C’était encore calme
Deux jours avant la tempête, Detrem’ nous avait accordé une longue interview optimiste, dans les bureaux de l’IEG (Intercommunale d’Etude et de Gestion)
On est dans le quartier de Risquons-tout. Plus à l’Hôtel de Ville (après sept mandats au collège échevinal et six mandats comme bourgmestre, Jean-Pierre Detremmerie a laissé l’écharpe maïorale à Alfred Gadenne) et plus au stade (il est encore président d’honneur, le » vrai » étant maintenant Philippe Dufermont).
Etait-ce prémédité : moins de responsabilités politiques afin d’être plus actif dans le club ?
Jean-Pierre Detremmerie : 30 ans à l’Hôtel de Ville, c’est un fameux bail. Il était temps de me retirer et je suis très heureux de ma nouvelle fonction à l’IEG. Je m’occupe des contacts avec les industriels et des infrastructures sportives : je pourrai encore aider la région et le club. C’est un retour aux sources puisqu’à mes débuts, j’étais échevin de la jeunesse et des sports. L’Excelsior, avec notre nouveau président, est en de bonnes mains. Philippe Dufermont est le meilleur transfert de l’histoire du club. Grâce à lui, on atteint enfin l’objectif final : la privatisation du club. On a mis trop de temps à atteindre cet objectif, mais tout vient à point. Avec Dufermont, nous avons un personnage intéressant à plusieurs titres : il est Mouscronnois d’origine, ce qui est l’idéal ; ensuite, il a les moyens financiers de ses ambitions ; et enfin, il dispose d’un réseau de relations très étendu, susceptible de nous concocter des partenariats.
Depuis quand le connaissez-vous ?
J’ai fait sa connaissance lorsqu’il était kiné à la rue de la Station. Il a ensuite émigré à l’étranger et je l’ai un peu perdu de vue. Lorsque Jean-Pierre Dufermont, le président du Comité des Jeunes, m’a soufflé à l’oreille qu’il avait un cousin en Espagne qui pourrait aider le club, j’étais sceptique. Un homme capable d’injecter plusieurs centaines de milliers d’euros, c’est rare. Mais ce n’était pas un leurre. Philippe Dufermont s’est intéressé au club, s’en est même amouraché et il possède une vision très saine qui, dans les grandes lignes, correspond à la mienne. C’est vraiment un homme providentiel. J’ai enfin trouvé l’homme capable de me succéder efficacement, et simultanément, j’ai retrouvé mon sommeil.
Et la santé ?
Cela va beaucoup mieux. Si, au niveau sportif, l’équipe pouvait gagner plus régulièrement, cela irait encore mieux. Lors du match à Westerlo, ce n’était pas brillant. Cette défaite, assortie d’une piètre prestation, a un peu gâché ma semaine.
De quoi souffriez-vous, ces dernières années ?
D’un gros surmenage. Pendant des années, j’ai vécu à 200 à l’heure. J’avais toutes les responsabilités : d’une ville, d’une région, et d’un club de football par-dessus le marché ! La Ville est désormais en de bonnes mains : Alfred Gadenne est un homme exceptionnel. Et très gentil, contrairement à moi. Car je ne suis pas gentil : à la longue, j’ai appris à connaître les gens. Comment être gentil avec les roublards, qui essaient de vous rouler ? En outre, mon successeur à l’Hôtel de Ville est capable de participer à 25 apéritifs sur la journée, ce dont je ne suis pas capable non plus.
Pas capable ou plus capable ?
Il y avait une époque où j’ai exagéré. J’ai pris la sage décision d’arrêter de boire. Le seul côté négatif, c’est qu’il y a sept personnes au chômage chez Interbrew. Si j’avais continué, je me serais retrouvé alcoolique. Mais ce n’est pas facile d’arrêter : lorsqu’on se retrouve avec des amis, dans une ambiance familiale, dire – Désolé, jeneboispas !, ce n’est pas si simple. Vous connaissez leur réponse : – Allez, ledernier… J’ai tenté un pari lors d’un voyage au Futuroscope, avec l’échevin des finances. On a essayé de tenir le plus longtemps possible. Il a tenu quelques heures, j’ai continué. J’ai aussi agi par solidarité envers les gens qui luttent contre l’alcoolisme. Je goûterai à un verre de vin ou de champagne d’ici 15 ou 20 ans, lors d’un repas, mais ce n’est pas pour demain.
