Vaccin, traitement : où en est la recherche contre le coronavirus ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Grâce à la recherche, nous sommes chaque jour un peu plus armés pour lutter contre le Covid-19. Où en sont les développements de traitements et de vaccins ? Tour d’horizon.

Le point sur les traitements

L’espoir du remdesivir

C’est à ce jour la percée thérapeutique la plus notable: un médicament initialement développé contre Ebola, le remdesivir, semble avoir prise sur le coronavirus. Ce médicament expérimental du laboratoire américain Gilead a aidé des malades hospitalisés à se rétablir 31% plus vite, selon les résultats préliminaires d’un essai clinique. Comparés aux malades ayant reçu un placebo, les patients traités avec le remdesivir se sont rétablis en 11 jours (durée médiane) au lieu de 15 jours. En revanche, les résultats préliminaires ne montrent pas si le médicament permet de sauver des vies. La mortalité du groupe de patients traités par remdesivir était de 8%, contre 11,6% dans le groupe témoin : une différence trop faible pour exclure que ce soit le fruit du hasard. Les résultats entiers n’ont pas encore été publiés, donc les experts restent prudents. Mais Donald Trump a demandé à l’Agence américaine du médicament (FDA) d’accorder « rapidement » une autorisation d’utilisation en urgence pour les hôpitaux, hors essais cliniques. Le patron de Gilead Sciences a annoncé que le laboratoire disposait actuellement de 1,5 million de doses qui seraient données, pour traiter au moins 140.000 patients. Gilead vendra ensuite le remdesivir à un prix « abordable », a-t-il dit.

Le tocilizumab, efficace pour les patients dans un état grave

Le médicament immunomodulateur tocilizumab a montré son efficacité pour prévenir « l’orage inflammatoire » chez les patients dans un état grave. Ce traitement a réduit significativement la proportion de patients ayant dû être transférés en réanimation ou décédés, par rapport à ceux ayant reçu un traitement standard, a indiqué l’Assistance publique-hôpitaux de Paris. Il s’agit du premier essai comparatif par tirage au sort qui fait la « démonstration d’un bénéfice clinique » de ce traitement chez des malades souffrant d’une infection sévère. Ces résultats doivent encore être consolidés. Le tocilizumab (Actemra ou RoActemra), du laboratoire Roche, appartient à la famille des anticorps monoclonaux – des anticorps créés en laboratoire, issus d’une seule et même souche de lymphocytes et conçus pour répondre à une cible précise. Utilisé habituellement dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, il agit en bloquant le récepteur d’une protéine du système immunitaire qui joue un rôle important dans le processus inflammatoire. Certains patients atteints par le coronavirus connaissent une brusque aggravation de leur état après plusieurs jours, à l’origine d’une détresse respiratoire aiguë, un phénomène probablement lié à une réaction immunitaire excessive de l’organisme.

Un médicament contre l’arthrite décevant

Un médicament contre l’arthrite, le Kevzara, a donné des résultats décevants à la suite d’essais cliniques. Ce traitement de l’américain Regeneron et du français Sanofi n’attaque pas directement le coronavirus, mais inhibe une réponse immunitaire anormale appelée « tempête de cytokines », laquelle provoque une inflammation des poumons des patients les plus malades, contraints de lutter contre la mort sous respirateur artificiel. Une première petite étude en Chine paraissait prometteuse, mais le médicament n’a montré aucun avantage par rapport à un placebo dans une étude américaine plus importante portant sur des patients atteints d’une forme grave de la maladie, c’est-à-dire des personnes ayant besoin d’oxygène, mais pas de respirateur artificiel. Une lueur d’espoir est cependant apparue pour ceux qui étaient dans une phase « critique », c’est-à-dire qui avaient besoin d’une ventilation mécanique ou d’une oxygénation à haut débit.

L’hydroxychloroquine divise toujours autant

L’hydroxychloroquine et la chloroquine est toujours aussi contestée. Promus notamment par le président Donald Trump et le controversé Pr Didier Raoult, ils ont pourtant des effets secondaires graves, selon l’Agence européenne des Médicaments (EMA) : « De récentes études ont fait état de problèmes graves, et dans certains cas fatals, de rythme cardiaque avec la choloroquine et l’hydroxychloroquine, notamment prises à forte dose ou en combinaison avec l’antiobiotique azithromycine. » Ces traitements sont également susceptibles de causer des problèmes de foie et de reins, d’endommager des cellules nerveuses pouvant provoquer des convulsions et une hypoglycémie, met en garde l’agence. Les données issues d’études cliniques sont encore très limitées et peu concluantes et les effets bénéfiques de ces médicaments sur la maladie Covid-19 n’ont pas été démontrés, indique l’EMA. Aux Etats-Unis, les résultats publiés de la plus vaste étude à ce jour, financée par le gouvernement américain, arrivent aux mêmes conclusions. Les autorités sanitaires américaines ont d’ailleurs formellement déconseillé son utilisation hors hôpital.

