Laurent Minguet, homme d'affaire wallon et membre de l'Académie royale de Belgique, en 2007.

Tweet sur la lapidation : Ce que Laurent Minguet risque juridiquement

Stagiaire Le Vif

Laurent Minguet, homme d’affaire et membre de l’Académie royale, fait déjà l’objet d’une plainte pour racisme. Le 8 février, il a tweeté sur la lapidation de Fatima Zibouh. Ces propos s’ajoutent à son dossier et posent des questions juridiques. Décryptage.

Le 8 février, l’homme d’affaires et membre de l’Académie royale de Belgique, Laurent Minguet, a publié un tweet évoquant la lapidation de Fatima Zibouh, politologue chargée de défendre le dossier de Bruxelles, capitale européenne de la culture en 2030.

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Suite à de nombreuses réactions d’utilisateurs et d’utilisatrices sur le réseau social, certaines défendant la liberté d’expression et l’humour, d’autres dénonçant des propos racistes et problématiques, le compte Twitter de l’académicien a été brièvement suspendu.

Laurent Minguet s’est expliqué à nos collègues de BX1 en avançant que ce tweet était ironique – l’émoticône utilisé en serait la preuve – et faisait allusion à un moyen mnémotechnique pour retenir les pluriels irréguliers en « ou ». Il a souligné « l’humour Charlie » qui ne « ferait plus partie de la culture Bruxelloise. » Fatima Zibouh ne s’est pas encore exprimée.

La liberté d’expression a ses limites

Pour le directeur d’Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, Patrick Charlier, « L’humour n’excuse pas tout. Dieudonné a été condamné pour antisémitisme et incitation à la haine pour des spectacles qui relevaient soi-disant de l’humour. »

« En Belgique, trois lois différentes interdisent l’incitation à la haine en raison d’un critère protégé de discrimination », explique Julie Ringelheim, professeure de droit à l’UCL. Pour que ces lois soient mobilisées, il faut une certaine publicité aux propos tenus et qu’ils concernent un des critères protégés (la nationalité, la couleur de peau, l’ascendance, l’orientation sexuelle, le genre…). Il faut aussi démontrer que les propos tenus avaient une intention haineuse. Pour la professeure, il est « assez clair que les propos tenus incitent à la haine voire à la violence. Il y a des termes très violents comme ‘lapider’ qui sont utilisés à l’encontre d’une personne nommément désignée. Cela rentre dans un contexte d’atteintes à l’encontre de Fatima Zibouh, clairement liées à sa pratique religieuse et à son port du foulard. »

Racisme, islamophobie, sexisme ?

D’après le président d’Unia, les propos de Minguet pourraient rentrer dans les conditions de la loi Moureaux contre le racisme. Ses critères sont l’origine, l’origine nationale ou ethnique, la couleur de peau et l’ascendance.Les écrits de Laurent Minguet devront donc être analysés en fonction du contexte, si une plainte est déposée. En tout cas, la loi de 2007 contre les discriminations peut être mobilisée : ce tweet porte une atteinte implicite aux convictions religieuses de Fatima Zibouh. « Il y a une autre dimension à examiner aussi : la lapidation concerne exclusivement les femmes. Ce qui renforce peut-être le caractère doublement discriminatoire ou intersectionnel des propos tenus par Laurent Minguet. » Patrick Charlier a toutefois précisé qu’Unia n’irait pas en justice sans l’accord de Fatima Zibouh, injoignable pour l’instant.

Les écrits de Laurent Minguet répondent aux critères du délit de presse. C’est-à-dire, « tout délit commis par voie de presse. Autrement dit, toute forme d’écrit diffusé dans l’espace public, imprimé ou numérique », explique Julie Ringelheim. Les délits de presse à caractère non raciaux relèvent de la Cour d’assises. Avec son jury populaire, cette Cour est chronophage et onéreuse. D’après Patrick Charlier (Unia), « cela implique une impunité de fait ». Julie Ringelheim confirme : « On ne met quasiment jamais en place une Cour d’assises pour juger des procès d’incitation à la haine qui rentre dans les critères d’un délit de presse, c’est considéré comme inadéquat. »

Une récidive de Laurent Minguet ?

Laurent Minguet a déjà été mis en cause pour des propos racistes. En 2022, déjà sur Twitter, il décrivait la soit-disant supériorité intellectuelle des Blancs sur les Noirs. Comme personne n’était individuellement ciblé, Unia a porté plainte pour racisme. L’Académie royale s’y est jointe et a déposé une déclaration de personne lésée. Elle a aussi ouvert une enquête en interne. Vis-à-vis du tweet à l’encontre de Fatima Zibouh, le secrétaitre perpétuel de l’Académie royale de Belgique, Didier Viviers, a annoncé qu’il serait ajouté au dossier. Patrick Charlier nuance : pour l’instant, il s’agit seulement d’une hypothèse.

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Fatima Zibouh n’a pas (encore ?) porté plainte. Et si procès il y a, pour Patrick Charlier, « on aura peut être intérêt à distinguer les deux procédures pour ne pas bloquer l’ensemble du dossier. Il nous est déjà arrivé de faire un sélection (dans d’autres affaires, NDLR) et de ne garder que les infractions à la loi raciste en excluant d’autres types de haine, pour s’assurer qu’il y ait des poursuites. Si on poursuit sur l’ensemble des propos haineux, on risquerait d’attirer tout le dossier devant la Cour d’assises. » Ce qui n’engagerait donc probablement aucune poursuite.

Est-ce que ce passif récent constituerait un facteur aggravant pour Laurent Minguet? D’après Julie Ringelheim, « la première plainte pourrait être utilisée comme un élément de contexte et être pris en compte pour apprécier la personnalité de l’auteur et pourrait renforcer le constat d’une tendance. » Quant à son statut de membre de l’Académie royale, il pourrait jouer en sa défaveur : « S’il y a un procès pénal, sa position sera prise en compte. Et vu le statut qu’il occupe, il pourrait difficilement prétendre de ne pas se rendre compte de la portée de ses propos. ».

Les peines pour incitation à la haine en raison d’un critère de discrimination, sont une amende de 400 à 8000 euros et/ou une peine d’un mois à un an de prison.

Zoé Leclercq

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