Hormis votre titre de président d’honneur, vous n’avez plus de fonction officielle à l’Excelsior mais on chuchote vous tirez les ficelles en coulisses ?
Non, pas du tout ! Philippe Dufermont donne l’argent : c’est lui qui doit décider !
Vous êtes quand même très fort : vous avez réussi à convaincre Philippe Courard, le ministre de la fonction publique, responsable des Intercommunales, d’accorder un nouveau prêt de deux millions d’euros à l’Excelsior alors qu’au départ, il s’y était opposé.
Philippe Courard est un homme sensé. Il a compris que c’était, au contraire, si le prêt n’avait pas été accordé que l’Intercommunale aurait été préjudiciée. Le premier prêt n’aurait pas pu être remboursé. Le ministre n’a pas tenu les mêmes propos intégristes que d’autres personnes qui font de la politique politicienne. Ces derniers veulent faire croire que c’était tout pour l’Excelsior et rien pour les autres. Ce sont des démagogues qui sont parvenus à rallier une partie de la population.
Deux millions à rembourser en 2009 et deux autres en 2010
Ce prêt accordé par l’IEG était l’une des conditions émises par Philippe Dufermont pour reprendre la présidence…
Oui. Mais il a lui-même garanti son remboursement.
Seul ?
Oui. Au départ, il voulait que quelqu’un l’accompagne et il m’a regardé. Je lui ai répondu : – Jeveuxbien, mais àpartmamaisonetmapension, jen’aipasgrandchose !Enfin, situlesouhaites, jeveuxbiensigneraussi… Il n’a pas attendu ma signature pour se porter garant.
Où en est la situation financière de l’Excelsior, aujourd’hui ?
Il n’y a aucun problème. Philippe Dufermont va gérer le club comme son entreprise. Tout le monde décidait en fonction des circonstances, il n’y avait plus de ligne de conduite. Aujourd’hui, il y a de nouveau un pilote dans l’avion.
Il y a donc deux prêts de deux millions d’euros à rembourser à l’IEG ? Un en 2009 et l’autre en 2010 ?
Oui, peu importe le terme, mais il faut qu’ils soient remboursés. Ce sera fait : Philippe Dufermont est en train de mettre des partenariats sur pied.
Comment un tel fossé a-t-il pu se creuser ? Hugo Broos affirme que, s’il ne pouvait pas signer d’aussi gros contrats, il aurait fallu le lui dire car les contrats avaient toujours besoin de la signature du président.
D’un côté, il a raison, mais tous les entraîneurs sont pareils : ils sont vite là pour affirmer qu’un transfert ne va rien coûter. Et ils espèrent tous qu’il y aura des rentrées d’argent. Lorsque Bruges téléphonait pour les frères Zewlakow, Broos répondait qu’il exigeait quatre millions d’euros. Donc, lorsqu’on lui proposait un joueur à 250.000 euros, il le prenait puisqu’il comptait sur les quatre millions. L’ennui, c’est que ces quatre millions ne sont jamais entrés dans la caisse. Et on a perdu LaPoste. Cet organisme s’était engagé pour cinq ans, on ne pouvait pas prévoir qu’il allait se retirer après trois ans à la suite d’un changement de direction. On comptait sur cet argent pour payer certains contrats de cinq ans.
Si vous n’avez pas tiré les ficelles, vous avez tout de même bien aidé Francis D’Haese…
Il a sauvé le club à deux reprises. La première fois en décembre 2004. Certains avocats nous avaient conseillé la liquidation et j’ai été mis en minorité. Il est venu chez moi et m’a dit : – Jean– Pierre, tunepeuxpaslaisserfairecela !Leclubnepeutpasdisparaître… J’ai passé une nuit blanche, et le lendemain matin, j’ai convoqué tous les administrateurs du club. J’ai fait une proposition qui a permis de sauver le club à l’époque. C’était juste avant la Noël.
Le 18 décembre, très exactement. Le soir, l’équipe jouait au FC Brussels.
Ce fameux match où Geoffray Claeys a fait une bourde de dimension dans les arrêts de jeu, qui avait précipité la défaite. Cette bourde-là aussi m’a empêché de dormir pendant quelques jours ! Comment est-ce possible ? J’en étais malade.
