Consommer les cacahuètes grillées plutôt que bouillies peut favoriser l’allergie à cette arachide. © getty images

Pourquoi on n’est pas allergique de la même manière selon les régions du monde

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Souffre-t-on des mêmes allergies que l’on vive en Belgique, au Soudan, en Bolivie ou au Japon? Pas forcément.

On sait que la sensibilité aux allergènes est multifactorielle et le critère géographique peut en partie expliquer les différences de prévalence entre les populations. L’air qu’elles respirent et, surtout, la manière dont elles se nourrissent sont les principales variables mises en évidence par les études sur les allergies.

Le milieu de vie, tout d’abord. On sait que la mauvaise qualité de l’air favorise le développement des allergies respiratoires, surtout chez les enfants, expose la Pr Françoise Smets, gastro-pédiatre aux Cliniques universitaires Saint-Luc (UCL) à Bruxelles. «En ce qui concerne l’asthme, la pollution est un facteur de risque très significatif. C’est la raison pour laquelle on observe des différences entre les diverses régions à travers le monde ou au sein d’un même pays, selon qu’on se situe en milieu urbain ou rural.»

Il est en effet communément admis que vivre en milieu rural constitue un facteur protecteur contre le risque de développer des allergies, la raison invoquée étant une exposition précoce aux endotoxines bactériennes, ce qui a pour effet de modifier le profil immunologique de l’individu. «Néanmoins, l’utilisation massive de pesticides et le fait que nous soyons allergiques à un nombre croissant de composants a pour conséquence qu’il est difficile de prouver l’impact réel de chaque facteur sur le développement des allergies.»

Les Allemands de l’Ouest étaient plus allergiques que ceux de l’Est.

Ce que nous ingérons, ensuite. La façon dont les aliments sont préparés et cuisinés peut expliquer pourquoi les Européens sont plus allergiques aux arachides que les Chinois, par exemple. Dans nos contrées, on consomme la cacahuète de préférence grillée alors qu’en Chine, elle est bouillie. Une équipe de scientifiques français a mis en évidence le fait que la cacahuète bouillie est moins bien reconnue par le système immunitaire (plus particulièrement les IgE) que les cacahuètes grillées ou crues. Le magazine Science & Vie, qui relève cette particularité, en expose une autre, plus insolite: au moment de la réunification allemande, en 1990, on a observé que les Allemands de l’Est étaient moins allergiques que ceux de l’Ouest.

Plusieurs explications ont été avancées, notamment le fait que les deux populations n’avaient pas été exposées de la même manière aux particules polluantes et que leur mode de vie était différent, l’Ouest étant plus «occidentalisé».

L’augmentation de la prévalence des allergies et des intolérances alimentaires a suscité beaucoup d’intérêt au cours des deux dernières décennies, soulignent les auteurs d’une analyse publiée en 2012 dans Clinical and Translational Allergy. Voici quelques exemples de disparités entre pays et continents qu’elle révèle.

En Chine, les principales causes de réactions alimentaires indésirables sont les mollusques et crustacés (15,8%), les œufs (9,1%), les arachides (8,1%), le bœuf (6,4%), le lait de vache (5,7%) et les fruits à coque (5%). Les mêmes allergies ont été constatées dans d’autres régions d’Asie – Taïwan, Indonésie, Philippines, Malaisie, Singapour, Japon, Thaïlande – et en Australie, avec quelques différences dans l’ordre d’importance: surtout les œufs et le lait de vache en Australie, le poisson et les crustacés en Asie.

Peu d’études ont été menées sur les allergènes les plus courants au Moyen-Orient. On sait toutefois que les patients observés en Iran et en Arabie saoudite présentent une sensibilisation aux principaux allergènes (œufs, lait, fruits à coque, blé…) avec quelques spécificités: des allergies aux dates en Iran, au sésame en Israël.

La population mexicaine est sensible, entre autres, au chili, au poulet, à la mangue...
La population mexicaine est sensible, entre autres, au chili, au poulet, à la mangue… © getty images

Les données manquent également en ce qui concerne l’Afrique. Une étude menée sur cinq ans au Zimbabwe pointe la pomme (24%), la tomate (24%), le soja (22%), le crabe (22%) et l’arachide (20%) comme principaux allergènes. En Afrique du Sud, ce serait plutôt le blanc d’œuf (3,3%), l’arachide (1,9%) et le lait (1,9%). D’autres aliments exotiques tels que le ver mopane ou le manioc, consommés en Amérique du Sud mais aussi en Afrique et en Asie, sont mentionnés dans des études menées au Ghana et au Brésil.

En Amérique du Sud, la population mexicaine présente la particularité d’être sensible à de nombreux aliments: hormis les plus courants, la littérature cite le chili, la mangue, le cacao et la fraise, le poulet, la laitue, l’orange, le porc et une plante originaire d’Amérique du Nord, l’amarante de Palmer. Avec la mondialisation de l’alimentation, la palette d’allergènes venus d’ailleurs risque encore de s’étoffer à l’avenir.

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