Le Starter
L’attaquant français n’a pas encore fait trembler les filets, mais sait comment affoler les défenses. Et il voit Mouscron dans le Top5.
Nous l’aurait-on changé ? Les spectateurs attentifs du Canonnier et même les plus distraits ont découvert cette saison un tout autre Mickaël Niçoise. L’ex-joueur du Brussels, qui débarquait de Turquie en janvier dernier, n’avait jamais réussi à injecter lors du second tour du sang neuf à une formation mouscronnoise trop longtemps pâlotte. Mais depuis un certain Mouscron-Mons (3-1) de la troisième journée, où le Guadeloupéen était dans tous les bons coups, sa cote est à la hausse. Et dire que du côté de la direction, on semblait s’être fait une raison à l’intersaison. Explication d’une métamorphose.
Que ce soit face à Mons ou Anderlecht, vous avez à chaque fois été un des grands bonhommes de la rencontre. Peut-on parler de déclic face aux Dragons ?
Mickaël Niçoise : Le déclic est intervenu avant ; face à Gand en match de Réserve. Ce jour-là, j’ai enfin pu montrer de quoi j’étais capable. C’était ma toute première rencontre cette saison, je n’avais jusque-là disputé aucun match amical. C’est dire si j’avais faim de compétition.
On semblait ne plus compter sur vous en début de saison. D’où ce test à Saint-Gall en août ?
Ce n’était pas à proprement parler un test puisque je n’ai disputé qu’un entraînement. J’ai été reçu par le club suisse, j’ai vu leurs installations, mais ça s’est arrêté là. Ma décision était prise avant de m’y rendre : je voulais à tout prix réussir ici.
Pourquoi ce revirement alors que vous n’étiez pas dans les bons papiers du coach ?
Je me sentais bien dans ce groupe. Je sentais une réelle ambition par rapport à l’an dernier. La quantité et la qualité étaient bien présentes. De plus, je pouvais compter sur le soutien de deux leaders : Alexandre Teklak et Mathieu Assou-Ekotto. Plusieurs fois, ils m’ont répété de ne pas lâcher. Quand vous les avez derrière vous, ça vous booste.
L’an dernier, on a souvent critiqué votre mentalité. A tort ?
Quand je suis revenu de Turquie, j’étais resté plusieurs mois sans jouer. Je manquais de rythme et je n’ai jamais pu combler ce retard. Peut-être que j’avais trop tendance à baisser les bras. Je suis nonchalant de nature, alors quand les choses vont mal, ça saute d’autant plus aux yeux.
Vous regrettez votre séjour en Turquie, à Gençlerbirligi ?
Au départ, je ne souhaitais pas m’y rendre. Mais le Brussels voulait se faire de l’argent sur mon dos ; pour une modique somme en plus. J’y suis donc allé… Au final, je ne regrette rien, même si la fin fut moins heureuse. Là aussi, je crois que ma nonchalance m’a joué des tours. Mais il y a surtout du positif : ma fille est née là-bas, j’ai gardé des liens avec plusieurs personnes. Et techniquement, j’ai progressé au contact d’excellents joueurs.
Dans un pays à une large majorité musulmane, le fait d’être très catholique a-t-il joué un rôle négatif dans votre intégration ?
Au contraire, les Turcs sont très respectueux des croyances. C’est vrai, ils avaient leurs habitudes, que je ne partageais pas. Le vendredi, par exemple, toute l’équipe allait à la mosquée. Moi, pour prier, j’allais à l’ambassade des Etats-Unis, où il y avait une église… protestante.
Quand vous partez du Brussels pour la Turquie, vous êtes déjà un peu dans le creux de la vague, non ?
Tout allait très bien jusqu’au départ d’Igor de Camargo. On s’entendait parfaitement : en dehors comme sur le terrain. Il jouait dos au but et moi je tournais autour. Je savais que si je centrais, il y aurait quelqu’un pour mettre la balle au fond. Avec Kristof Snelders, c’était tout autre. J’ai dû endosser le rôle de pivot ; ce qui ne collait pas à mes qualités.
Vous avez gardé contact avec de Camargo ?
Oui, c’est un véritable ami. D’ailleurs, je suis dégoûté qu’il ne joue pas. Je ne connais ni Milan Jovanovic ni Dieumerci Mbokani, mais je n’arrive pas à comprendre qu’un tel joueur ne soit pas titulaire indiscutable en Belgique.
» Avec le départ de Demba Ba, on perd un grand joueur ! «
Avec le départ de Demba Ba à Hoffenheim, c’est un autre de vos amis proches qui vient de vous quitter. Son transfert a-t-il été perçu durement par le groupe ?
Le groupe est assez serein pour gérer son départ. Mais effectivement, c’est une grosse perte. On perd un grand joueur !
Un grand joueur ? C’est l’amitié qui parle ?
Non, j’en suis persuadé. Demba a toutes les qualités pour s’imposer au plus haut niveau. Ce n’est pas pour rien qu’il est désormais le transfert sortant – NDLR- 3 millions d’euros – le plus cher de l’histoire de l’Excel. Les Allemands n’ont pas l’habitude de jeter l’argent par les fenêtres.
Plusieurs clubs de Bundesliga étaient cités pour Ba. N’est-il pas trop déçu de se trouver en seconde division ?
