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Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca, Janssen, CureVac: les vaccins anti-Covid passés au crible

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Cinq produits aux caractéristiques différentes ont été précommandés par la Belgique, l’un d’eux ayant déjà reçu l’autorisation européenne de mise sur le marché. Alors que jamais une vaccination contre une nouvelle maladie n’a été disponible aussi rapidement, Le Vif/L’Express passe au crible ces cinq vaccins.

La campagne de vaccination anti-Covid 19 a démarré en Belgique le lundi 28 décembre, avec les premières injections dans trois maisons de repos – une en Wallonie, une à Bruxelles et une en Flandre -, même si le coup d’envoi officiel (et massif) reste prévu pour début janvier. C’était la première étape après le feu vert donné par l’Agence européenne des médicaments (EMA), pile une semaine plus tôt, à la mise sur le marché du vaccin BioNTech-Pfizer, les quatre autres réservés par le gouvernement belge devant attendre le 6 janvier pour bénéficier de la même autorisation de commercialisation. Dès que les produits sont commercialisés, s’ouvre la phase 4, celle de la pharmacovigilance: les vaccinés et les médecins signalent aux autorités nationales concernées (chez nous, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé et l’Institut de santé publique Sciensano), ainsi qu’à l’EMA et aux laboratoires pharmaceutiques, d’éventuels effets secondaires inconnus.

Le bénéfice majeur de ces vaccins, c’est l’absence de cas sévères. »

Michel Goldman, immunologue à l’ULB.

Les autorités politiques et sanitaires espèrent vacciner au moins 70% de la population. Ce chiffre se fonde sur le taux de reproduction de base (RO) du virus, c’est-à-dire le nombre de personnes contaminées par un sujet infectieux. Pour la Covid-19, le RO s’élève en moyenne à trois individus (chaque maladie a son RO). D’où ce calcul: 1.000 personnes en contaminent 3.000, 3.000 en contaminent 9.000, etc. C’est la logique épidémique exponentielle. Si la moitié des individus sont immunisés, 1.000 n’en contaminent plus 3.000, mais 1.500. Or, si on atteint 70%, 1.000 personnes en contaminent un peu moins de 1.000. Le RO passe en dessous de 1 ; un sujet infectieux ne contamine pas plus d’une personne. Il n’y a plus de progression exponentielle.

Cette campagne massive de vaccination qui s’organise en un temps record, moins d’un an seulement après le séquençage complet du génome du Sras-CoV-2, suscite néanmoins de nombreuses interrogations. D’abord, celle-ci: le vaccin mettra-t-il fin à la pandémie? Lui seul, non. Tedros Adhanom Ghebreyesus, à la tête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’a dit clairement: « Les individus devront toujours être testés, isolés et les contacts devront toujours être recherchés et mis en quarantaine. Il faudra rester prudent. » Car, généralement, un vaccin ne signe pas la fin d’une maladie. Par exemple, pour la rougeole, dont le vaccin reste l’un des plus efficaces jamais développés, on constate régulièrement des flambées épidémiques dans plusieurs pays, et notamment en Belgique. Avec l’hygiène, il permet de contrôler une épidémie. Et plus la proportion de la population qui est immunisée est grande, plus la propagation du virus ralentit.

En outre, atteindre une immunité collective grâce aux vaccins dépend en partie de leur efficacité (les anticorps développés et leur protection), de leur conservation (les vaccins devant être maintenus à température très basse ne seraient pas adaptés à une vaccination de masse) et de leur distribution. Enfin, l’ensemble de la population mondiale n’aura pas accès aux vaccins en même temps et le virus continuera à circuler si les populations relâchent leurs efforts. « Nous sommes dans une pandémie et il ne s’agit pas seulement de contrôler la maladie au Royaume-Uni, en France ou en Espagne. Nous devons également la combattre en Afrique et en Amérique latine », souligne Tedros Adhanom Ghebreyesus.

De quoi les vaccins protègent-ils?

