Le business autour des footballeurs

À l’heure actuelle, les footballeurs sont devenus de véritables petites entreprises en culottes courtes. Rencontre avec ceux qui gèrent la vie sportive et extra-sportive des joueurs.

Ils sont jeunes, riches et généralement peu formés pour gérer leur succès, leur argent, les avantages et les inconvénients qui incombent à leur statut. Jamais seuls, ils sont constamment entourés de personnes qui les aident, parfois les arnaquent. Responsable communication, agent, gestionnaire de droits d’image, conciergerie de luxe. Sport/Foot Magazine part à la rencontre de ceux qui gravitent autour des joueurs et qui en vivent.

Bénédicte Duval Responsable communication Client : Marouane Fellaini

 » Mon rôle est de servir de relais entre le joueur d’une part et les demandes de la presse ou celles émanant du club d’autre part. Tout ce qui est communication vers l’extérieur du joueur passe par moi. L’objectif est que l’image du joueur soit positive et qu’elle soit correctement utilisée. A chaque demande, en concertation avec Marouane Fellaini, on réfléchit sur l’intérêt de faire telle ou telle démarche et on décide ce qu’il y a lieu de faire.

Je m’occupe évidemment aussi des réseaux sociaux. Tout ce qui est publié sur son site, son compte Facebook ou son compte Twitter est discuté et approuvé par Marouane et moi. Il n’y a pas énormément de joueurs qui ont un responsable communication personnel et c’est d’ailleurs assez étonnant. C’est pourtant abordable niveau prix pour les joueurs de premier plan. C’est comme une entreprise qui embauche un responsable communication. D’ailleurs à ce niveau, les joueurs sont en quelque sorte une entreprise à eux seuls. Mais il y en a tout de même de plus en plus qui font appel à ce type de service. Ils prennent conscience de l’importance de la communication.

Une bonne image fait partie d’une carrière. Si un joueur traîne une mauvaise réputation, ça peut jouer contre lui et forcément l’inverse est également vrai. Dans le foot de haut niveau, les joueurs sont énormément sollicités pour des choses très diverses. Et ils ne sont généralement pas formés pour faire face au déchaînement médiatique dont ils sont parfois l’objet. Il est donc intéressant pour eux d’avoir quelqu’un qui serve de tampon afin qu’ils puissent se concentrer sur l’essentiel.

Il n’y a pas vraiment de règles, de choses à faire ou à ne pas faire. Je réagis toujours en concertation avec Marouane en fonction de l’actualité. Quand la presse lance des rumeurs ou que des supporters s’en prennent à lui sur les réseaux sociaux, on laisse généralement passer un peu de temps pour que la tempête se calme avant de réagir ou non. Ça permet à tous de prendre du recul.

Je reçois parfois des demandes assez farfelues concernant Fellaini. La dernière en date n’était d’ailleurs pas mal. Pour encourager les supporters à faire des dons pour l’association caritative du club  » Everton in the Community « , on a demandé à Marouane s’il acceptait de se teindre les cheveux en gris si la somme de 25.000 £ était récoltée. C’est le genre de demande sympa qu’on accepte comme le parrainage de Cap 48 par exemple. L’image de Marouane est d’ailleurs fortement associée à ses cheveux, c’est un peu sa marque de fabrique. C’est assez sympa car ça permet de construire quelque chose de manière humoristique autour de ça. C’est un élément important de sa communication.  »

Patrick Mbaya Kapita Avocat et CEO de Target Eleven Gestion des droits d’image Clients : Marouane Fellaini, Anthony Vanden Borre, Mbo Mpenza,…

 » Depuis un peu moins de deux ans, je conseille certains sportifs sur leur image, un aspect qui paraît de prime abord s’éloigner de leur job de base mais qui en fait pourtant partie intégrante. Il s’agit de partir d’une feuille blanche et de tenter de créer du contenu. Partir, par exemple, d’un joueur de foot professionnel et en faire une personnalité dans la société civile et commerciale ainsi que dans la communauté. Par exemple, nous venons de lancer une application iPhone appelée  » Felly25  » consacrée à Marouane Fellaini. Nous continuons à la développer avec des contenus singuliers comme la possibilité de customiser des photos avec la célèbre coupe afro de Marouane.

