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 » La marque de Charleroi, c’est l’organisation défensive »

Le dernier rempart des Zèbres plonge les mains dans le cambouis pour y découvrir les raisons d’une année 2018 aux airs de mauvaise cuvée.

Charleroi avait presque fini par oublier comment se passer de lui. Tout au long d’une année 2017 pourtant bien remplie, Nicolas Penneteau n’avait abandonné sa cage qu’à une seule reprise, pour offrir un peu de temps de jeu à Parfait Mandanda au bout des play-offs 1. En 2018, alors que le calendrier s’apprête à entamer un sprint final effréné, le Corse a déjà loupé douze matches. Beaucoup trop à son goût, mais insuffisant pour le priver d’un regard lucide sur la difficile année traversée par les siens.

Qu’est-ce qui a changé à Charleroi, quand l’année 2018 a commencé ?

NICOLAS PENNETEAU : Il faut distinguer deux phases. La première partie de l’année, d’abord. Il y a eu les vacances, des départs, et tout ça a peut-être créé une petite cassure dans la dynamique, même si on a gagné notre premier match de championnat contre Mouscron. Malheureusement, quand vous commencez à perdre des matches, le manque de confiance s’installe. Sur la première partie de saison dernière, je ne dis pas qu’on était en surrégime, mais on était dans une très bonne phase, avec de la confiance et des joueurs performants. Par la suite, on a eu cette série négative qui a duré assez longtemps. Et le pire dans notre métier, c’est le manque de confiance. On a essayé de s’accrocher comme on pouvait, on a un peu relevé la tête pendant les play-offs.

Charleroi ne peut pas se permettre d’être à 90 % sur un match, parce qu’on n’a pas la qualité supérieure qui permet de gagner sur un éclair de génie.  » – Nicolas Penneteau

Ensuite, c’est une autre saison qui s’est préparée. Avec des arrivées et des départs. Certains départs un peu tardifs, notamment celui de Kaveh ( Rezaei, ndlr). Il faut parvenir à recréer une harmonie. Mais ces deux moments sont vraiment bien distincts.

 » Kaveh portait l’équipe à lui tout seul  »

Le départ de Kaveh, c’est un moment charnière ?

PENNETEAU : C’était le joueur qui portait l’équipe à lui tout seul. Il donnait une dynamique positive, c’était un harceleur qui donnait tout pour l’équipe, que ce soit dans ses appels ou pour défendre. C’est un joueur extraordinaire pour un groupe. En le perdant, on a tout de suite eu peur, parce qu’on savait ce qu’on perdait. Maintenant, on a réussi à recruter d’autres joueurs, et il faut que tout se mette en place, que ça prenne.

Pour la première fois depuis longtemps, on a eu l’impression que quelque chose n’était pas planifié dans la stratégie sportive du club. Ce doute après le départ de Kaveh, il a envahi le vestiaire ?

PENNETEAU : On a un peu douté, parce qu’on perd notre plus gros joueur. On sortait de matches difficiles, on était dans le creux en termes de résultats, et le départ de votre meilleur attaquant vous tombe dessus. On s’est dit qu’il ne fallait pas se louper sur la fin de mercato, sinon on allait être en difficulté toute la saison. Et ce n’est pas parce qu’on a réussi à faire des transferts en fin de mercato qu’on ne sera pas en difficulté. On n’est pas très loin de perdre des matches facilement, et c’est très dur d’en gagner.

C’est ce que tu veux dire quand tu affirmes que Charleroi n’a pas de marge ?

PENNETEAU : Il faut qu’on comprenne tous que Charleroi ne peut pas se permettre d’être à 90 % sur un match, parce qu’on n’a pas la qualité supérieure qui permet parfois de gagner sur un éclair de génie. Cette marge de manoeuvre, on ne l’a pas. Le match du Cercle l’a montré : quand on est vraiment un ton en-dessous, on peut jouer le maintien. Par contre, quand on est à 100 %, on peut battre n’importe qui.

 » On est un peu comme l’Atlético  »

Tu trouves un dénominateur commun aux grands moments que tu as vécus à Charleroi ?