>> Une méthode pour doser l’hydroxychloroquine mise au point à l’ULB

Le point sur les vaccins

Une dizaine de projets à l’essai

Selon des données diffusées par la London School of Hygiene & Tropical Medicine, il existe à l’heure actuelle près de 120 projets différents de vaccins. Huit projets en sont arrivés au stade des essais cliniques de phase I sur des hommes. Le but principal d’essais de phase I est de tester la sécurité et dans une moindre mesure l’efficacité d’un produit médical. Les essais de phase II puis de phase III, conduits à plus large échelle, ont pour but d’en évaluer l’efficacité, avant une éventuelle autorisation de mise sur le marché par les autorités sanitaires. Parmi ceux-ci un projet chinois, conduit notamment par l’entreprise cotée à Hong Kong CanSino, se trouve à un stade encore plus avancé, avec des essais cliniques de phase I et de phase II. Trois autres projets chinois sont en phase I d’essai: l’un mené par le géant pharmaceutique Sinovac, ainsi que deux conduits par l’Institut médical de Shenzhen. Ailleurs dans le monde, on compte en outre un projet britannique conduit par l’université d’Oxford et un autre allemand mené par le laboratoire BioNTech, tous deux entrés en phase I. Les Etats-Unis comptent deux projets de vaccins qui sont en phase I d’essai: l’un conduit par l’entreprise de biotechnologie Moderna en partenariat avec les Instituts nationaux de santé américains (NIH) et l’autre par la biotech Inovio Pharmaceuticals.

C’est pour quand ?

En l’absence de remèdes éprouvés contre les formes graves de cette maladie et avec une immunité collective qui est loin d’être atteinte partout dans le monde, seuls des vaccins administrés à large échelle permettraient de se prémunir contre la maladie et d’interrompre la transmission du virus. Mais il y a un problème de taille : le processus pour élaborer des vaccins, les produire à large échelle et engager des campagnes de vaccination massives est extrêmement long. Jusqu’à quand devrons-nous attendre ? Un délai de 12 à 18 mois minimum a souvent été avancé par des organisations sanitaires comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par de grands laboratoires pharmaceutiques. Certains experts estiment possible d’avoir un vaccin d’ici la fin 2020.

>> Les experts de l’UCLouvain vous répondent: « Le vaccin, seul moyen pour une immunité collective »

Chine : un possible vaccin se fabrique déjà à grande échelle

Sinovac Biotech, l’un des quatre labos chinois autorisés à engager des essais cliniques, voit plus grand. Même si son vaccin n’a pas encore fait ses preuves, le groupe se dit prêt à produire 100 millions de doses par an pour combattre le virus. Même si l’homologation est encore loin, le fabricant doit montrer qu’il est capable de le produire à grande échelle et soumettre des lots au contrôle des autorités, d’où le lancement de la production avant même la fin des essais cliniques. L’entreprise assure avoir obtenu des résultats encourageants chez le singe, avant d’administrer son sérum pour la première fois à 144 volontaires à la mi-avril. Mais le labo fondé en 2001 ne se prononcera pas sur la date à laquelle son injection d’un demi-millilitre pourra éventuellement être commercialisée. Être la première à offrir un vaccin contre le Covid-19 serait une revanche pour la Chine, désireuse de faire oublier que la pandémie a pris naissance chez elle.

Un vaccin pour l’automne, l’ambition britannique

L’université d’Oxford affiche l’espoir, très ambitieux, de pouvoir rendre son vaccin disponible pour le public dès l’automne. Ses travaux sont fortement soutenus par le gouvernement britannique, qui salue un « développement prometteur », soulignant qu’il faudrait en temps normal « des années » avant d’arriver à un tel stade de recherche. Estimant à 80% les chances de réussite, l’équipe du professeur Sarah Gilbert prévoit, parallèlement aux recherches, de produire un million de doses disponibles d’ici au mois de septembre, afin de le rendre largement disponible dès l’automne en cas de succès. Mais les équipes qui mènent ces recherches précisent que ce calendrier est « hautement ambitieux » et pourrait changer. Le vaccin que développent les chercheurs d’Oxford est basé sur un adénovirus modifié touchant les chimpanzés. Il permet de « générer une forte réponse immunitaire avec une seule dose et il ne s’agit pas d’un virus qui se réplique », si bien qu’il « ne peut pas causer d’infection continue chez l’individu vacciné ». Cela le rend « plus sûr pour les enfants, les personnes âgées » et les patients qui auraient des maladies sous-jacentes comme le diabète. Le gouvernement britannique soutient également les recherches menées par l’Imperial College de Londres, qui espère entamer ses essais cliniques en juin. Leurs recherches portent sur un vaccin au principe différent. (avec AFP)

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