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Les assouplissements du 9 juin sont-ils trop risqués?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Certains virologues estiment que les assouplissements annoncés pour le 9 juin arrivent trop tôt. « Il aurait fallu attendre encore un mois et demi, voire deux », selon le virologue Marc Van Ranst. Doit-on mettre un frein au déconfinement ?

Admissions à l’hôpital, patients aux soins intensifs, nouvelles contaminations… Tous les indicateurs sont en baisse en Belgique, pour le plus grand bonheur des citoyens qui se réjouissent de pouvoir retrouver leur liberté le mercredi 9 juin. Cette date pivot marque notamment le retour de la culture, avec la réouverture des salles de spectacle, mais également de l’horeca, avec la possibilité de manger à l’intérieur.

Deux conditions, cependant, pour permettre ces nouveaux assouplissements : 80% de vaccination dans le public en « comorbidité », et un seuil maximal de 500 hospitalisations en soins intensifs. Avec 443 Belges aux soins intensifs, l’un des critères prévus est désormais rempli. De quoi donner un coup d’accélérateur au déconfinement belge. Une bonne nouvelle? Cette question divise les experts et les politiciens à la lumière d’un nouveau comité de concertation ce vendredi.

Des câlins à gogo ?

Une annonce en particulier inquiète les virologues: la bulle de contacts disparaîtrait au profit d’une nouvelle « règle de 4 ». Selon cette mesure, une limite au nombre de personnes que vous pouvez recevoir chez vous est toujours imposée, mais les règles de distanciation sociale filent à la poubelle. À partir du 9 juin, il n’y aurait donc plus de limitation aux contacts « physiques » entre personne, dans le domaine privé. Nous n’aurons plus à nous tenir à un mètre et demi de distance, et nous ne devrons plus porter de masque buccal. Pas même si toutes les personnes impliquées n’ont pas été complètement vaccinées.

Ce projet d’arrêté ministériel de la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, est loin de faire l’unanimité. Erika Vlieghe, présidente du GEMS, tient en tout cas à souligner que cet élément « n’était pas dans notre avis« . « Nous n’avons jamais recommandé cela« , a-t-elle précisé.

Dans un entretien accordé à De Zevende Dag, Marc Van Ranst n’a pas caché son inquiétude : « Tout le monde comprend que les gens ont besoin de contacts, mais les chiffres sont encore élevés, surtout par rapport à l’année dernière. Si vous aviez demandé à des experts de prendre la décision, ils auraient dit d’attendre encore un mois un demi, voire deux.  » Le virologue recommande donc de rester prudent, de garder ses distances dans la mesure du possible et de porter le masque.

D’autant que la vaccination – si elle progresse à une bonne vitesse – n’est pas encore terminée. « 50% des adultes sont partiellement vaccinés et c’est bien. Mais c’est 40% de l’ensemble de la population. Seulement 17% sont complètement vaccinés. Donc ce n’est pas comme si nous en étions encore à bout« . D’après le virologue, ces assouplissements représentent «  un pari, un risque, avec le variant indien qui circule. « 

Vers un régime pré-pandémique

Et ce ne serait pas la première fois qu’une telle annonce divise les politiciens et experts. Lorsque le Premier ministre Alexander de Croo a déclaré que les festivals seraient possibles dès fin août, Erika Vlieghe s’est là aussi interrogée quant à la sagesse d’une telle décision. « Nous entrons presque dans un régime pré-pandémique« , a déclaré le biostatisticien Geert Molenberghs (UHasselt, KU Leuven) au quotidien De Standaard. « À quelques détails près, les assouplissements permettent tellement de contacts supplémentaires qu’il n’y a plus de réelle différence avec un nombre illimité de contacts« .

Une erreur de calcul de la part des autorités ? C’est en tous cas ce que pense Geert Molenberghs, qui estime que ce relâchement pourrait être à l’origine de nouvelles contaminations. «  Le gouvernement se félicite de voir la campagne de vaccination battre son plein. À tort. Car si la variante indienne du virus, plus contagieuse et en forte progression en Grande-Bretagne, devait également prendre le dessus dans notre pays, cela pourrait donner un nouveau souffle à l’épidémie.« 

Un avis partagé ce week-end par Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le covid, sur RTL. « Il faut bien avouer que le déconfinement tel qu’il est prévu, il va un peu plus vite que ce que les scientifiques avaient prévu. Des grands groupes de 50 dans son jardin, 4 personnes différentes tous les jours… C’est plus que ce que les scientifiques proposaient.  » Et pour cause, la menace des variants plane sur l’Europe. Cette problématique, si elle est pour l’instant stabilisée en Belgique, peut rapidement inverser la tendance.

« On sait que le variant indien a pris le dessus en quelques semaines en Angleterre. Donc il est possible que passant de 1% pour l’instant, il augmente dans les semaines qui viennent « , s’inquiète le virologue. Une bonne nouvelle cependant : les vaccins semblent malgré tout, pour les symptômes du covid graves, couvrir les variants, y compris le variant indien.

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