Aéroport international Galeao de Rio de Janeiro, au Brésil, le 13 avril 2021. Plus contagieux, probablement plus sévère, le variant P1 "brésilien" reste méconnu, mais suscite de nombreuses inquiétudes, qui ont conduit le gouvernement français à suspendre ses vols vers le Brésil jusqu'à nouvel ordre. © AFP

Yves Coppieters: « il faut surveiller le variant brésilien aux frontières et limiter son importation »

Stagiaire Le Vif

Plus contagieux et plus dangereux que la souche de coronavirus « classique », le variant brésilien inquiète l’Europe. Pour le docteur Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur à l’École de Santé publique de l’ULB, « il faut prendre des mesures maintenant » concernant les voyageurs qui se rendraient ou reviendraient du Brésil.

Faudrait-il suspendre les vols en provenance du Brésil ?

Yves Coppieters : Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de suspendre les vols, mais plutôt renforcer les contrôles aux frontières. La Belgique ne dispose pas de vols directs avec le Brésil. On devrait de toute façon mettre en place un système de surveillance plus fort pour tous les passagers en provenance du Brésil ou des zones à risque comme le Portugal. Ce dernier a des relations privilégiées avec le Brésil. Les voyageurs devraient être mis en quarantaine obligatoire après avoir été testés. Ici, il faut envisager un contrôle des quarantaines parce qu’elles ne sont pas très respectées pour l’instant. Il faudrait mettre à disposition des hôtels de confinement ou des lieux où l’on peut accueillir les voyageurs pour 7-10 jours après leur arrivée pour être sûrs qu’ils sont bien en isolement. Beaucoup de pays prennent des mesures dans ce sens. Il ne faut pas tergiverser par rapport au variant brésilien ou encore l’indien.

Est-ce que c’est trop tard pour adopter cette mesure ?

Non, ce n’est pas trop tard. La souche circule à 2-3 % chez nous. Mais il faut limiter absolument la propagation de ce variant maintenant. Celui-ci est plus fort que la souche britannique. Il risque de prendre plus de place dans les semaines et les mois qui viennent si l’on ne prend pas des mesures à présent.

Encouragez-vous des règles au niveau européen ?

Les règles doivent être prises avant tout au niveau européen. Il faut une coordination sur le suivi des séquences génomiques du virus ainsi qu’une stratégie commune de surveillance aux frontières. Mais si un accord européen n’est pas possible, il faudra alors l’envisager de même à l’échelle nationale.

Faut-il craindre ce variant ?

Oui, il faut craindre tous les variants qui ont une contagiosité plus importante que les souches « classiques ». Ce variant brésilien a plus ou moins les mêmes mutations que le variant britannique, mais il est encore plus infectieux. On parle d’une transmissibilité supérieure à 2,5 % par rapport à la souche classique de COVID-19. Il possède une virulence et une létalité plus considérable aussi. C’est ce qui explique la situation à Manaus, une ville au Brésil fortement touchée par ce variant. Les cliniciens disent que les signes observés dans les patients hospitalisés ne sont pas différents d’un variant à l’autre. Cependant, ils communiquent un rajeunissement des formes graves. Ce sont spécialement les personnes qui ont des facteurs de risque comme des comorbidités, diabètes, hypertension, immunodépression, obésité qui souffrent des complications.

Le variant brésilien touche-t-il plus les jeunes comme le variant anglais ?

Le variant anglais touche plus les jeunes, mais on n’est pas sûr que ce soit lié spécifiquement aux caractéristiques du variant. Des études démontrent que le variant britannique n’est pas plus virulent que la souche classique. Ce n’est pas donc l’aspect de la virulence qui explique la situation actuelle, mais plutôt la diminution d’adhésion aux gestes barrières. On a l’impression qu’avec la vaccination, la population est plus protégée, mais il est encore trop tôt pour constater l’effet de celle-ci sur la société.

Les vaccins en circulation immunisent déjà ce variant ?

Certains vaccins ont montré leur efficacité contre le variant britannique. Néanmoins, les firmes pharmaceutiques doivent à présent retester le niveau d’efficacité de leurs vaccins contre d’autres variants tels que le sud-africain, indien et brésilien. Si elles n’observent pas d’efficacité, elles devront envisager une « troisième dose » qui permettrait d’intégrer la protection contre ces souches. Un autre vaccin qui va arriver, le CureVac, semble avoir une bonne efficacité sur le variant britannique et sud-africain. Il est peut-être efficace contre les autres souches également, mais on n’a pas encore de données sur son impact sur le variant indien et brésilien.

Quel risque représenterait le Brésil au niveau mondial si aucun pays ne prend des mesures ?

Le Brésil est devenu un gros foyer épidémique. La situation aggravée dans le pays n’est pas uniquement due au variant, mais aussi aux politiques publiques du « laisser-aller » à l’égard des mesures de protection. Toutefois, le virus ne va plus forcément s’étendre comme une tache d’huile sur toute la planète à l’instar de la première vague. Les pays comme le nôtre et d’autres qui avancent bien dans la vaccination commencent à avoir désormais des armes assez efficaces par rapport à la gestion de l’épidémie. En plus de la vaccination, il faut activer l’ensemble de mesures comme le testing, les quarantaines et la limitation de l’importation d’autres souches. Si celles-ci sont bien assurées, il n’y a pas de raison d’avoir peur du variant brésilien.

Valentina Jaimes

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