A titre exceptionnel
Si le Lierse a été champion en 1997, le défenseur y a fortement contribué avec ses 16 buts.
C’était en mai 1997, il y a tout juste dix ans. Cette année-là, le Lierse d’ Eric Gerets coiffait les lauriers nationaux, au nez et à la barbe de Bruges et d’Anderlecht. dd » Pendant quelques années, le Lierse et Genk ont joué les trouble-fête. C’était une drôle d’époque pour le football belge « , se souvient Eric Van Meir qu’un fan salue en le confondant avec Bob Peeters. » Cela arrive souvent mais les bons supporters font la différence « , ajoute-t-il avec sourire.
Le club anversois ne s’est jamais remis de cette page glorieuse. S’en est suivi une longue descente aux enfers conclue il y a un mois par la relégation en D2. Pourtant, lui, n’a jamais abandonné le navire. Même après le sacre de 1997 lorsque la plupart de ses coéquipiers ont décidé de marchander cette gloire éphémère ; même après la Coupe de Belgique 1999 lorsque la jeune garde s’en alla essaimer les pelouses belges. Il se permit juste un détour par le Standard en 2001, pour clore sa carrière. » Il s’agissait de ma dernière chance d’évoluer dans un club du top. Malheureusement, une blessure au genou m’a empêché de tout donner « . Deux ans plus tard, il réintégrait le staff technique des Pallieters pour assister à la décrépitude de son club.
Juin 1996. Reprise des entraînements au complexe de Kessel-Lo, là où le Lierse prend ses quartiers. Personne ne pouvait s’imaginer être à l’aube d’une saison mémorable. Parmi les nouvelles têtes pointait celle du costaud Van Meir, arrivé en droite ligne de Charleroi, où il avait conquis ses premiers galons d’international. » J’avais passé cinq saisons en Wallonie. Je sentais qu’il fallait tourner la page. Je faisais tous les jours la navette de Merksem. Ce n’était pas un problème puisque j’avais toujours trouvé un compagnon de route ( Pär Zetterberg, Marc Wuyts ou Peter Kerremans à la fin) mais cela commençait à me peser. Cependant, ce qui m’a décidé, c’est l’incertitude quant aux ambitions de Charleroi. J’ai posé la question à l’entraîneur de l’époque, Luka Peruzovic qui ne pouvait pas me garantir que le club continuerait à maintenir des ambitions élevées. A Charleroi, la base était bonne mais le club a trop tardé avant de prévenir les joueurs sur la suite des événements. J’ai finalement reçu une offre du Lierse. Je savais qu’il jouait avec un libéro ( Eddy Snelders) qui montait beaucoup et que celui-ci mettait un terme à sa carrière. De plus, Gerets me voulait absolument. Charleroi et le Lierse étaient deux clubs de même facture. On retrouvait souvent les deux formations aux mêmes places. Le Lierse avait décroché quelques années auparavant un ticket européen. Cependant, rien ne prédisposait mon nouvel employeur à lutter pour le titre ! »
» Gerets exigeait de la concentration même en préparation »
Et pourtant, c’est ce qui arriva. » Chaque année, on ressort en juin le couplet sur le fait de participer ou non à la Coupe Intertoto. Je voudrais quand même souligner que nous avons décroché le titre après une très longue saison. Nous avions atteint les quarts de finale de la Coupe de Belgique mais nous avions également débuté la campagne très tôt en disputant la Coupe Intertoto. Nous avions éliminé un club turc (Gaziantespor), un club hongrois (Vasas), un club Estonien (Trans) et Groningen et on avait échoué face à Karlsruhe qui alignait Sean Dundee et Sergei Kiriakov en attaque. Jamais nous n’avons ressenti la fatigue que tout le monde nous prédisait. La Gantoise a raison de disputer cette compétition. Cela vaut quand même mieux que de baser sa préparation sur des matches amicaux face à des équipes de Promotion « .
Van Meir découvrait un nouvel environnement. » Quand on arrive dans un nouveau club, il faut toujours prouver quelque chose. Je ne me prenais pas pour une vedette mais je pensais que je pouvais apporter un plus au Lierse. Pourtant, contre Karlsruhe, après 40 minutes, je recevais mon deuxième carton jaune et j’étais exclu. A la mi-temps, Gerets m’a engueulé en disant – On ne t’a pas acheté pour commettre de telles bêtises. Il avait raison. Gerets exigeait de la concentration même en préparation. Maintenant que je suis entraîneur, je comprends parfaitement « .
