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« On ne peut pas parler de maladie rare »: 11 idées reçues sur l’épilepsie

Anouche Nicogossian

Le 13 février, c’est la Journée internationale de l’épilepsie. L’occasion de faire la lumière sur cette maladie souvent méconnue avec Roberto Santalucia, neuropédiatre et épileptologue au centre hospitalier neurologique William Lennox et aux Cliniques universitaires de Saint-Luc.

Si l’on a tendance à croire que l’épilepsie est une maladie rare, il n’en est rien (seulement sous certaines formes). 1% de la population en est touchée, soit environ 100.000 personnes en Belgique. “On ne peut pas parler de maladie rare”, affirme l’épileptologue Roberto Santalucia. Cette idée reçue autour de la maladie est loin d’être la seule. Tour d’horizon avec le docteur Santalucia.

Qu’est-ce que l’épilepsie ?

La Ligue francophone belge contre l’épilepsie définit cette dernière comme une “maladie neurologique chronique qui se définit par la survenue répétée de crises d’épilepsie (non provoquées)”. “On y intègre également toutes les conséquences liées à cette maladie : l’insertion scolaire ou professionnelle, les stigmates, les troubles psychologiques,…”, précise Roberto Santalucia.

Les causes peuvent être soit génétiques (les enfants sont les plus concernés), soit lésionnelles : il s’agit alors d’une lésion cérébrale à cause d’une anomalie dans le développement du cerveau, ou faisant suite à un traumatisme crânien ou un AVC, touchant davantage les adultes.

L’épilepsie touche davantage les plus jeunes. Faux.

« Il y a, en effet, un pic d’incidence dans la petite enfance, soit pour des raisons génétiques ou suite à un accident à l’accouchement, par exemple mais aussi auprès des personnes plus âgées (dès 65 ans environ), suite notamment à un accident vasculaire cérébral. Néanmoins, l’épilepsie peut se manifester à n’importe quel âge », éclaircit le docteur.

Il n’existe qu’une seule forme d’épilepsie. Faux.

« Il existe de nombreuses formes d’épilepsie et même de crises. Il y a les épilepsies généralisées, les épilepsies focales, les épilepsies structurelles, donc liées à une anomalie comme une lésion ou une malformation, ou encore les épilepsies idiopathiques dans lesquelles il n’y a pas de lésion cérébrale. C’est important de les reconnaître parce que les traitements et les répercussions dans la vie ne sont pas forcément les mêmes. Certaines personnes ont une épilepsie compatible avec une vie “normale” avec seulement quelques aménagements, d’autres peuvent avoir des problèmes plus importants, notamment cognitifs », poursuit-il.

En général, une crise d’épilepsie est focale ou généralisée. Dans le cas d’une crise focale, la personne arrête son activité, sa conscience est suspendue et peut avoir des secousses rythmées d’un bras, d’une jambe ou du visage. Dans le cas d’une crise généralisée, dite tonico-clonique, la personne perd connaissance, connaît une phase d’hypertonie puis de mouvements saccadés des quatre membres, elle peut également baver. Cette forme de crise, bien que très spectaculaire, reste rare. 

Les crises tonico-cloniques ou généralisées (lorsque la personne perd connaissance et convulse) sont mortelles. Faux.

Roberto Santalucia explique que “ces crises sont surtout très impressionnantes, mais elles n’ont aucune conséquence sur le cerveau ou les autres organes. Le plus grand danger lors d’une crise généralisée est que la personne ne tombe et se blesse.” Ces crises s’arrêtent toutes seules et ne durent en général pas très longtemps (2 ou 3 minutes). Si, cependant, elle dure plus de cinq minutes, il est important d’administrer le médicament à la personne épileptique et d’appeler les services de secours. Il est donc primordial de connaître l’heure de début de la crise.

Selon l’épileptologue, il faudrait davantage apprendre à l’entourage à reconnaître les crises et à maîtriser les gestes à adopter. La Ligue francophone belge contre l’épilepsie a, à cet effet, réalisé un livret explicatif sur la maladie à destination des patients et de leur entourage.

Les gestes à adopter en cas de crise d’épilepsie

Noter l’heure de début de la crise.

Ne pas contraindre les mouvements de la personne, sécuriser l’espace autour d’elle, mettre quelque chose derrière sa tête pour éviter qu’elle ne se blesse.

Dès qu’il n’y a plus de mouvements saccadés, mettre la personne en position latérale de sécurité pour qu’en cas de bave ou de vomi, la personne éviter de ravaler ses sécrétions.

Il ne faut pas aller chercher la langue ni mettre la main dans la bouche : cela risque de créer un phénomène réflexe selon lequel la personne ferme sa glotte entraînant alors des problèmes respiratoires plus importants. Quand elle fait une crise d’épilepsie, la personne n’avale pas sa langue. « Elle peut devenir bleue car les muscles de la gorge se serrent, mais ce n’est pas à cause de la langue », nuance l’épileptologue.