PENNETEAU : Je pense que les grands moments de Charleroi, c’est quand les joueurs se sont mis au service du collectif. On sait que, quoi qu’il arrive, un joueur sera toujours mis en avant grâce à un but ou une passe décisive. Mais avant ça, il faut donner énormément pour l’équipe. La marque de Charleroi, ça a toujours été l’organisation défensive, et il faut que ce soit encore le cas. C’est peut-être un peu dur de dire ça, mais on n’a pas le talent individuel suffisant pour jouer des un-contre-un partout. On a une organisation qui nous permet de rattraper des coups, parce qu’on est bien compact, qu’on fait des choses ensemble. Se dire qu’un joueur offensif a un peu moins de repli à faire, on ne peut pas se le permettre. On n’est pas une équipe comme ça. Et pour les joueurs qui sont arrivés, il y a forcément une phase d’adaptation.

Le coach n’aime pas quand la presse écrit que Charleroi est une équipe défensive…

PENNETEAU : Faire les efforts défensifs, c’est dans l’ADN du club. Certains clubs ont des ADN différents, nous on a celui-là. Pour prendre un exemple, on est un peu comme l’Atlético. Ils ont cette particularité d’équipe qui sait très bien s’organiser, très bien défendre en mettant beaucoup de monde dans la phase défensive. Nous, on est dans ce truc-là. L’ADN de Charleroi, c’est ça, et il faut que les joueurs s’adaptent à l’ADN du club, et surtout à ce que veut mettre en place le coach.

C’est difficile pour un groupe de vivre avec une étiquette d’équipe défensive ?

PENNETEAU : Moi, je ne fais pas trop attention à l’étiquette défensive, parce que je pense que pour être performant au haut niveau, il faut que tous les joueurs défendent. Je regarde beaucoup de matches, et même dans des clubs comme le Real Madrid, pour gagner la Ligue des Champions ils ont été très forts dans l’aspect défensif : faire les courses, défendre ensemble… Je pense qu’il faut copier ces choses-là. Notre coach n’est pas fou, il sait très bien que ça passe par là pour essayer d’atteindre le haut niveau. Il faut faire les courses défensives, puis être encore plus fort quand on a le ballon, et savoir l’utiliser quand on a un bloc adverse qui est déjà en place.

Penneteau :
Penneteau :  » Les grands moments de Charleroi, c’est quand les joueurs se sont mis au service du collectif. « © belgaimage

 » Les envies individuelles ne doivent pas empiéter sur les ambitions collectives  »

Là, on touche sans doute à la plus grande difficulté de Charleroi…

PENNETEAU : Les attaques rapides, c’est le plus facile pour toutes les équipes. On l’a encore vu à la Coupe du monde. Les attaques placées, ce sont les choses les plus compliquées. C’est là qu’on doit avoir un peu plus de maîtrise, de justesse technique, de concentration pour ne pas perdre les ballons dans des zones qui nous feraient mal. Perdre un ballon anodin au milieu de terrain, c’est là qu’il faut qu’on progresse. On doit sentir le danger quand on a le ballon. C’est quelque chose qu’il faut apprendre.

Et c’est un apprentissage qui prend longtemps ?

PENNETEAU : Ça dépend des joueurs, des clubs… Mais ce sont des choses intéressantes à apprendre. C’est l’exigence du haut niveau.

La culture défensive du club est un obstacle au fait que cet apprentissage aille plus vite ?

PENNETEAU : Non, je ne pense pas. C’est peut-être un obstacle qu’on se crée dans nos têtes. Ce n’est pas parce qu’on va faire une course défensive que derrière, il faut jouer petits bras et ne pas prendre de risque. Je pense qu’on peut faire les deux, mais il faut énormément de concentration, d’exigence envers soi-même, et de pensée collective.

C’est si difficile que ça, d’arriver à penser collectivement ?

PENNETEAU : On individualise beaucoup les résultats, en mettant les buteurs ou les passeurs en exergue, mais ça, c’est l’aboutissement. Et c’est ça qu’il faut comprendre : l’aboutissement arrivera après le travail collectif. Et à un moment donné, vous aurez un joueur qui aura ce plus. Et tant mieux, parce qu’il en faut ! Si c’est l’attaquant qui marque parce qu’il est en bout de chaîne, c’est bien. Mais si c’est le défenseur qui marque sur un coup de pied arrêté, et que l’attaquant s’est battu tout le match pour créer ces coups de pied arrêtés, c’est bien aussi. C’est aussi ce côté-là que nous, à Charleroi, on doit arriver à apprendre : les envies individuelles ne doivent pas empiéter sur les ambitions collectives. On peut avoir comme objectif de mettre autant de buts, mais toujours dans l’esprit collectif.

 » On s’entend très bien. Parfois peut-être trop bien  »

Certains joueurs ont le réflexe de se dire : l’équipe ne tourne pas, donc je vais tenter de forcer les choses individuellement ?

PENNETEAU : Oui, ou bien j’essaie de me mettre en avant… Mais de toute façon, on a une différence avec des équipes du top comme Bruges, Anderlecht, le Standard. Et Genk, surtout, qui excelle pour le moment. On est un ton en-dessous en termes de qualités individuelles, mais on peut rivaliser en termes de collectif. C’est ça qui nous a permis d’être performants sur les dernières années.

Le vestiaire est devenu beaucoup moins exclusivement francophone. Ça peut expliquer que le message du staff passe moins naturellement ?

PENNETEAU : Même si on ne le parle pas tous couramment, on essaie d’apporter notre petit anglais pour intégrer les nouveaux. La symbiose marche bien pour le moment, Gabriele (Angella, ndlr) dit déjà quelques mots de français, les nouveaux sont des bons gars. Et pour les discours du coach, Philippe (Simonin, le préparateur physique ndlr) s’occupe de les traduire en maintenant le côté émotionnel du message.

Ça met quand même un intermédiaire…

PENNETEAU : Le coach parle anglais aussi. Ça n’a pas trop d’incidence sur le vestiaire. Au contraire, ça amène quelque chose en plus. On a des cultures différentes, d’autres visions, et je trouve ça bien. Depuis que je suis ici, j’ai toujours ressenti que dans le vestiaire, tout le monde parlait avec tout le monde. C’est une force, et on essaie de cultiver ça. On s’entend très bien. Parfois peut-être trop bien, parce qu’on ose un peu moins se dire les choses qui fâchent, mais ça part toujours d’un bon sentiment.

 » Le jeu au pied, c’est, 80-90 % des ballons d’un gardien »

Tu as un style de jeu assez moderne pour un gardien de ton âge. On voit notamment que le jeu au pied, ce n’est pas un détail pour toi…

NICOLAS PENNETEAU : J’adore essayer d’être propre à la relance, et essayer de trouver des passes qui vont mettre l’adversaire en difficulté. Après, je ne suis pas un numéro 10, et je n’hésiterai pas à mettre en tribunes quand je suis sous pression. Mais j’essaie d’aider l’équipe, et le jeu au pied c’est 80-90 % des ballons qu’on touche en tant que gardien. Il faut essayer d’être performant là-dessus.

C’est un style qu’on voit de plus en plus dans notre compétition.

PENNETEAU : On le voit partout en Europe, dans le championnat aussi. Van Crombrugge ou Nardi, leur volonté c’est de repartir proprement de derrière. Pas seulement en jouant avec les centraux, mais aussi en cherchant des petits ballons sur les côtés pour mettre l’adversaire en difficulté. Le tout, c’est de trouver le juste milieu entre le bon choix et la prise de risques. Mais maintenant, en possession, l’équipe joue à onze.

Avoir un bon jeu au pied, pour un gardien, ça consiste en quoi ?

PENNETEAU : Tout dépend déjà de ce que veut mettre en place l’entraîneur. Est-ce qu’il veut prendre des risques en repartant de derrière, ou est-ce qu’il veut du jeu long puis chasser le deuxième ballon ? Si je compare le Standard de l’année dernière avec celui de cette année, c’est complètement différent alors qu’ils ont le même gardien. Par exemple, il y a quelques années, on me demandait ce que je pensais du jeu au pied de Courtois. Il jouait à Chelsea avec Mourinho. Mais moi, je ne peux pas le juger. Mourinho, il veut prendre zéro risque. Le ballon doit être loin et on joue le deuxième ballon. C’est quelque chose qui se fait dans le foot. Mais alors, je ne peux pas juger son jeu au pied.

C’est pareil pour Ochoa.

PENNETEAU : Je pense que certaines personnes étaient plutôt étonnées de le voir jouer comme ça en début de saison. C’est un choix qui leur coûtera peut-être un but par-ci par-là, mais ça met l’adversaire en difficulté parce qu’ils s’ouvrent sur toute la largeur, ça crée des espaces différents et avec des Emond, Carcela ou Mpoku, si vous parvenez à les trouver dans des zones plus confortables, ça peut partir vite…

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