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 » C’est mentalement que beaucoup doivent progresser « 

Il y a un an, Glen De Boeck débarquait à Courtrai. La saison dernière, son équipe avait livré un second tour impressionnant. Cette fois, elle est la plus irrégulière du premier tour.  » La concurrence doit être un plus mais chez nous, ce n’est pas encore le cas « , dit-il.

La saison dernière, Courtrai s’est beaucoup mieux comporté après l’arrivée de Glen De Boeck et pourtant, cet été, les deux parties ont bien failli se séparer. Tout a commencé par des négociations compliquées au sujet de sa prolongation de contrat. Puis, la direction a décidé de congédier Lorenzo Staelens, le bras droit de De Boeck. À la reprise, les terrains laissaient à désirer et le noyau était loin d’être complet.

De Boeck s’est exprimé publiquement à ce sujet, ce qui n’a pas plu à la direction. Mais il n’y a pas eu d’escalade. Le coach a adapté son discours et, en fin de période des transferts, le club lui a offert le meilleur noyau avec lequel il ait jamais travaillé. Aujourd’hui, Courtrai joue vite et combine bien mais il manque de régularité, ce qui énerve un peu De Boeck.

GLEN DE BOECK : J’ai vécu la période de préparation la plus difficile de ma carrière mais je suis content de voir où mes hommes en sont physiquement et tactiquement. J’estime cependant que, vu le football proposé et le nombre d’occasions que nous nous sommes créées, nous avons trop peu de points. Nous avons souvent délivré plus de 550 passes avec un taux de réussite de 85 % mais cela ne s’est pas traduit en points. Nous concédons moins d’occasions mais nous encaissons plus que l’an dernier et nous sommes moins efficaces devant aussi.

Nous avons souvent délivré plus de 550 passes avec un taux de réussite de 85 % mais cela ne s’est pas traduit en points.  » Glen De Boeck

Vous pouvez pourtant compter sur des joueurs comme Mboyo, Kanu, Ezekiel, Stojanovic, Ouali, Chevalier et l’Uruguayen Avenatti.

DE BOECK : Oui mais Ouali et Chevalier jouent 20 % moins bien que la saison dernière. Dans le cas d’Ajagun, c’est même 50 %. A partir du moment où je suis arrivé, le 8 novembre, Perbet (10), Chevalier (20), Ajagun (6) et Ouali (9) ont inscrit 45 buts. Il y a du talent devant, certes, mais certains ne marquent plus beaucoup ces derniers temps. Quand Ezekiel est arrivé, fin août, il n’était nulle part. Ses tests physiques étaient catastrophiques. Puis il s’est blessé. Il ne tient pas encore plus d’un quart d’heure. Avenatti est très bon mais à l’entraînement, aujourd’hui, il n’a fait que la moitié des autres. Il doit apprendre à donner chaque jour le meilleur de lui-même car je ne peux pas continuer à l’aligner s’il ne fait rien en semaine. En attendant, je tape sur le clou. Je l’ai fait avec Stojanovic et ça a porté ses fruits.

 » Tout le monde n’est pas préparé à la concurrence  »

Quel est l’impact de cette concurrence ?

DE BOECK : Elle devrait faire en sorte que chacun progresse mais tout le monde n’est pas préparé à cela. C’est peut-être ce qui explique en partie que certains sont moins efficaces. Ils doivent comprendre que, désormais, ils doivent répondre présent chaque semaine. Lors du match à Gand, un joueur estimait injuste d’être sur le banc et a dit au kiné qu’il ne devait pas le masser parce qu’il n’entamait pas le match. Il n’était donc pas prêt mentalement et, quand il est entré, il n’a pas fait son boulot. Je lui ai dit que, dans ce cas-là, il devrait me demander de le laisser dans la tribune. Mais évidemment, personne ne fait ça car celui qui n’est pas dans les 18 ne touche pas de prime. C’est un manque de loyauté envers le staff et le groupe. Je lui ai dit que, la même semaine, Eden Hazard était sur le banc mais que, une fois entré au jeu, il avait fait la différence en un quart d’heure. Et je lui ai demandé s’il avait vu l’entrée au jeu de Ruud Vormer, Soulier d’Or et capitaine de Bruges. La différence, c’est que notre joueur s’est renfermé sur lui-même et a estimé qu’il n’avait plus rien à prouver.

Idir Ouali ?

DE BOECK : Oui. Vous savez où il était quand je suis arrivé la saison dernière ?

Dans le noyau B.

DE BOECK : En effet. C’était dû à son mauvais comportement. Mais j’admets que l’équipe évolue, qu’on ne peut pas tout régler en une fois. Les joueurs doivent progresser mentalement. La concurrence doit être un plus mais chez nous, ce n’est pas encore le cas.

Que se passe-t-il avec Teddy Chevalier ?

DE BOECK : Il est rentré de vacances en retard et il le paye toujours parce qu’il s’est dit : J’ai inscrit 21 buts la saison dernière, pourquoi m’énerver ? J’essaye de lui faire comprendre que ça devrait justement l’inciter à placer la barre plus haut, qu’on repart chaque année de zéro. C’est sur le plan mental que les joueurs doivent le plus progresser. Et c’est le cas dans beaucoup de clubs. Je ne veux pas me mêler des affaires des autres mais pourquoi Anderlecht et le Standard sont-ils si irréguliers ? Pour un coach, c’est le plus difficile : il faut faire en sorte que chaque joueur donne chaque jour le meilleur de lui-même.

 » Je comprends que Bölöni organise une mise au vert chaque semaine  »

Plus que jamais ?

DE BOECK : Disons que c’est sur ce plan qu’on a le moins progressé. Cette semaine, j’ai raconté à mes joueurs une histoire qui remonte à l’époque où j’évoluais en espoirs à Boom. Un jour, je me suis retrouvé sur le banc parce que plusieurs joueurs du noyau A étaient punis et jouaient avec nous. Était-ce logique ? Non. Était-ce difficile à accepter ? Oui. Mais quand je suis entré au jeu, à une demi-heure de la fin, j’ai fait tout ce que je pouvais pour me montrer. Et la semaine suivant, je jouais en équipe première parce qu’il y avait deux blessés. Je n’en suis jamais sorti. Deux autres joueurs étaient dans le même cas que moi. Ils étaient plus doués mais ils n’ont jamais percé. Ils avaient estimé qu’ils n’avaient rien à faire sur le banc et s’étaient désintéressés du match.

Certains aiment le rôle de victimes.

DE BOECK : Un joueur peut toujours remettre mes choix en cause, ne pas être d’accord avec moi ou me prendre pour un crétin mais il doit montrer chaque semaine qu’il mérite sa place. Et ce n’est pas suffisamment le cas. Je leur dis souvent que ce n’est pas moi qui ai inventé les règles. Celui qui ne comprend pas qu’on ne peut aligner que 11 joueurs et en mettre 7 sur le banc ne comprendra jamais car c’est pareil partout. J’ai été titulaire pendant 8 ans à Anderlecht puis je me suis retrouvé sur le banc au profit d’un gamin de 17 ans. Ce n’était pas chouette mais j’avais deux solutions : ou je rejetais la faute sur quelqu’un d’autre, ou je me battais. Trois semaines plus tard, je rejouais aux côtés de Vincent Kompany.

Glen De Boeck :
Glen De Boeck :  » Yves Vanderhaeghe, Lorenzo Staelens et Gert Verheyen étaient déjà des entraîneurs lorsqu’ils jouaient. « © BELGAIMAGE – JAMES ARTHUR GEKIERE

Comment leur faire comprendre ?

DE BOECK : En tapant sans cesse sur le clou mais j’avoue que c’est difficile. La plupart de ces joueurs préfèrent redescendre d’un échelon pour être sûrs de leur place. Je ne veux pas dire que c’était mieux avant mais actuellement, il y a trop de centres d’intérêts et de possibilités de faire autre chose. Je dis toujours que le football doit être la chose qui compte le plus dans leur vie, après la santé des proches. Mais pour 80 % des joueurs, ce n’est plus le cas. Je comprends que Bölöni organise une mise au vert chaque semaine. Si j’avais le budget, je ferais pareil. Cela me permettrait de garder le contrôle, ce qui n’est pas le cas.

 » Aujourd’hui, les joueurs ne réfléchissent plus  »

S’ils le pouvaient, ils prendraient leur smartphone sur le terrain ?

DE BOECK : Avant, deux heures avant le match, nous rangions nos téléphones. Maintenant, certains le consultent encore après l’échauffement. C’est difficile à limiter car certains veulent envoyer un bisou à leur petite fille et d’autres écoutent de la musique. On ne peut pas leur enlever leur façon de se préparer. Mais il est possible que certains regardent un film, jouent sur internet ou suivent le score des autres matches. C’est difficile à contrôler mais ça déconcentre.

Les joueurs étaient-ils plus concernés par le passé ?

DE BOECK : Je pense que oui. Au repas, par exemple, on parlait de tactique. Ce n’est plus le cas. Yves Vanderhaeghe, Lorenzo Staelens et Gert Verheyen étaient déjà des entraîneurs lorsqu’ils jouaient.  »

Combien de vos joueurs actuels deviendront-ils entraîneurs ?

DE BOECK : Honnêtement, je n’en vois pas beaucoup. On apprend beaucoup en regardant et en discutant mais je pense que, cette semaine, moins de 20 % des joueurs ont suivi un match de Ligue des Champions. Je ne dis pas qu’ils doivent le faire mais c’est une question de passion. Et elle n’y est pas toujours. Après un match, nous savions ce qui n’avait pas été. Aujourd’hui, quand on pose la question à un joueur, il s’en tient à des généralités. Il ne réfléchit plus. Aujourd’hui, nous avons fait un 6 contre 6 sur un quart de terrain. L’équipe qui menait 3-0 après deux minutes a perdu 3-4. J’ai demandé comment c’était possible. Quelques joueurs n’avaient pas accepté une décision d’un de mes adjoints et s’étaient déconcentrés.

Ils se laissent envahir par leurs émotions.

DE BOECK : Exactement. Mais en match aussi, l’arbitre se trompe, hein ! S’il siffle injustement un penalty, dois-je m’asseoir et dire :  » OK, je ne coache plus ?  »

 » Mes gars sont trop gentils les uns envers les autres  »

Comment apprendre aux joueurs à mieux contrôler leurs émotions ?

DE BOECK : En tapant sur le clou jusqu’à ce qu’ils comprennent. Car se laisser envahir, c’est contre-productif. Je comprends qu’on s’énerve mais cinq secondes, pas plus. Quels sont les moments où une équipe est le plus fragile ? Au début et à la fin de chaque mi-temps, ainsi qu’après un but. Attention ! J’ai un groupe formidable mais ils sont trop gentils les uns envers les autres. Sur le terrain, il faut pouvoir se dire des choses. Au Standard, l’Antwerp menait 0-2 mais Sinan Bolat a enguirlandé un équipier car il savait que s’il encaissait un but, le stade allait s’enflammer et son équipe allait souffrir. Donc il a averti tout le monde. Ce n’est pas pour rien qu’il est le gardien qui encaisse le moins de buts. Et c’est la seule chose qui nous manque : des gars qui tiennent la baraque sur le terrain.  »

Hannes Van Der Bruggen, votre capitaine, dit qu’il n’est pas du genre à hurler, qu’il veille surtout à ce que tout le monde reste calme, sur et en dehors du terrain.

DE BOECK : Je comprends mais, parfois, il faut oser crier. Si j’avais été sur le terrain lorsqu’Idir est entré au jeu à Gand, il n’aurait jamais fait cela. Pendant 90 ou 94 minutes, il faut se battre car on ne pourra plus changer le résultat. Dire ce qui s’est passé après coup, c’est trop facile. Un coach veut avoir un joueur qui pense comme lui, comme ce fut le cas lors de ma première saison au Cercle.

Avec Besnik Hasi ?

DE BOECK : Il était en fin de carrière mais il jouait un rôle extrêmement important. Pas sur le plan footballistique mais parce qu’il faisait jouer les autres. Et quand quelqu’un ne remplissait pas son rôle… Vous connaissez Besnik.

 » Avant, on se plaignait moins vite  »

On m’a dit qu’un jour, il avait pris Frederik Boi à la gorge.

DE BOECK : Sur le terrain, il faut pouvoir être dur envers les autres. Si quelqu’un ne fait pas son boulot, il faut l’engueuler cinq secondes puis continuer à jouer. Pourquoi l’équipe nationale a-t-elle livré une bonne Coupe du monde en 2002 ? Le groupe était bon mais surtout, on se disait les choses. Aujourd’hui, après l’entraînement, un joueur expérimenté est venu me dire qu’il avait perdu tous les petits matches parce qu’Avenatti était dans son équipe et n’a pas fait son boulot. Je lui ai répondu : Il fallait le lui dire à ce moment-là. Il m’a rétorqué qu’il l’avait dit alors j’ai ajouté : Il faut taper sur le clou. Pour moi, il peut même le provoquer physiquement. Tout est devenu trop facile. Ils ne supportent plus rien. Avant, on se plaignait moins vite. Il faut que ça cesse. Mais ce n’est pas simple car c’est une question d’éducation.

On ne trouve plus de leaders ?

DE BOECK : À l’Antwerp, il y en a beaucoup. On voit qu’ils les choisissent et c’est pourquoi ils font la différence. Mentalement, cette équipe est au-dessus du lot. Faris Haroun joue un rôle important et Bolat est omniprésent. Ce n’est pas pour rien qu’Arslanagic livre une grosse saison. Jelle Van Damme s’est ressaisi également. Au début, il rejetait la faute sur le coach mais maintenant, il joue aussi son rôle de leader. Ça en fait déjà trois. Et les autres se demandent ce qui leur arrive.

Qu’avez-vous encore appris au cours du premier tour ?

DE BOECK : Que construire une équipe prend du temps. Voyez Genk, qui a conservé ses piliers, remplacé Colley par Lucumi et fait progresser des joueurs comme Dewaest . Et le Club Bruges, qui peut même se permettre de remplacer des joueurs qui faisaient tourner l’équipe l’an dernier. Ces deux clubs démontrent à merveille que la continuité paye.?

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