Intervenir éventuellement avec un médicament si la personne est reconnue épileptique.

On peut prévoir une crise d’épilepsie. Faux, mais…

Le mot “épilepsie” vient du grec “epilepsía” qui tire son origine du mot « epilambánô » qui signifie “prendre par surprise”. “Par définition, une crise d’épilepsie est imprévisible. Cependant, certains patients épileptiques de longue durée peuvent la sentir venir, parce qu’ils connaissent bien la maladie », reconnaît le docteur.  

On peut faire une crise d’épilepsie dans sa vie, sans pour autant être ni devenir épileptique. Vrai.

Selon l’épileptologue, “cela peut arriver dans des cas précis, comme un bébé qui fait de la fièvre et a, par la suite, des convulsions fébriles. Il s’agit là d’une réponse du corps à la fièvre. Même chose, un adulte lors d’un accident de voiture peut avoir un traumatisme crânien et faire une crise sans qu’il soit épileptique pour autant. Lorsqu’une personne est confrontée à sa première crise, il faut néanmoins s’alerter et consulter pour comprendre le pourquoi et voir s’il s’agit de la conséquence d’un événement ou d’un début d’épilepsie.”

Le stress est nocif pour les personnes épileptiques. Vrai.

“Tout facteur qui altère la qualité de vie peut favoriser la survenue d’une crise d’épilepsie, principalement un mauvais sommeil et l’abus d’alcool. Il s’agit cependant d’observations cliniques, ce n’est pas démontré à 100% d’un point de vue scientifique”, partage Roberto Santalucia.

L’occasion donc de rappeler les principes de base d’une bonne hygiène de vie : avoir une alimentation équilibrée, pratiquer une activité physique régulière, bien dormir (et suffisamment), éviter la consommation d’alcool et de tabac. 

Certains sons et lumières peuvent provoquer des crises d’épilepsie. Vrai, mais…

“Seule une minorité de personnes sont touchées, celles qui ont une épilepsie dite réflexe ou photo-sensible. On est loin d’une généralité”, précise-t-il.

Le traitement contre l’épilepsie est médicamenteux. Vrai, mais pas que.

“Le traitement est généralement médicamenteux mais si les médicaments donnés à bonne dose s’avèrent insuffisants, on parle alors d’épilepsie réfractaire. Dans ce cas, on peut proposer au patient des alternatives comme une chirurgie de l’épilepsie (enlever la partie du cerveau qui déclenche les crises), une neuro-modulation ou un régime cétogène, par exemple.”

L’épilepsie affecte l’espérance de vie. Vrai, et faux.

“Dans le cas de formes sévères, l’épilepsie peut en effet affecter l’espérance de vie, mais pas lorsqu’il s’agit de formes bénignes, qui concernent d’ailleurs la majorité des patients.”

On peut guérir de l’épilepsie. Vrai.

Le neuropédiatre explique qu’il y a trois cas de figure selon lesquels on peut considérer la personne épileptique comme guérie : « 1. On lui a identifié un syndrome épileptique à durée de vie : il y a un âge d’arrivée et un âge de disparition. On sait par avance qu’atteint un certain âge, le patient verra son épilepsie disparaître. 2. Après 10 ans sans traitement et sans crise. Le patient retombe alors dans la probabilité générale de faire une crise, puisque personne n’est à l’abri d’une crise d’épilepsie (isolée, ou non). 3. Après une opération durant laquelle la partie du cerveau qui provoque l’épilepsie est enlevée.”

L’épilepsie peut entraîner des limitations physiques ou sociales. Vrai.

“Par exemple, pour se voir octroyer le permis de conduire et pouvoir conduire son propre véhicule lorsque l’on est épileptique, il faut qu’il se passe une année sans crise”, illustre le docteur. Certains métiers sont également déconseillés aux personnes épileptiques aux formes plus sévères : notamment lorsqu’il est question de manipuler des machines ou outils potentiellement dangereux ou quand il faut s’occuper d’une tierce personne, comme en puériculture. 

D’un point de vue social, “l’épilepsie est une maladie qui historiquement fait peur de par son caractère imprévisible et impressionnant lors des crises généralisées. Cette peur fait qu’il y a beaucoup de stigmatisations sociales. Cela entraîne donc des difficultés d’insertion scolaire ou professionnelle. Mais aussi, les personnes épileptiques et leurs familles se limitent dans leurs activités par peur de ce qui pourrait se passer, et par honte de faire une crise devant les autres. Je pense, au contraire, qu’il ne faut pas en avoir honte et qu’il faut avertir l’entourage, les amis car en cas de crise, ces personnes-là peuvent intervenir« , encourage Roberto Santalucia.

Et d’ajouter : « On a besoin de patients qui s’investissent dans leur maladie et sa reconnaissance. C’est ainsi, je pense, que l’on pourra changer la donne au niveau de l’insertion sociale : un épileptique pensera aux choses qui le touchent, et qu’un non-épileptique n’aurait pas envisagées. »

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