Très peu de joueurs du championnat de Belgique font appel à ce type de service à l’heure actuelle. Il faut pouvoir avoir un contenu autre que le simple fait d’être joueur de foot et ce n’est pas forcément le fort de nos footballeurs. Si ce n’est pas tant une question de niveau que de personnalité, il est évident que jouer en Premier League anglaise permet de travailler plus sur l’image du joueur que la Jupiler League. Néanmoins, je vais bientôt annoncer une collaboration avec un joueur indonésien qui évolue en Thaïlande (NDLR : Irfan Bachdim) et qui compte près de deux millions de fans sur Facebook et près de 4 millions de followers sur Twitter. Tout est donc relatif.

L’important est de bien connaître le joueur pour pouvoir user de son image. Il ne faut pas forcément être irréprochable mais authentique et réel. Des athlètes comme David Beckham ou Zinédine Zidane sont des exemples à ce niveau : ils sont parvenus à capitaliser sur leur image. Cela dit, l’image est fragile. Il suffit de voir les millions de dollars de sponsors perdus par Tiger Woods suite à ses problèmes privés, sans compter les mois d’incertitudes sportives qui ont suivi. La gestion de l’image d’un joueur est très complexe et nécessite la connaissance d’énormément d’aspects comme le droit, le marketing ou la communication. A ce stade, une équipe pluridisciplinaire est nécessaire.  »

Kismet Eris Agent de joueurs Clients : Christian Benteke, Sinan Bolat, Sébastien Pocognoli, Ibrahima Cissé, Christian Brüls,…

 » Mon rôle est d’encadrer le joueur à tout point de vue. S’il est très jeune, il faut gérer le côté scolaire, la famille, le football,… Quand c’est un joueur qui évolue dans un grand club, il y a d’autres aspects dont il faut tenir compte : les négociations contractuelles, le logement, les éventuels transferts, les placements financiers pour que le joueur ne se retrouve pas sans rien à la fin de sa carrière, les éventuels sponsors, les relations avec le club. C’est comme s’occuper d’un enfant. Il faut tout faire pour que le joueur puisse se concentrer uniquement sur le football.

Quand on est en plein mercato avec un joueur convoité comme c’est par exemple mon cas pour le moment avec Christian Benteke, tout est plus intense. Il faut composer avec le joueur, les médias, la relation avec le club, se déplacer pour rencontrer les personnes qui se montrent intéressées. Ça prend énormément de temps, c’est plus qu’un temps-plein.

La différence entre un bon et un mauvais agent ? C’est la même chose qu’entre un bon et un mauvais chasseur ! Non, sérieusement, ça dépend de quel côté on se place. Si on est du côté de l’agent c’est celui qui considère son joueur comme un esclave et fait un maximum d’argent en peu de temps sur son dos. Pour être agent, il suffit de passer la licence. On gagne de l’argent via les commissions sur les transferts. En fonction des pays, c’est 5 à 10 % du salaire annuel du footballeur. Ça peut représenter beaucoup et certains sont juste là pour entuber les joueurs. C’est clairement un monde de requins et je dirais même que les requins sont encore plus gentils.

Si on se place du côté du joueur, c’est différent. Moi je viens de l’enseignement, j’étais prof d’anglais et de néerlandais, ma philosophie c’est de mettre le joueur au centre. Je me considère comme un gilet pare-balles et j’essaie de le protéger des choses néfastes qu’il y a dans le monde du foot et dieu sait qu’il y en a. Je pense y arriver puisque je me dispute tout le temps avec les dirigeants mais je m’entends très bien avec mes joueurs.

Si c’est possible de se passer d’un agent dans le monde du foot actuel ? Oui, certainement, mais avec quel résultat ? Tous les footballeurs rencontrent énormément d’épreuves. S’ils ne parviennent pas à les surmonter, leur carrière peut tomber à l’eau. C’est très important d’être bien entouré.  »

Santiago Alvarez BMS Belgium Conciergerie de luxe Clients : Christian Benteke, Steven Defour, Sébastien Pocognoli, Eliaquim Mangala, Mehdi Carcela, William Vainqueur, Paul-José Mpoku, Réginal Goreux, Mbaye Leye, Eiji Kawashima, Denis Odoi, Ibrahima Cissé, Birkir Bjarnason,…

 » Le but de notre métier est de faire gagner de l’argent et du temps aux joueurs sur tout le côté extra-sportif via notre carnet d’adresses et nos prestations de service. L’objectif est que le footballeur puisse se concentrer à 100 % sur ses performances.

