécédents avec le Standard. Il ne voulait pas vraiment revenir. Il faut mettre tout cela dans la balance. Leye ? Je l’apprécie beaucoup. Il a été important dans la mise en place du projet mais, à un moment, il y avait d’autres préférences à sa place. Berrier ? Il revenait d’une grave blessure et le médical émettait un avis de réserve sur sa condition. Il s’est avéré consistant mais il n’aurait pas accepté de naviguer entre le banc et le onze. Et comme j’avais un joueur comme Nacho Gonzalez, qui disposait d’un passé plus important, il m’a paru normal, quand Franck a été moins bien, de lui donner sa chance. Mon discours a toujours été le même – Franck, tu as eu ta chance dix matches, maintenant, il est normal de voir ce que Nacho a dans le ventre. Cependant, je suis content que ces joueurs réussissent ailleurs. Je sais la correction dont j’ai fait preuve à leur égard et s’ils interprètent les choses différemment, tant pis. Avez-vous déjà entendu un joueur dire – Oui, le coach avait raison. J’étais trop court pour le Standard ?

Quand on voit comment Rednic a manoeuvré pour obtenir ses transferts, n’auriez-vous pas dû mettre plus de pression sur la direction ?

Ce n’est pas parce que je n’ai pas crié dans la presse que je n’ai pas crié ailleurs. J’ai revendiqué et je l’ai fait savoir en stage. J’avais le sentiment que c’était suffisamment évident pour être compris. Je le dis peut-être différemment et j’utilise des termes différents qui font que peut-être les gens ne s’éveillent pas mais il ne faut pas me demander de changer. Je ne crois pas que quelqu’un comme Wenger va changer son discours demain.

Quelle était la vision de Duchâtelet ?

Celle de remettre le Standard à la place qui est la sienne.

Comment compte-t-il s’y prendre ?

Il faut le lui demander. Mais quel est le club en Belgique qui a une réelle vision sur les dix années qui viennent ? Qui choisit l’entraîneur de l’équipe première en fonction de ce qui veut se faire dans tous les autres domaines (jeunes, etc.) ? On a beaucoup discuté avec monsieur Duchâtelet, sur l’aspect financier, sur le profil à donner à l’équipe, sur les joueurs mais de là à dire qu’on a discuté sur deux, trois, quatre, cinq ans, non. Il a beaucoup d’idées mais il doit mettre de l’ordre dedans.

 » Je manquais de munitions et ça m’énervait  »

Est-ce qu’entraîner le Standard fut plus compliqué que prévu ?

Non. J’estime avoir fait face jusqu’au bout et bien négocié toutes les situations compliquées. Car il y en a eu des situations ! Le rachat, les sous-entendus, les blessures…

En deuxième partie de saison, on vous sentait très nerveux et à vif…

Je suis un vrai compétiteur. Je ne supporte pas l’échec, par définition. Je cherche le détail et donc inévitablement, cette nervosité coïncidait avec des moments plus difficiles. Il fallait rendre de l’énergie à ce groupe qui avait déjà beaucoup donné en première partie de saison. Je me revois au stage de La Manga, avec beaucoup de blessés et alors qu’on doit se ressourcer, j’ai l’impression qu’on est moins bien qu’avant. De là vient ma nervosité. Je gère bien le groupe restant, notamment lors des matches à Cracovie mais je manque de munitions. Et ça m’énerve. Ceci dit, il suffit de venir me voir directement après une victoire ou une défaite pour se rendre compte que je suis différent. Je n’arrive pas à prendre les choses au second degré.

Etes-vous surpris par l’évolution d’Imoh Ezekiel que vous avez lancé ?

Il avait la volonté. C’est un guerrier, un travailleur. Il a de l’humilité. Et le profil pour emmerder beaucoup de défenses.

Où se situe votre avenir ?

J’attends un bon projet. Si possible pas à court terme.

Toujours avec Michel Bruyninckx ?

S’il y a moyen, oui. On est tellement complémentaires…

Et votre fils ?

S’il y a moyen, oui.

PAR STEPHANE VANDE VELDE

 » Les dirigeants du Standard ont compris que l’offre du Qatar était une chance pour moi. Mais peut-être étaient-ils contents aussi que cela se termine…  »

 » Mon investissement au Standard méritait meilleur résultat. « 

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