Pour le moment, on sait que les produits Pfizer et AstraZeneca préservent l’individu vacciné contre les formes graves de la maladie (avec, pour conséquence, d’éviter un engorgement des hôpitaux et, surtout, des soins intensifs), mais on ignore encore leur capacité à réellement empêcher la transmission du virus, même si un récent document de la FDA (Agence américaine du médicament) suggère que la solution de Moderna pourrait avoir un effet sur la réduction de la transmission. Néanmoins, à ce stade, les scientifiques manquent encore de données pour trancher cette question essentielle. Les réponses ressortiront des études réalisées après leur mise sur le marché. Le protocole de Moderna prévoit ainsi d’évaluer l’efficacité et la sécurité du vaccin jusqu’à deux ans après l’administration de la seconde dose. « Le bénéfice majeur de ces vaccins, c’est en effet l’absence de cas sévères », nuance Michel Goldman, immunologue à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Car les décès, les passages en réanimation mais aussi les confinements ne sont dus qu’à ces formes sévères. Si on les supprime, la pandémie n’est plus un danger.

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Combien de temps dure l’immunité conférée par les vaccins?

Pfizer, par exemple, précise que la protection a été mesurée entre sept et quinze jours après la vaccination, soit quand l’immunité des patients est la plus forte. Or, celle-ci a tendance à diminuer avec le temps. Va-t-elle se maintenir à ce niveau pendant des mois, descendre progressivement, chuter brutalement? Selon les premières données, la durée d’immunité du vaccin développé par Moderna persiste 90 jours après la seconde dose. En outre, les études en cours démontrent que les personnes vaccinées présentent davantage d’anticorps que celles immunisées naturellement après une contagion. Des six précédents coronavirus connus pour avoir infecté l’homme, parmi lesquels le Sras-CoV-1 et le Mers, la durée de protection se situait entre douze et vingt-quatre mois et, chez certains individus, plus longtemps encore.

Les anticorps ne sont pourtant qu’une composante de la défense immunitaire. En parallèle, il existe les lymphocytes B (producteurs d’anticorps, dont une partie est stockée pour réagir plus vite en cas de réinfection) et les lymphocytes T (soldats de l’immunité, produits dans la moelle osseuse, qui tuent les cellules infectées). Et, à la différence d’une infection naturelle, qui peut entraîner une réponse immunitaire décalée et ralentie, le vaccin, lui, est conçu pour assurer une immunité globale. « Six mois après, on constate une stabilité au niveau de la réponse immunitaire (les anticorps), note Nicolas Dauby, spécialiste des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre et post-doctorant à l’Institut d’immunologie médicale (ULB). Quant aux lymphocytes B mémoire, on a même observé une augmentation au fil du temps. On peut donc espérer une durée supérieure à six mois. Cela reste à prouver mais sur la base d’expériences précédentes, nous pouvons l’espérer. »

Sur LA base d’expériences précédentes, on peut espérer une durée supérieure à six mois. »

Nicolas Dauby, spécialiste des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre.

Si le virus mute, le vaccin est-il moins efficace?

En réalité, muter est la condition de survie d’un virus. Le Sras-CoV-2 est un parasite quasi parfait qui ne peut pas exister de manière autonome. Le micro-organisme, pour vivre et se reproduire, doit pénétrer à l’intérieur des cellules de son hôte et évoluer légèrement pour subsister. Or, la nature n’est pas parfaite. Chez lui, l’information génétique ne se situe pas sur l’ADN, mais sur une autre chaîne, l’ARN. Ce patrimoine est transmis à chaque reproduction du virus. L’héritage est alors dupliqué des milliers de fois et, devant l’ampleur de la tâche, l’enzyme qui le copie fait régulièrement des erreurs. Les petites mutations apparaissent lors de ces répliques.

Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca, Janssen, CureVac: les vaccins anti-Covid passés au crible

Jusqu’ici, la découverte de variants du coronavirus, en Angleterre et en Afrique du Sud, ne remet pas en question l’efficacité des vaccins déjà mis au point, puisque les mutations n’empêchent pas l’action des anticorps, comme on l’a observé lors de tests sur des souris, relevait il y a deux mois la Rockefeller University de New York. Trois types d’anticorps resteraient efficaces. Mais si le virus devait muter de façon importante, les labos devront adapter les vaccins, à l’exemple de la grippe saisonnière qui, à mesure qu’elle touche la planète, mute aussi régulièrement. Ce qui nécessite de réajuster tous les ans la composition du vaccin antigrippal. Les scientifiques, à l’instar des virologistes Marc Van Ranst (KULeuven) et Steven Van Gucht (Sciensano), sont néanmoins convaincus que « le Sras-CoV-2 est un virus hyperstable par rapport à la grippe« . Et, théoriquement, la technologie de l’ARN messager permet de s’adapter rapidement aux mutations des protéines de surface.

En Belgique, la vaccination, sur base volontaire, sera gratuite pour tous. Le pays devrait recevoir 22 millions de doses (dont 5 millions du vaccin BioNTech-Pfizer, qui s’administre en deux doses espacées de 21 jours), dans le cadre d’un achat groupé négocié par la Commission européenne. Chez nous, seules 210.000 personnes recevront le vaccin Pfizer, dont les 150.000 résidents en maisons de repos. « Dans un premier temps, il est fort probable qu’on utilisera tous les vaccins ayant une efficacité suffisante, conclut Marc Van Ranst. Puis, les meilleurs finiront par s’imposer, et il ne s’agira pas forcément des premiers. » Les technologies à l’origine des vaccins les plus avancés, comme les résultats annoncés par les firmes pharmaceutiques, varient. Passage en revue.

Pfizer-BioNTech-Fosun Pharma

L’Alliance germano-américano-chinoise.

Les caractéristiques:

  • Le stockage doit se faire à minimum – 70 °C, nécessitant l’usage de congélateurs spéciaux ou de glace sèche.
  • Le prix s’élève à 16,5 euros par dose. Le nombre de doses nécessaires est de deux, à 2 à 4 semaines d’intervalle.
  • L’alliance estime ses capacités de production à 50 millions de doses pour l’instant, et à environ 1,3 milliard à la fin 2021.
  • La Belgique a précommandé 5 millions de doses, par le biais de l’Union européenne qui en a réservé 300 millions. Environ 600 000 doses devraient être livrées à la mi-janvier 2021. Le pack ne sera pas fourni en une seule livraison, en raison d’un retard de production chez Pfizer.

Le type:

  • Vaccin à ARN.

La mise sur le marché:

  • Fin 2020.
  • Livraison massive en Belgique dès janvier 2021.

L’efficacité et les effets secondaires:

  • 95%, confirmée par l’agence de santé américaine (FDA). Toujours selon les documents livrés par la FDA, une seule injection entraîne déjà une efficacité de 52%.
  • Les personnes âgées, les personnes obèses, celles souffrant de comorbidités ou encore celles issues de minorités seraient aussi bien protégées que les autres. Chez les plus de 65 ans, population la plus à risque, l’efficacité atteint 94%.
  • De nombreux effets indésirables modérés ont été notés dans les jours suivant la seconde injection: maux de tête, fatigue, douleurs musculaires, frissons ont été observés chez un tiers à la moitié des volontaires, souvent chez les moins de 55 ans. Quatre cas modérés de paralysie de Bell (une paralysie faciale) ont été enregistrés parmi les vaccinés. Aucun lien formel n’a encore être démontré. Enfin, Pfizer-BioNTech déconseille le vaccin aux personnes ayant connu d’importantes réactions allergiques à des vaccins, des médicaments ou des aliments.

Moderna

Société américaine

Les caractéristiques:

  • Le stockage doit se faire à – 20 °C, soit dans un congélateur classique, pendant six mois. Il peut se conserver durant un mois dans un réfrigérateur, soit à une température de 2 °C à 8 °C.
  • Le prix s’élève à environ 30 euros par dose. Le vaccin doit être injecté deux fois, à 2 et 4 semaines d’intervalle.
  • La capacité de production est de 500 millions à un milliard de doses annuelles à partir de 2021.
  • La Belgique a précommandé 5 millions de doses, via l’UE (160 millions).