Et la deuxième fois où Francis D’Haese a sauvé le club, c’était après la démission d’Edward Van Daele en octobre 2006 ?
Tout à fait. C’est lui qui est allé chercher Philippe Dufermont… Un jeudi de janvier dernier, ce dernier a promis de verser deux millions d’euros pour le lundi suivant. Le lundi, les deux millions se trouvaient sur le compte du club. Et il y a une quinzaine de jours, il a signé la garantie du deuxième prêt de l’IEG…
» J’aimerais qu’on se passe totalement de moi »
Lorsque vous avez démissionné, en juin 2005, un triumvirat (Van Daele, D’Haese, Roland Louf) s’était d’abord formé pour vous succéder.
C’était une bonne idée. Quelqu’un s’est dégagé pour la présidence, à qui l’on n’avait pas songé au départ : Edward Van Daele.
Aujourd’hui, du triumvirat, il ne reste que Francis D’Haese.
Logique : c’est le seul qui a bien travaillé, qui a toujours été actif, malgré ses nombreuses occupations.
Comment jugez-vous l’année et demie de Van Daele comme président (jusqu’en octobre dernier) ?
De façon très positive. Il ne faut pas critiquer quelqu’un qui fait ce qu’on n’est plus capable de faire soi-même. Van Daele a pris la responsabilité d’assumer la présidence et je l’en remercie. Je l’ai eu comme avocat personnel pendant 25 ans. Il était un ami. Aujourd’hui, je ne peux pas cacher que quelque chose s’est cassé après certaines déclarations. Mais je ne veux retenir que les bons côtés.
Y compris pour Roland Louf ?
Je n’ai rien contre lui personnellement. Tout simplement, il n’était pas fait pour être directeur général, mais il a des qualités. Il présente bien, il parle bien, il possède un réseau de relations intéressant pour les transferts. Mais il ne convenait pas au club.
Il ne comprend pas cette » haine corse » que vous lui vouez.
Il n’y a pas de haine corse. Il n’apportait rien, c’est différent.
Son retour vous a tellement ému que vous aviez rendu vos abonnements.
C’était la première fois que j’avais reçu des abonnements gratuits. Auparavant, je les payais toujours. Maître Van Daele m’a offert deux abonnements, je n’ai pas osé les refuser. Lorsqu’il m’a dit, par la suite, qu’il démissionnerait au Nouvel An, j’étais inquiet. C’était, malgré tout, un homme de la région qui essayait de bien gérer le club. J’ai donc essayé de chercher d’autres partenariats. Ensuite, j’ignore ce qui s’est passé. Ce n’est pas mon problème. J’ai rendu mes abonnements parce que j’estimais que les personnes qu’il réengageait, après les querelles qu’ils avaient eues entre eux, ne convenaient pas. Ces personnes n’avaient jamais ramené un centime. C’était comme si on engageait comme directeur commercial quelqu’un qui n’avait jamais ramené un euro pendant dix ans.
On vous a revu pour la première fois au stade contre Mons…
Effectivement : ce fameux match où l’Excelsior s’est fait remonter à la dernière minute. Gil Vandenbrouck m’avait dit que ce serait bien, pour les joueurs, qu’ils me revoient. Il m’a demandé de passer une fois par semaine au club aussi. Mais j’aimerais qu’on puisse se passer de moi totalement. Cela avait toujours été mon objectif lorsque j’étais président et cela l’est resté.
Vous dites cela depuis longtemps…
J’avais espéré qu’André Ollevier, le patron des meubles Toff, puisse me succéder, mais il a refusé pour des raisons familiales. Je pense qu’aujourd’hui, j’ai enfin trouvé mon successeur avec Philippe Dufermont. C’est la première fois que je suis rassuré. Je crois qu’il faudra un an ou deux avant que le club puisse se refaire une santé : Dufermont doit nommer de nouveaux administrateurs, trouver de nouveaux partenaires et retrouver une identité régionale au niveau sportif. On a commis une erreur en se séparant des joueurs flamands pour en engager d’autres qui coûtaient tout aussi cher. Mais on a besoin des joueurs flamands car on compte sur le public flamand. On a aussi beaucoup de partenaires flamands…
par daniel devos – photos: belga
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