Non, il est super heureux. Il vient d’arriver dans un club extrêmement ambitieux qui possède des finances à faire pâlir plusieurs clubs du haut de tableau de la Bundesliga. Evidemment, qu’il fait une bonne affaire financière. Et ce n’est que justice quand on a connu autant de galères que lui. Contrairement à moi qui suis issu du centre de formation du PSG, où l’on ne rencontre pas les mêmes difficultés, pour Demba, c’était tout autre. Rappelez-vous qu’avant Mouscron, il était en CFA.
Des galères vous en avez aussi connues après Amiens et cette période de chômage.
Oui, évidement et je ne veux plus revivre cette situation, qui a surtout été très pénible pour ma femme. Quand je vous ai parlé de déclic face à Gand, c’était un déclic sportif. Mentalement, il s’était opéré peu après que mon frère et mon père aient lu sur le site du club que je pouvais partir. De suite, ils se sont chargés de me remettre les idées en place. J’ai directement pris conscience que j’étais en train de tout gâcher. J’allais perdre le plus beau métier du monde…
Cette prise de conscience s’est-elle traduite dans votre jeu ?
Oui. Aujourd’hui, je joue moins pour ma pomme. J’adore dribler mais je prends moins de risques qu’auparavant. Défensivement, aussi, j’ai évolué. Je n’hésite pas à prêter main forte à mes coéquipiers. Aujourd’hui, quand je termine un match, je suis fatigué. Ce n’était pas le cas auparavant, ou très rarement.
Cette année, vous n’avez pas encore réussi à aller jusqu’au terme d’une rencontre. Carles Coto, la nouvelle coqueluche, vous a suppléé à chaque fois. Ça vous irrite de vous faire voler la vedette ?
Pas du tout. Si Carles arrive à faire sauter le verrou à chaque fois qu’il monte au jeu, ça ne me pose pas de problème. J’ai encore un retard de condition à rattraper. Plus je jouerai, plus vite ça viendra.
» Jacobo devra avoir les reins solides pour m’éjecter du onze de base. «
En fin de mercato, la direction a ramené deux nouveaux joueurs espagnols dont Jacobo, décrit comme ailier gauche. De la concurrence supplémentaire ?
On est maintenant huit attaquants pour trois places. Comme on dit : plus on est de fous, plus on rit.
Vous ne prenez pas ça comme un manque de confiance du staff ?
Non, la concurrence est une bonne chose. Tant mieux pour lui s’il arrive à m’éjecter du onze de base. Mais il devra avoir les reins solides. Et de toute façon, il n’y a pas que lui : Adolph Tohoua peut également entrer en ligne de compte.
Vos dernières prestations ont été soulignées par la presse. Malgré tout, vous trouvez difficilement le chemin des filets. Quatre buts en 38 matches, ce n’est pas à proprement parler des statistiques de goleador.
C’est évident que je ne suis pas un buteur comme peuvent l’être Adnan Custovic ou Bertin Tomou. Et je ne pense pas que je le serai un jour. Mon style de jeu correspond plus à celui de quelqu’un comme Pascal Feindouno à Saint-Etienne. Je suis un starter, j’essaye de mettre le feu sur mon côté gauche. Ne pas trouver régulièrement la faille ne me pose pas trop de problèmes à partir du moment où les autres s’en chargent. Le système en 4-3-3 instauré par Marc Brys permet en tous les cas à mes qualités de s’exprimer.
» Ariel Jacobs froid ? Je n’ai jamais autant ri qu’avec lui ! «
En quoi Brys est-il différent des autres ?
Ce coach voit tout ! Dernièrement à l’entraînement, toute l’équipe devait effectuer en rang une série de pompes. Au lieu des quinze prévues, je n’en ai fait que 13. Et il le voit ! Ce type ne laisse rien au hasard et c’est une de ses grosses qualités.
Cela vous change par rapport à Ariel Jacobs, réputé pour être assez froid ?
Ariel est tout sauf renfermé. Moi, je n’ai jamais autant ri qu’avec lui ! A la mi-temps de Mouscron-Anderlecht, il est venu gentiment me provoquer car j’avais perdu la balle sur une talonnade. Déjà à l’époque, ça le rendait hors de lui quand je gaspillais des possessions, que ce soit à l’entraînement ou en matches. J’ai un profond respect pour l’homme comme pour l’entraîneur.
Votre réussite à votre arrivée dans notre championnat alors que vous êtes sans club en France, ou celle de Ba issu de CFA, ou encore celle de Coto, destiné à la D3 espagnole, toutes ces trouvailles ne prouvent-elles pas également le manque de qualité de notre championnat ?
Non, pas du tout. Si l’on veut vraiment sortir du lot, il suffit d’aller en Suisse où là c’est très faible. Mon passage éclair à Saint-Gall m’a convaincu. En Belgique, je crois que l’on est ouvert alors qu’en France ; si on a décidé que le joueur était mauvais, la décision est sans appel. D’ailleurs, je trouve la presse belge trop dure avec ses équipes. Pour preuve, les critiques après l’élimination d’Anderlecht par Fenerbahçe. Avec Lyon, en France, on est plus gentil. Ils ont été sortis par le champion turc, pas par une équipe suédoise : il faut pouvoir relativiser. Des clubs comme le Standard, Anderlecht et… Mouscron pourraient très bien lutter dans la première colonne de la Ligue 1.
Vous semblez très optimiste pour l’Excel ?
Oui. Je nous vois terminer dans le top 5. L’an dernier quand quelqu’un était blessé ou suspendu, on manquait peut-être de qualités. Cette année, on a un gros groupe, très compétitif. Et on le prouvera.
par thomas bricmont – photo: belga
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