80 % des joueurs sont jeunes et célibataires. Ils n’ont pas forcément le temps ni l’envie de s’occuper des démarches administratives auxquelles ils doivent faire face et c’est encore plus compliqué pour les nouveaux arrivants. Quand un joueur arrive de l’étranger, on s’occupe des démarches pour l’obtention des visas pour faire venir sa famille ou, à l’inverse, quand un Belge joue à l’étranger pour que sa famille puisse l’accompagner là-bas comme c’est le cas pour l’instant avec les proches de Réginal Goreux.

On s’occupe également des factures de la vie courante. C’est un service très apprécié. Toutes les factures nous arrivent et chaque mois le joueur nous fait un paiement unique et nous nous occupons de verser les sommes dues à chaque organisme. On essaie aussi de leur réduire au maximum les coûts. Les factures de Goreux avaient explosé depuis son départ en Russie. On s’est chargé de résilier ce qui devait l’être et de lui trouver les prestataires de service les plus intéressants sur place.

On peut aussi leur trouver un appartement ou même une baby-sitter. L’objectif est de leur faciliter la vie. On met du temps à construire un rapport de confiance avec les joueurs et c’est très important. On fonctionne comme un club et les sportifs sont généralement parrainés par d’autres avant de nous rejoindre, on ne travaille pas avec n’importe qui.

99 % de mes clients sont aussi des amis. On n’a pas un rapport de business. Quand j’appelle William Vainqueur, ça peut être pour simplement prendre de ses nouvelles. Pas uniquement pour parler d’argent comme un banquier pourrait le faire ou pour lui organiser ses vacances en famille à Dubaï.

En quelque sorte, on fait un peu le travail du team manager d’un club. Mais peu de clubs belges en ont et ils ont un noyau de 28 joueurs dont ils doivent s’occuper en plus d’autres préoccupations.

A côté de cela, on s’occupe également de la partie divertissement. Les joueurs sont comme des enfants : ils veulent tout, tout de suite et ils ne s’y prennent pas à l’avance. Un de nos points forts c’est la réactivité. Par exemple, si Eliaquim Mangala ou Steven Defour m’envoie un sms pour me dire qu’il sera à Liège le lendemain. Quand il arrive, il a une chambre d’hôtel réservée et une voiture de location qui l’attend. Et c’est la même chose pour des vacances, des places pour un concert sold-out ou un grand prix de Formule 1.

Niveau rémunération, on fonctionne avec un forfait tout compris qui coûte 799 €/mois. Ça peut paraître cher mais l’idée est aussi d’essayer de faire gagner de l’argent au joueur. Par exemple, Paul-José Mpoku voulait absolument acheter un certain modèle de voiture. Il m’a appelé pour avoir mon avis. Je lui ai demandé 24 h et je lui ai trouvé le même véhicule avec plus d’options pour 6.000 € moins cher. Il a économisé l’équivalent de 7 mois de forfait en une journée. Tout le monde est gagnant.

Les joueurs apprécient cela et nous font confiance. Quand Mehdi Carcela perd son gsm et est bloqué au fin fond de Moscou, il connaît mon numéro et sait qu’il peut m’appeler à toute heure de la nuit pour que je le tire de l’embarras. Bien sûr, les joueurs pourraient se passer de nous mais ils savent qu’ils en auraient peut-être pour une semaine pour régler un souci, tandis qu’avec nous, il suffit d’un coup de fil et en peu de temps tout est réglé. D’ailleurs, une des plus grandes satisfactions, c’est quand des joueurs comme Birkir Bjarnason ou Sébastien Pocognoli continuent à faire appel à BMS Belgium alors qu’ils sont partis à l’étranger. « 

PAR JULES MONNIER

 » La coupe de Fellaini est un élément important de sa communication.  » Bénédicte Duval, responsable communication

 » Les joueurs sont comme des enfants : ils veulent tout, tout de suite.  » Santiago Alvarez, conciergerie de luxe

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire