» J’AI DÛ EXPLIQUER LA DIFFÉRENCE ENTRE GAND ET GENK « 

La boucle sera bientôt bouclée pour Dante Bonfim. C’est à Gand que le Brésilien a joué son dernier match en Jupiler Pro League. Et ce soir, il retrouve les Buffalos en Ligue des Champions.

Sept ans : une éternité en football. Lorsque Dante Bonfim a quitté la Belgique pour la Bundesliga durant l’hiver 2009, Michel Preud’homme était à la tête des Buffalos. Roberto Rosales et Bryan Ruiz étaient les vedettes de l’équipe, Jonas De Roeck, Kenny Thompson et Stef Wils en étaient les porteurs d’eau belges. Cette saison-là, Gand a terminé à la troisième place du classement, à 18 points du Standard et d’Anderlecht.

Malgré les rigueurs de la Bundesliga, la chevelure de Dante (32 ans) est restée intacte.  » Puis-je rectifier un malentendu ? J’étais le premier footballeur du championnat de Belgique à arborer une coiffure afro « , précise-t-il.  » Je l’arborais déjà à Charleroi, avant que Marouane Fellaini ne l’adopte à son tour (il rit). C’est lui qui m’a copié, pas l’inverse. En Allemagne, ils sont également fous de mes boucles. L’une des premières questions que l’on m’a posées, fut de savoir combien de temps je passais devant le miroir, le matin, pour les entretenir.  »

Depuis ses passages en France et en Belgique, Dante parle couramment le français, avec une légère pointe d’accent brésilien. Mais, depuis qu’il joue en Allemagne, le défenseur brésilien accumule les trophées. Trois titres de champion d’Allemagne, deux Coupes d’Allemagne, une Ligue des Champions et une Supercoupe d’Europe figurent à son palmarès. Sous Jupp Heynckes, il était l’un des premiers noms que l’on couchait sur le tableau tactique. Le capitaine Philipp Lahm a déclaré qu’il était l’un des meilleurs défenseurs avec lesquels il avait joué.

Tu habites en Allemagne depuis sept ans. L’an passé, la rumeur a circulé selon laquelle tu envisageais de demander la nationalité allemande.

DANTE BONFIM : Dans un an, je remplirai en effet les conditions pour en faire la demande. J’ai été, un moment, très tenté de le faire, mais pour l’instant, j’ai remisé cette idée au placard. Aujourd’hui, un passeport allemand ne peut rien m’apporter. Je ne jouerai plus pour la Mannschaft, de toute façon. Néanmoins, ce passeport pourrait me faciliter l’accès aux cours d’entraîneur. Ce sont surtout les stages qui m’intéressent. Je serais curieux de découvrir comment on travaille dans d’autres clubs.

On dirait que tu n’as plus envie de quitter l’Allemagne.

DANTE : J’adore ce pays et le championnat s’améliore d’année en année. Il ne m’en faut pas davantage. Mais je suis incapable de rester en place. J’ai besoin de bouger, je ne suis pas du genre à rester fidèle à un même club durant toute ma carrière. Ce n’est pas un hasard si j’ai déjà joué dans trois pays différents, en Europe. Dans quelques mois, je devrai me poser une question cruciale : est-ce que je souhaite terminer ma carrière en Allemagne ou plutôt tenter ma chance ailleurs ? Je dois encore découvrir la Premier League. L’été dernier, j’ai eu des contacts avec des clubs anglais, mais j’ai tout de même opté pour Wolfsburg.

 » JE CONTINUE À SUIVRE LE STANDARD À DISTANCE  »

Tu joues depuis si longtemps en Bundesliga, que l’on en oublierait presque que tu as lancé ta carrière en Belgique.

DANTE : Je continue à suivre le Standard à distance. Dans le vestiaire, je suis considéré comme le grand spécialiste du football belge. En Allemagne, on ne connaît rien de la Jupiler Pro League. J’ai, par exemple, dû expliquer la différence entre Gand et Genk. Aujourd’hui, après le beau parcours de Gand dans la phase de poule, tout le monde, à Wolfsburg, sait cependant où cette ville se situe.

Sur deux matches, vous êtes tout de même les favoris pour accéder aux quarts de finale, non ? A Gand, on ne trouve pas d’André Schürrle, de Julian Draxler, de Luiz Gustavo ou de Naldo…

DANTE : Je trouve que les chances sont équilibrées : Wolfsburg et Gand sont deux équipes qui découvrent la Ligue des Champions. Nous avons simplement un tout petit peu plus d’expérience, car nous avons quelques champions du monde et vainqueurs de la Ligue des Champions dans nos rangs. Mais, de là à dire que nous sommes les favoris ? Je n’irais pas jusque-là. Sur deux matches, tout est possible. Nous devons respecter Gand, même si nous ne connaissons les noms d’aucun joueur. Ce ne serait pas la première fois qu’un joueur inconnu du championnat de Belgique fasse des étincelles au niveau international.

A ta place, je me méfierais surtout de Laurent Depoitre et de Sven Kums.

DANTE : J’ai vu quelques images de Laurent Depoitre et je dois reconnaître qu’il a quelque chose. Il est toujours à la bonne place et marque facilement. Il est plutôt du genre costaud. Mais, en ce qui me concerne, peu m’importe que mon adversaire soit petit, grand ou fort. Il existe de bons attaquants de toutes les tailles. Il faut éviter qu’il entre en possession du ballon. Pour cela, il faut couper l’approvisionnement. Je suis aussi curieux de découvrir RenatoNeto. C’est toujours agréable de croiser la route d’un Brésilien qui provient du même Etat que moi (celui de Bahia, ndlr).

Tu as gardé un bon souvenir de ta dernière confrontation avec Gand. Tu as marqué sur coup franc et le Standard a gagné 2-1.

DANTE : C’étaient des adieux rêvés à Sclessin ! Une semaine plus tard, je partais au Borussia Mönchengladbach.

 » JOVA ÉTAIT LE LEADER AU STANDARD  »

Dans ce fameux match contre Gand, tes équipiers s’appelaient Oguchi Onyewu, Mohamed Sarr, Réginal Goreux, Steven Defour, Wilfried Dalmat, Axel Witsel, Milan Jovanovic, Igor De Camargo, Dieumerci Mbokani et Eliaquim Mangala. Es-tu surpris d’être celui qui a réussi la plus belle carrière, parmi tous ceux-là ?

DANTE : Si l’on ne regarde que le palmarès, le mien est effectivement le plus fourni. Mais tous les joueurs de cette équipe avaient le potentiel pour évoluer dans de grands championnats. Prenez l’exemple de Dieumerci Mbokani : j’ai connu peu d’attaquants qui étaient meilleurs que lui. Milan Jovanovicn’a pas réussi à Liverpool, mais c’était un footballeur fantastique. Axel Witsel peut encore aller plus haut, Marouane Fellaini se débrouille à Manchester United. Avec cette équipe, nous aurions pu terminer entre la deuxième et la cinquième place en Bundesliga. Nous n’aurions pas été champions, c’est clair, car le Bayern est trop fort.

Ce qui saute aux yeux, dans cette équipe du Standard, c’est le grand nombre de leaders qu’elle comportait.

DANTE : Jova était, sans discussion, le leader de l’équipe. Il ne parlait pas beaucoup, mais lorsque quelque chose ne lui plaisait pas, il le faisait savoir. Dans ce cas-là, il valait mieux s’abriter. Pour lui, une seule chose comptait : l’équipe.

Defour, Jovanovic et Mbokani ne se sont pas réellement imposés à l’étranger. Etais-tu mieux préparé, mentalement ?

DANTE : Mentalement, je suis très fort. Sinon, je n’aurais jamais tenu le coup aussi longtemps en Europe. J’avais 19 ans lorsque j’ai signé à Lille. Je n’avais pas de famille ni d’amis, sur qui je pouvais compter. J’étais tout seul. Certaines personnes m’ont même conseillé de rentrer au Brésil, car elles estimaient que je ne réussirais pas. Lorsque j’ai débarqué au Standard, j’ai dû tout recommencer de zéro, mais je me suis battu pour ma place. Je l’ai fait pour moi, pas pour donner tort aux gens qui n’ont pas cru en moi. Je ne veux pas avoir de regrets, le jour où je dresserai le bilan de ma carrière. Je ne veux pas me dire, lorsque je me regarderai dans le miroir : -Si, au moins, tu t’étais entraîné un peu plus… .

Tu as quitté le Brésil très tôt. Conseillerais-tu à tes compatriotes d’en faire de même ?

DANTE : Mon conseil aux jeunes Brésiliens serait plutôt : –Termine d’abord ta formation avant de venir en Europe ! Et veille à ce que tu sois prêt à franchir tous les obstacles qui seprésenteront sur ta route… Par obstacles, j’entends : le style de jeu, la langue, la culture, les gens, le climat… Ce n’est pas une question d’âge. Je connais suffisamment de Brésiliens qui ont quitté leur pays à 25 ans et sont rentrés, la queue entre les jambes, parce qu’ils n’ont pas su s’adapter. C’est essentiellement lié à l’aspect mental. A l’époque, si l’on m’avait demandé de jouer par une température de -30°C ou de traverser un mur, je l’aurais fait.

 » J’AVAIS FAIT LE TOUR DU PROPRIÉTAIRE AU BAYERN  »

As-tu l’impression que le football brésilien est en train de stagner ?

DANTE : Regardez un match du championnat du Brésil, et deux choses vous sauteront directement aux yeux : le niveau tactique est très faible et on dribble trop. Ce n’est pas facile de convaincre les joueurs de se débarrasser rapidement du ballon. Certains entraîneurs essaient de ne pas tenir compte de cette culture du football typiquement brésilienne et tentent d’importer le style de jeu européen, mais ce n’est pas évident. A la base, il manque un peu de tout également. Le Brésil compte suffisamment de gens de métier capables d’enseigner le football aux jeunes, mais les infrastructures sont de piètre qualité. Aujourd’hui, heureusement, on peut se rendre rapidement aux quatre coins du pays pour un prix modeste, grâce à l’avion. Lorsque j’étais jeune, j’ai dû parcourir des centaines de kilomètres en bus pour aller passer des tests dans différents clubs. ‘

Toute l’Allemagne a été surprise lorsque tu es parti à Wolfsburg. On n’est quand même nulle part mieux qu’au Bayern ?

DANTE : Contrairement à ce que l’on a pu prétendre, j’ai décidé moi-même de partir. J’aurais pu rester, car j’avais encore un contrat de deux ans. Le président et le directeur sportif auraient d’ailleurs préféré que je reste. Mais j’avais fait le tour du propriétaire au Bayern, j’avais envie de relever un nouveau défi. En plus, au Bayern, personne ne pouvait me garantir une place de titulaire.

A quoi constates-tu que le Bayern Munich a pris une autre dimension que les autres clubs de Bundesliga ?

DANTE : Cette soif de victoires fait partie de l’ADN du Bayern. C’est une machine de guerre. C’est la raison pour laquelle le club bavarois domine autant la Bundesliga et remporte le titre avec dix points d’avance, si pas plus. Le Bayern n’y peut rien, c’est aux autres équipes qu’il incombe de suivre le rythme. Wolfsburg nourrit cette ambition-là. Le premier objectif, c’est de participer chaque année à la Ligue des Champions. Si nous y parvenons, nous pourrons contester la suprématie du Bayern.

PAR ALAIN ELIASY – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Nous devons respecter Gand, même si nous ne connaissons les noms d’aucun joueur.  » DANTE BONFIM

 » J’ai connu peu d’attaquants meilleurs que Mbokani.  » DANTE BONFIM

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