Avec le recul, le titre du Lierse apparaît comme un véritable exploit, surtout quand on analyse le noyau. » Derrière, je formais une paire complémentaire avec Bart De Roover. Nous n’étions pas les meilleurs techniciens du monde mais on savait exactement comment l’autre réagissait. David Brocken et Nico Van Kerckhoven complétaient la défense. Nous étions tous Belges et tous de la région. En attaque, Dirk Huysmans, Bob Peeters, Filip Haagdoren et Zefilho se disputaient les deux places. Entre les deux lignes, on pouvait compter sur le travail de Pascal Bovri et d’ Yves Serneels ainsi que sur le talent d’ Andrzej Rudi qui avait remplacé Kjetil Rekdal parti en août. Rudi pouvait faire la différence à lui tout seul mais il fut souvent gêné par des blessures et il a fallu le ménager pendant toute la saison. Il n’y avait aucune vedette mais on formait un bloc soudé. Sur mais aussi en dehors du terrain car on allait souvent manger ensemble. Dix ans plus tard, j’ai encore gardé de nombreux contacts : je revois fréquemment Van Kerckhoven, Brocken (qui est coordinateur des jeunes au Lierse), Bovri qui tient un magasin de sport à quelques mètres du centre d’entraînement, Peeters qui était revenu au club, ou De Roover et Serneels avec lesquels j’ai passé ma licence pro cette année. Tous les deux mois, Stanley Menzo, qui était notre gardien, me téléphone. On a vraiment vécu quelque chose d’inoubliable et cela nous a liés pour des années. Vous savez, la plupart des joueurs du noyau avaient entre 28 et 30 ans. On se rendait compte que c’était le seul titre qu’on allait glaner dans notre carrière, du moins avec le Lierse ! »
» Menzo parlait beaucoup. Je devais même parfois lui dire de se calmer. Lui et Gerets nous apportaient la gestion des moments importants »
En décembre, alors que les Lierrois luttaient pour les premières places, l’objectif fut revu à la hausse. » Nous avions entamé la compétition en visant une place européenne. C’est dans cette optique qu’Haagdoren et moi avions été achetés. A la trêve, on s’est dit qu’il y avait peut-être moyen de faire mieux. On n’osait pas évoquer le titre. Seul Menzo avait été champion aux Pays-Bas. Pour les autres, il s’agissait de quelque chose d’impensable. En janvier, nous avons battu deux fois le Club Bruges. En Coupe et en championnat. On a également battu Anderlecht 5-1. On filait vers le titre sans oser se retourner. A trois journées de la fin, nous avons subi la loi de Saint-Trond. Bruges nous dépassait. A ce moment-là, on a pensé que c’était fini. Mais rien ne pouvait déstabiliser ce groupe. En février, certains joueurs avaient décidé de quitter le club. Même Eric Gerets nous avait appris qu’il partait pour Bruges. Pourtant, nous ne voulions rien lâcher. Après la succession de bons résultats, on a commencé à grandir mentalement. Gerets savait aussi nous gonfler ou nous calmer selon les circonstances. Lui et Menzo nous apportaient la gestion des grands moments. Ils possédaient tous les deux des caractères de gagnants. Menzo avait eu Johan Cruijff comme entraîneur et cela se sentait. Quand on analyse ses prestations, on se dit qu’il s’est inscrit dans l’histoire comme un des premiers gardiens volants. Ce qu’il faisait il y a dix ans commence seulement à se généraliser dans notre championnat depuis deux, trois saisons. Il parlait également beaucoup. Je devais même lui dire parfois de se calmer car le groupe n’était pas habitué à autant de verve « .
Relégué à la deuxième place à deux journées de la fin, les carottes semblaient cuites. » Pourtant, Bruges se déplaçait à l’Antwerp et nous recevions Genk. A la mi-temps, nous étions menés 1-2 mais lorsque nous avons appris que Bruges perdait, cela nous a boosté. Les supporters nous ont transcendé et nous avons battu Genk 5-2. Je crois que l’on avait réalisé la meilleure mi-temps de la saison « .
