BALLONS D’OR MORTS…
Putain de temps, Johan Cruijff, neuvième Ballon d’Or décédé. Cinq sont trop vieux pour moi, mais le Hollandais jadis Volant est déjà le deuxième me laissant de claires images en mouvement. Mes souvenirs sont vagues d’Eusebio et de Florian Albert, mais j’en conserve d’émerveillés, plus nets de George Best, Ballon d’Or recordman, avec 59 piges seulement, des morts footballistiques précoces ; génial malgré gnôle et gonzesses selon les moralistes, mythique grâce à elles d’après les poètes ; parfait contre-exemple rapport à la vie saine, mais nous tous, ados footeux d’alors, avons rêvé d’être Georgie.
Exit Cruijff à présent, bien plus qu’un souvenir animé : une persistance rétinienne depuis 40 ans ! Coup de reins vv-prime avec dribble-tourniquet en option, vista 360°, légèreté de feuille volante, cheville droite comme un poignet de violoniste pour offrir des caviars longs avec le petit orteil. Sémaphore excessif tant ses bras de boss moulinaient des ordres, mais l’exploit qui suivait fourguait l’absolution. Excessive aussi était sa consommation de Camels sans filtre, même que ses potes l’appelaient Vapeur : cheminée condamnable peut-être, mais à replacer dans une époque où la nocivité du tabac n’était hélas pas martelée tous azimuts. Début des sixties, les haut-parleurs des stades nous fredonnaient que Zemir était la meilleure cigarette, rien de tel après l’effort, voyez la pub ci-jointe ! Lev Yachine, Ballon d’Or 63 dont la biographie laisse entendre qu’il picolait comme Best et mégotait comme Cruijff, déclara qu’avant un match important, rien n’était mieux qu’une bonne cigarette et un coup de liqueur pour se vivifier les muscles ! Yachine est mort à 60 ans d’un cancer de l’estomac, six ans après qu’une thrombose lui ait amené l’amputation d’une jambe.
Cruijff a quand même eu plus de bol. Il a tété ses Camels durant un quart de siècle à partir de l’adolescence : même aux mi-temps des matches, quand les poumons sont bien ventilés pour que ça fasse un max de dégâts tout noirs ; même après carrière, comme coach ou en jouant au golf, sport pour non-sportifs où l’on peut cloper entre les trous. Il s’est chopé un triple pontage en 1991, puis a encore vécu un quart de siècle sans tabac, nous offrant au passage une fort jolie pub dissuasive : pour atteindre 68 ans…et partir quand même d’un cancer des poumons, appris en octobre 2015 ! Moi qui croyais que ces deux-là re-rosissaient peu à peu quand on avait arrêté. Faut croire qu’un roi du dribble ne dribble pas le destin mieux qu’un zig du foot.
Encore que… Ballon d’Or en 1958, Raymond Kopa est toujours debout à 85 ans, plus que 4 ans pour qu’il batte le record de feu son équipier Alfredo Di Stefano, double Ballon d’Or avant et après lui ! Eh bien, en 1961, sèche au bec, Kopa nous offrait la pose ci-jointe sur une pub pour Camel, la vraie cigarette des vrais fumeurs ! Or, en 1961, Johan Cruijff avait 14 ans et des rêves plein les pieds : et si cette pub était à l’origine de la longue idylle entre Cruijff et Camel ? Si oui, maudit Raymond !
PAR BERNARD JEUNEJEAN
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