Le type:

  • Vaccin à ARN.

La mise sur le marché:

  • Fin 2020.
  • Livraison en Belgique prévue au cours du premier trimestre 2021.
  • L’efficacité et les effets secondaires: 94,5%.
  • La plupart des effets secondaires sont de « courte durée et bénins ». Il s’agit de réactions locales (douleurs au point d’injection, gonflement, rougeur), de fatigue, de douleurs musculaires et de maux de tête. Trois cas de paralysie faciale, passagère, ont également été rapportés dans le groupe des vaccinés, comme lors dans les essais cliniques de Pfizer.
  • Le produit semble plus efficace chez les plus de 65 ans. Il l’est moins chez les populations jeunes (86,4%). En revanche, le laboratoire n’a fourni que peu de données pour les plus de 75 ans, davantage encore à risque. Enfin, les personnes obèses, très à risque aussi et représentant 22% des participants, semblent également bien protégées.

AstraZeneca

et son partenaire, l’université d’Oxford

Les caractéristiques:

  • Il se conserve à une température entre + 2 °C et + 8 °C.
  • Le prix est de 2,50 euros par dose. Le protocole indique deux doses, injectées à un mois d’intervalle.
  • La capacité de production est estimée à près de trois milliards de doses par an dès 2021.
  • La Belgique a réservé 7,7 millions de doses, en passant par l’UE (400 millions).

Le type:

  • Virus à vecteur viral.

La mise sur le marché:

  • Envisagée début 2021.
  • Livraison en Belgique estimée pour mars 2021.

L’efficacité et les effets secondaires:

  • Annoncée à 70%.
  • Ses résultats ont été validés par la revue The Lancet et ses relecteurs – même si, parmi les volontaires, il manque cruellement de personnes âgées (moins de 10% en Grande-Bretagne, moins de 1% au Brésil) et de minorités ethniques. En revanche, la stratégie de dosage, elle, n’est pas tranchée. Car un petit panel de volontaires (près de 3 000 participants, dont aucun n’a plus de 55 ans, soit un échantillon insuffisant) a reçu, par erreur, une demi-dose lors de la première injection. Et là où deux injections laissent apparaître une efficacité de 62%, l’impair entraîne une efficacité de 90%. Ce qui donne une efficacité de 70%, puisque le labo d’Oxford a combiné les résultats de deux groupes.
  • Trois cas d’effets indésirables sérieux ont été détectés, dont l’un dans le groupe placebo. Les essais avaient été suspendus temporairement en septembre. Les autres effets secondaires restent modérés: fatigue, douleurs musculaires ou légère fièvre.

Janssen

Filiale de l’Américain Johnson & Johnson.

Les caractéristiques:

  • Il se conserve dans un réfrigérateur standard.
  • Le prix est estimé à 10 euros par dose. Une dose serait suffisante.
  • La capacité de production est d’un milliard de doses d’ici à la fin de 2021.
  • La Belgique a réservé 5 millions de doses, via l’UE (400 millions).

Le type:

  • Virus à vecteur viral.

La mise sur le marché:

  • Envisagée au cours du premier trimestre 2021.
  • Livraison en Belgique prévue en avril 2021.

L’efficacité et les effets secondaires:

  • Des résultats intermédiaires sont attendus début 2021. Les essais avaient été interrompus en octobre. Ils incluent 40 000 participants en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Afrique.

CureVac

Laboratoire allemand.

Les caractéristiques:

  • Une dose à 2 à 4 semaines d’intervalle.
  • La Belgique a réservé 2,9 millions de doses, via l’UE (405 millions).

Le type:

  • Virus à ARN.

La mise sur le marché:

  • Envisagée au second trimestre 2021.
  • Livraison en Belgique prévue au plus tôt au second trimestre 2021.
  • L’efficacité et les effets secondaires:
  • La firme a entamé ses essais cliniques de phase 2b/3. Ils devraient concerner 35 000 participants en Europe et en Amérique latine.

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