Il ne restait plus qu’un match et le Lierse reprenait la main. » Nous disputions notre dernier match au Standard. Ce n’était pas un client mais on se sentait invincible, sûr de nous. De plus, les Liégeois n’avaient plus rien à gagner. On a commencé à 100 à l’heure et après 25 minutes, le score affichait déjà 0-2 « .
La messe était dite. Le champagne pouvait couler à flots. » Cela faisait 37 ans que le Lierse attendait pareille fête. Toute la ville était en liesse. Nous étions des joueurs du peuple et on s’est joint aux supporters. Trois jours plus tard, l’équipe nationale se réunissait pour rencontrer Saint-Marin. Six Lierrois (De Roover, Van Kerckhoven, Brocken, Haagdoren, Peeters et moi) faisaient partie du noyau. George Leekens, le sélectionneur de l’époque, avait appelé la police pour nous faire passer un test d’alcoolémie. C’était l’humour Leekens. Le test s’est avéré négatif ! »
» Quand je revois mes anciens coéquipiers, ils me disent – On a beaucoup couru pour toi car tu montais tout le temps »
Pas d’individualités, pas de vedettes mais tout de même un sacré buteur. Tous les adversaires craignaient les montées de Van Meir. » Cette saison-là, j’ai inscrit 16 buts en étant défenseur. Cela n’arrive pas tout le temps, hein ? Je ne savais pas que je pouvais le faire. Quand tu es dans une spirale positive, tout rentre. Sur mes cinq années au Lierse, j’ai terminé trois fois meilleur buteur du club. En 1996-1997, les quatre défenseurs avaient marqué 30 buts. Nos exploits avaient provoqué de nombreuses critiques sur les attaquants mais nous les avons toujours soutenus. Ils étaient les premiers à défendre et nous, on marquait ! Le danger venait de partout et c’est sans doute ce qui est le plus difficile à contrer. Il y avait toujours un défenseur qui montait. A tour de rôle, même si je recevais plus souvent le mien ( il rit). L’attaquant adverse devenait fou car il passait plus de temps à défendre sur moi qu’à attaquer. Quand je retrouve Van Kerckhoven, Bovri, Serneels et De Roover, on reparle de cela. Ils me disent toujours en rigolant – O n a beaucoup couru pour toi car tu étais tout le temps parti ! Ils exagèrent mais c’est un peu vrai. Le rôle de Serneels et Bovri était très important car ils bouchaient les trous. Il s’agissait sans doute des deux personnages les moins médiatiques mais ils formaient la base de l’équipe « .
Outre ses buts, Van Meir pouvait également faire valoir un gabarit hors du commun. » Je savais ce que je pouvais faire. Je n’avais pas le style d’un gars comme Luc Nilis ou Marc Degryse mais j’étais un bon joueur de club. Je plaisais aux supporters car j’étais un combattant qui se donnait à fond. Cette année, on fête le centenaire de Berchem, mon premier club, et je ferai partie de l’équipe du siècle. Comme j’ai fait partie du onze du siècle de Charleroi et du Lierse. Cela veut quand même dire quelque chose, non ? ».
Le Lierse ne s’est jamais remis de son titre. » Cela a apporté plus de mal que de bien. Nous avons trop investi dans le stade. Pour remplacer les neuf départs, le Lierse a attiré des joueurs qui venaient dans un club champion et qui en ont profité pour demander des gros contrats. Sportivement, la Ligue des Champions fut une catastrophe et cela a conduit le club dans le trou. Cela faisait deux ans que l’on se battait pour garder la tête hors de l’eau. La descente en D2 n’est peut-être pas une mauvaise chose. Cela va nous permettre de recommencer à zéro. Il faut suivre l’exemple de Malines. Les dirigeants ont pris des joueurs de D2, des jeunes et ont évolué sans pression. Même lors du tour final, ils ont affirmé que ce n’était pas un drame s’ils ne montaient pas. L’Antwerp, Beveren, Courtrai et le Lierse disent tous qu’ils veulent être champion. On va déjà débuter le championnat avec cette pression ! »
par stéphane vande velde – photos : reporters
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