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Rémunération des généralistes : « Ça ne reste qu’un pari »

Une première proposition du « New Deal » pour les médecins généralistes a été dévoilée. Elle prévoit une nouvelle méthode de financement alliant forfait, rémunération à l’acte et primes. Pourrait-elle pallier tous les problèmes que rencontre la profession ?

La médecine générale est confrontée à d’importants problèmes structurels, que dénoncent les praticiens depuis plusieurs années. Parmi ceux-ci: le vieillissement dans la profession alors qu’une relève suffisante n’est pas assurée. A cela s’ajoute la pénurie générale de médecins généralistes, la problématique du surplus des charges administratives et la difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle.

En juin 2022, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) avait présenté la préface d’un « New Deal ». Depuis, un groupe de réflexion, dirigé par les professeurs Ann Van den Bruel (KULeuven) et Jean-Luc Belche (ULiège) et composé d’acteurs de la santé, a été mis en place. Ce lundi, ces derniers ont présenté leur rapport final.

Dans ce document, il est question de mettre en place un nouveau modèle de rémunération des médecins généralistes. Actuellement, ceux-ci sont rémunérés par l’Inami de deux manières, à l’acte (par visite ou consultation) ou par forfait (en fonction du nombre de patients que le médecin gère via le dossier médical global, ndlr). A ce jour, 77 % des revenus proviennent de la facturation « par acte » et environ 17 % concernent la gestion du dossier médical global des patients (DMG). Les 6% restants recouvrent les primes qui sont déjà en place. Le « New Deal » a pour vocation de rééquilibrer ce système, pour parvenir à un financement de 40 à 45% pour chaque type de facturation, mais aussi de le faire évoluer.

Le faire évoluer? Le nouveau modèle de rémunération inclut en effet la création d’un troisième pilier, une sorte de système hybride liée à l’octroi de primes. « Il était légitime et pertinent de se demander s’il n’y a pas une voie médiane qui pourrait répondre à plusieurs questions relatives à la pratique de la médecine générale et qui pourrait rencontrer l’adhésion d’une partie grandissante des médecins », indique Paul De Munck, président du Groupement Belge des Omnipraticiens (GBO).

Concrètement, il est question de garder les primes existantes mais d’en ajouter de nouvelles, notamment une prime pour la collaboration, c’est-à-dire dans le cas où le médecin est accompagné par un infirmier ou par une personne en charge de la gestion administrative au sein de son cabinet. Ces primes engloberaient 10 à 15 % de la rémunération des médecins.

L’objectif serait de permettre au généraliste de remplir toutes ses missions, notamment la prévention, tout en maintenant un rythme de vie raisonnable. « L’intention est louable. Le plan apporte une première piste de solutions pour un certain nombre de problèmes. Notamment – et c’est important – dans la manière dont le médecin généraliste va pouvoir mieux préserver l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle tout en travaillant un nombre décent d’heures et en gagnant correctement sa vie. Rien que pour cela, je pense que ça vaut la peine d’être tenté », souligne le président du GBO tout en insistant sur le fait que « ça ne reste qu’un pari. L’avenir nous dira si le ministre a eu raison de se montrer aussi enthousiaste ».

A noter que l’opération serait neutre sur le plan budgétaire, sauf en ce qui concerne les primes pour les infirmiers et pour la gestion. Il n’y aurait donc, à priori, aucun changement pour les patients.

« La question se pose de savoir pourquoi les primes, par exemple, pour le soutien à la pratique ne seraient fournies qu’aux seuls médecins généralistes qui se convertissent au New Deal. »

Une réponse sur le long terme?

Si Paul De Munck est plutôt favorable à la proposition, les effets directs de ce changement seront difficiles à percevoir selon lui. D’une part, parce qu’il faudra attendre que les médecins généralistes utilisent ce système et, d’autre part, parce que ces aménagements ne répondront pas directement à l’un des grands défis de ce « New Deal », à savoir la pénurie de médecins généralistes en Belgique. « Trop de patients n’arrivent plus à trouver un médecin. Est-ce que cette réforme va apporter des solutions sur ce point? Je pense qu’à court terme, non. Mais, peut-être n’est-ce là qu’un début de réponse… Quoi qu’il en soit, il faudra traiter ce problème de manière beaucoup plus structurelle. »

A l’annonce des grandes lignes de ce « New Deal », d’autres acteurs du secteur se sont montrés moins enthousiastes et ont émis des réserves. C’est le cas de l’Association Belge des Syndicats Médicaux. L’ABSyM dénonce une intention cachée de Frank Vandenbroucke de limiter progressivement le système de financement à la visite. « La question est de savoir pourquoi les primes, pour le soutien à la pratique, par exemple, ne seraient fournies qu’aux seuls médecins généralistes qui se convertiraient au New Deal. Nous insistons pour que le financement d’un assistant de pratique, d’un(e) infirmier(e) ou d’un(e) gestionnaire soit également accordé aux médecins généralistes qui travaillent dans le modèle basé sur un système à l’acte. Le fait que le New Deal ne soit accessible qu’aux médecins généralistes conventionnés est inacceptable », peut-on lire dans un communiqué signé par Johan Blanckaert, président de l’ABSyM, Luc Herry, vice-président et Jos Vanhoof, administrateur.

Il est cependant important de noter que les médecins généralistes resteraient, a priori, libres de choisir parmi ces trois systèmes. « On sera extrêmement vigilants pour que ça ne le devienne pas demain. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas parce qu’on met en place un nouveau modèle qu’il faudra forcément déforcer le soutien aux pratiques actuelles », affirme Paul De Munck.

Quoi qu’il en soit, la proposition est dorénavant dans les mains de l’Inami et de la commission médico-mutualiste. Une fois la proposition affinée, une phase de test sera mise en place, avec l’intention de l’implémenter dès le début de l’année 2024.

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