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L’échec, clé de la réussite

Le Vif

Vous êtes confronté à l’échec ? Tous les espoirs vous sont permis ! L’échec serait même la condition du succès, « parce qu’il nous oblige à nous poser les vraies questions et à repartir sur des bases nouvelles. »

Qu’est-ce qui rapproche Winston Churchill et Barbara, Charles Darwin et Roger Federer, Thomas Edison et J.K. Rowling ? Tous ont échoué avant de réussir. « Mieux encore, affirme le philosophe français Charles Pépin dansLes vertus de l’échec :c’est parce qu’ils ont échoué qu’ils ont réussi. »

Thomas Edison a échoué tant de fois avant d’inventer l’ampoule électrique qu’un de ses collaborateurs lui a demandé comment il avait pu supporter ces milliers d’échecs.  » Je n’ai pas échoué des milliers de fois, j’ai réussi des milliers de tentatives qui n’ont pas fonctionné « , a répondu l’inventeur. Thomas Edison savait que, pour un scientifique, chaque erreur rectifiée est un pas de plus vers la vérité.  » Comme Edison, tous les scientifiques, les artistes et les sportifs vous le diront : on apprend davantage de ses échecs et de ses erreurs que de ses succès, souligne Charles Pépin. Avant de devenir une immense artiste dont les chansons défient le temps, Barbara s’est produite bien des fois sous les sifflets et les huées. Darwin n’aurait jamais entrepris le voyage au long cours qui a décidé de sa vocation s’il n’avait pas abandonné successivement ses études de médecine et de théologie. Le fair-play légendaire de Roger Federer s’est forgé lentement mais sûrement, au fil des innombrables matchs perdus dans son adolescence. Et c’est un double échec sentimental et professionnel – quittée par son mari, elle avait aussi perdu son poste chez Amnesty International – qui a poussé J.K. Rowling à se consacrer à l’écriture… et à créer Harry Potter. Malheureusement, dans nos pays, la famille, l’école et même l’entreprise n’ont pas encore assimilé cette évidence : ceux qui échouent y sont montrés du doigt. J’ai écrit ce livre parce que j’en avais assez de ce décalage : je ne supportais plus de voir des enfants et des adultes souffrir de leurs échecs, alors que l’échec et la réussite sont les deux faces d’une même médaille.  »

Avoir raté vs être un raté

Charles Pépin va plus loin : pour lui, l’échec est la condition du succès.  » Parce qu’il nous oblige à nous arrêter, à nous poser les vraies questions et à repartir sur des bases nouvelles. J’observe d’ailleurs, et c’est moins une théorie qu’un constat, que les ‘bons élèves’ qui n’ont jamais pris le risque d’échouer – études sans accrocs, carrière linéaire – sont littéralement anéantis quand l’adversité finit par les rattraper, à la quarantaine, sous la forme d’un divorce ou d’une désillusion professionnelle. Ceux qui ont déjà échoué, par contre, ne s’écroulent pas, car la première vertu de l’échec est de nous préparer à l’échec : quand on s’est relevé une fois, on sait qu’on en est capable…  »

Le tout est de ne pas confondre ‘avoir raté’ et ‘être un raté’.  » Les Anglo-Saxons et les Scandinaves l’ont bien compris. À la faculté de médecine de Boston, par exemple, les candidats à l’entrée en première année étant trop nombreux, les professeurs privilégient ceux qui ont déjà connu des échecs – en particulier ceux qui ont entrepris d’autres études avant de prendre conscience de leur méprise et de se décider à ‘faire médecine’. De même, un premier échec d’un entrepreneur américain sera souvent considéré comme une expérience, une preuve de maturité, l’assurance qu’il y a au moins un type d’erreurs qu’il ne refera pas. S’il sait le faire ‘mousser’, il pourra même se voir accorder un crédit plus facilement que s’il n’avait pas échoué. Dans des pays comme la France, la Belgique ou le Japon, c’est le contraire !  »

Une fissure en toute chose

Pourquoi ?  » Parce que nous sommes trop essentialistes et pas assez existentialistes. Si j’existe, si je vis ma vie comme une aventure faite de rebondissements, de bifurcations, de réorientations, je ne m’enferme pas dans mes échecs. Mais si je me laisse persuader que mon identité, mon essence même, est entachée par l’échec, je me prive de la possibilité de réussir…  »

La tendance est en train de s’inverser : déjà, des enseignants, des consultants en entreprises commencent à valoriser l’erreur comme moyen d’apprentissage.  » Mais la route est encore longue, d’autant qu’il faut également tenir compte de la dimension collective de l’échec. À l’heure actuelle, nos sociétés sont impactées par un sentiment d’échec très fort, dû notamment à notre impuissance face à la violence terroriste. Nous en arrivons à oublier que notre histoire a été jalonnée de crises, et que chacune de ces crises a été à la fois une fin et un commencement. Chaque fois qu’une porte se ferme, une fenêtre s’ouvre. Mais si nous nous laissons amoindrir par la crispation identitaire en sombrant dans la peur, la déploration ou le repli, nous n’osons pas aller à la fenêtre, et la solution, qui se trouve souvent au coeur même du péril, nous échappe. Leonard Cohen, qui vient de mourir, chantait dans Anthem : ‘There is a crack in everything, that’s how the light gets in’ – ‘Il y a une fissure en toute chose, c’est ainsi qu’entre la lumière’. Au niveau individuel comme au niveau collectif, chaque crise est une fissure, une invitation à faire toute la lumière sur nos échecs afin de les dépasser…  »

Arrêter de vouloir

Et dépasser nos échecs, c’est aussi nous arracher à la morosité ambiante.  » Ma philosophie de l’échec est une philosophie de la joie. Bien sûr que l’existence n’est pas parfaite : nous n’atteignons pas tous nos objectifs, nous perdons des êtres aimés, nous tombons malades et nous accumulons les blessures narcissiques. Mais quand on a connu des échecs et qu’on finit par réussir, la joie qu’on éprouve est beaucoup plus intense et profonde que si on avait réussi du premier coup. C’est en cela que les échecs participent à la joie humaine…  » Non que tout échec puisse être aboli par la simple volonté.  » Contrairement aux idées reçues, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Mais la principale vertu de l’échec est précisément qu’il nous permet d’arrêter momentanément de vouloir. De nous réconcilier avec la réalité et avec nos propres limites. De prendre le temps de nous demander : ‘Quel est mon désir profond, ma véritable quête, mon inspiration authentique ?’ Et ensuite – ensuite seulement, une fois que nous avons trouvé la réponse en nous – de rebondir. En rebondissant trop vite, on retombe dans les mêmes erreurs…  »

Par Marie-Françoise Dispa

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